Explosion du nombre des terrasses, mécontentement croissant des riverains, système de contrôle trop complexe voire inefficace, un rapport de la chambre régionale des comptes cible la gestion des terrasses à Paris par la mairie.
"Le rapport sur les terrasses de la chambre régionale des comptes est en ligne avec ce que nous dénonçons depuis 5 ans." Déplorant une "mairie sourde aux demandes des riverains", le Réseau Vivre Paris ! et le Collectif Droit au Sommeil applaudissent le dernier rapport de la chambre régionale des comptes sur les terrasses implantées sur le domaine public à Paris.
Selon ces associations, les conclusions de la CRC, la chambre régionale, révèlent "l'évolution débridée de l'occupation de l'espace public au cours des dernières années". Le Réseau Vivre Paris rappelle qu'en décembre 2021, elle avait engagé une procédure pour carences fautives de la Ville de Paris. "Nous attaquions l'incapacité de la Ville à appliquer son propre règlement des terrasses (...) la Ville ne respecte pas les règles qu'elle a elle-même édictées", précise aujourd'hui le collectif.
Le rapport sur les terrasses de la Chambre Régionale des Comptes est en ligne avec ce que nous dénonçons depuis 5 ans.
— Droit au Sommeil PARIS (@DroitParis) January 28, 2025
Il est URGENT de réviser le RET.@Bonnet_Oulaldj https://t.co/kHgfsLZzbO
Une hausse de près de 27 % de terrasses
En 2023, la capitale comptait 22 800 terrasses taxées, soit 26,9 % de plus qu'en 2018. Comment expliquer ces chiffres ?
Après la crise du COVID, "afin de pérenniser les dispositifs dérogatoires mis en place pour soutenir l’activité commerciale", la Ville de Paris a émis un nouveau règlement faisant "largement droit aux demandes des commerçants", pointe le rapport. En 2021, un nouveau RET, un règlement des Terrasses et Étalages, autorise notamment l'installation terrasses estivales, du 1er avril au 31 octobre, y compris sur zone de stationnement, de livraison et sur le trottoir opposé.
Ce nouveau régime rencontre un "large succès auprès des commerçants", précisent les magistrats. Il provoque une hausse de l’emprise des terrasses sur le domaine public de 60 % entre 2020 et 2023. Les terrasses sur stationnement ont également été autorisées de manière définitive sur près de 2 000 places.
255 tarifs applicables
Réglementairement, chaque demande d'installation de terrasse est soumise une autorisation révocable. Le commerçant doit s'acquitter d'une redevance d’occupation.
Dans leurs conclusions, les magistrats de la CRC pointent du doigt des "autorisations d’occupation du domaine public reconduites tacitement, sans être assorties, lorsque c’est nécessaire, d’obligations de mise en conformité." Le RET de 2021 est composé de 108 articles, 67 pages et d'un cahier de recommandations. La CRC évoque au sujet de ce règlement "une trop grande complexité qui nuit à son efficacité."
Un contrôle de conformité en défaut et une grille de tarification jugée "complexe" : le CRC a dénombré pas moins de 255 tarifs applicables début 2024. Chaque année, grâce à la redevance, 38,85 millions d'euros ont été perçus par la Ville en 2022. Une recette qui ne reflète les bénéfices réels du secteur selon ce rapport. Concernant les terrasses pérennes, l'échelle de tarifs en vigueur n'a pas été revue depuis 2005.
Quant aux verbalisations opérées par la police municipale, elles ont été multipliées par quatre entre 2018 et 2022, mais pour autant, ne sont "guère dissuasives", selon le rapport qui souligne que "la procédure de sanction administrative est quant à elle longue et complexe à mettre en œuvre."
"A Paris, la gestion des terrasses critiquée par la chambre régionale des comptes" (Le Monde) Le rapport de la Cour Régionale des Comptes donne raison aux associations de riverains. https://t.co/jQ1maPW5ex
— Réseau Vivre Paris ! (@RezoVivreParis) January 29, 2025
45 217 plaintes
Entre 1ᵉʳ janvier 2022 et 30 juin 2023, 45 217 plaintes pour nuisances ont été enregistrées. Un concert de protestations très peu suivies de sanctions, regrettent les collectifs de riverains. De leurs côtés, les magistrats recensent le nombre de plaintes déposé par arrondissement. Ces plaintes se concentrent dans Paris-centre, dans le 18ème, le 9e et dans le 10e arrondissement.
La police municipale indique "ne pas avoir les moyens humains de se déplacer face au nombre de plaintes déposées (...) et précise "se rendre sur place dans une fourchette de 30 % à 50 % des signalements déposés sur l’application 'Dans ma rue'", mise à disposition par la Ville de Paris.
Selon des données data de cette application exploitées par l'association Droit au sommeil, 3 296 adresses parisiennes sont signalées pour nuisances sonores de terrasses en 2022. "Soit 3,5 signalements par adresse en moyenne (en rouge de 5 à 253 fois sur la période)", calcule l'association.
Dans ses recommandations, la CRC invite la mairie de Paris à réviser la grille tarifaire des redevances d’occupation du domaine public "afin que les revenus procurés à la collectivité par la tarification des terrasses reflètent mieux les bénéfices privés". Elle lui recommande de "procéder au réexamen périodique des autorisations de terrasses (cinq ans)."
Et en direction des collectifs de riverains "afin de fluidifier leurs rapports avec les cafetiers restaurateurs", de les associer "au fonctionnement des commissions de régulations des débits de boissons."
La mairie de Paris qui tient un Conseil de la Nuit où l'on débat de tranquillité publique, des commerces et travail la nuit, n'a pas pour l'instant souhaité réagir aux conclusions et aux recommandations du rapport.