Seine-Saint-Denis – JO 2024
Les jeux de la colère prennent leurs quartiers à Pleyel
Alors que les Jeux Olympiques se profilent à l’horizon 2024, les habitants du quartier Pleyel de Saint-Denis serrent les dents. Entre crainte d’une augmentation de la pollution atmosphérique et concertation décevante avec les nombreux maîtres d’ouvrage, le Comité de vigilance Saint-Denis se prépare à mener une action en justice.
Une école entre deux bretelles d’autoroute
De part et d’autre, les moteurs grondent. Des klaxons résonnent boulevard de la Libération, à Saint-Denis. Boulevard Anatole France, un camion s’ébranle en soufflant. Entre les deux axes, le passage de la harpe. Une bouffée d’air.Hamid Ouidir attend ses enfants à la sortie de la maternelle et de l’école primaire du groupe scolaire Pleyel, sur une voie piétonne. Pétition à la main, le Dionysien tente d’alerter les autres parents d’élèves à travers le flot d’enfants. «Si le projet abouti, c’est l’avenir de nos gamins qui est en jeu !», s’époumone-t-il.
Pour cet élu de la Fédération de Conseil des Parents d’Élèves (FCPE) et membre du Comité de vigilance Saint-Denis, un groupe de 19 collectifs de lutte citoyenne créé il y a un an, le temps presse. D’ici le début des JO de 2024, le quartier Pleyel de Saint-Denis sera entièrement reconfiguré.
Pour rendre ces nouvelles infrastructures accessibles, la Direction des routes d’Île-de-France (Dirif), un organisme étatique, a sorti des tuyaux un nouveau plan de circulation. Les boulevards de la Libération et d’Anatole France devraient être élargis et servir de bretelles d’autoroutes d’appoint pour entrer et sortir de l’A86. Objectif : «améliorer les conditions de desserte du secteur Pleyel pour accompagner le développement des territoires concernés», selon la Dirif.
Le quartier du groupe scolaire Pleyel aujourd'hui et après la réalisation du projet de la Dirif :
Alerte #greenwashing : le 0 carbone, ça ne signifie pas la lutte contre la pollution locale à #saintdenis, puisque le réaménagement de l'A86 pour #Paris2024 ajoutera du trafic routier dans le secteur Pleyel, du village olympique. L'écologie, c 'est d'abord la santé publique ! https://t.co/gDasjIEZic
— Vigilance JO StDenis (@VigilanceJO93) August 18, 2019
Une concertation insatisfaisante pour les habitants de Saint-Denis
Le Comité de Vigilance de Saint-Denis a bien tenté de proposer un projet alternatif pour éviter l’asphyxie. En vain. «On n’est pas contre les JO, ils peuvent être une opportunité, mais seulement lorsqu’on discute avec les riverains. J’ai écrit au Président de la République, au Préfet, à Yannick Jadot. Personne n’a pu apporter de réponse. Aujourd’hui, on est en plein déni de démocratie», soupire le père de famille. «Après les JO, des investissements de cette nature, il n’y en aura plus. On doit essayer d’utiliser la masse de ces investissements pour faire quelque chose», renchérit Cécile Gentrac, géographe et membre du Comité de vigilance, dans la revue Regards.Le fait que les trois projets qui redessineront le quartier Pleyel aient été pensés séparément par la Solideo, la Plaine Commune et l’Etat pose un problème majeur pour le Comité de vigilance. «La ZAC Pleyel, le village olympique et le projet autoroutier de la Dirif doivent être revus dans une perspective de cohérence globale pour le quartier, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, précise Hamid Ouidir. Le projet alternatif propose d’équilibrer la circulation en faisant notamment en sorte que la bretelle de sortie de Bobigny débouche sur la plaine Saulnier.»
Imbriqués les uns dans les autres, tous ces projets achoppent sur le même point : une concertation difficile entre les principaux acteurs et les riverains. «Le Comité de vigilance assiste aux réunions publiques depuis novembre dernier. Il y a très peu de publicité et nous n’avons pas le sentiment d’être entendus. Ce ne sont pas des réunions de travail», déplore le Dionysien.
Après 3 reports successifs, on commence à se demander si ce n’est pas l’idée même du forum qui gêne ! Quand il s’agit des appels d’offre #paris2024, y’a pas de report possible. Les assos locales, elles, attendront ! https://t.co/ELmNe5EJt7
— Vigilance JO StDenis (@VigilanceJO93) September 10, 2019
Pour la société d’aménagement, la concertation est satisfaisante et ses efforts continus. «On essaie d’être innovant sur l’ensemble de nos domaines, y compris sur la concertation, reprend Jérôme Brachet. On veut aller beaucoup plus loin sur la concertation.» 74 habitants de Saint-Denis, recrutés à la sortie du métro Carrefour-Pleyel et par du porte-à-porte fin août, ont accepté de participer à une nouvelle étape de la concertation. Ils devraient se réunir pour la première fois à partir de la mi-octobre pour discuter des aménagements avec les équipes. «Le but, c'est vraiment que les habitants s'approprient les ouvrages», insiste la société.
«Où sont les projets de santé publique ?»
Le Comité de vigilance s’échine sur tous les fronts. Car les enfants ne sont pas les seuls concernés par cette reconfiguration du quartier. Pour faire place au village olympique, 286 travailleurs migrants habitant dans un foyer aux portes de Saint-Ouen sont priés de déménager avant 2020.L’ouverture de deux nouvelles résidences a bien été annoncée, mais celles-ci ne seront pas opérationnelles avant 2022. En attendant, le relogement provisoire est assuré par la Solideo. Une annonce froidement accueilli par les résidents, qui craignent d’être relogés dans des préfabriqués.«Ce que l'on veut, ce sont des logements acceptables dans des conditions humaines. Si tous les éléments sont réunis, nous sommes prêts à quitter les lieux dès demain», assure Boubacar Diallo, le porte-parole des résidents de l’Adef, au Parisien.
La Solideo argue que le site de relogement provisoire remplira les conditions émises par les résidents, soit une localisation à 150 mètres du métro Carrefour Pleyel et à 200 mètres de leur site actuel. Quant à la nature des logements, il s’agira «de préfabriqués de qualité, c’est-à-dire de logement modulaire temporaire avec un niveau de prestation du pérenne».