Depuis l'incendie de son pavillon à Villejuif, il y a un peu plus d'un an, la famille Mellouki vit à l'hôtel, dans une chambre de 10 m2. Comme un tiers des Franciliens, le couple, et leur fille Sonia de 4 ans, souffrent du mal-logement. Paroles d'une mère de famille qui se sent abandonnée par les pouvoirs publics.
A l'occasion de la publication du rapport 2022 sur le mal-logement en Île-de-France de la Fondation Abbé Pierre, Annie Mellouki nous raconte son quotidien et son combat pour retrouver un logement décent.
"Le 5 septembre 2021, le petit pavillon dans lequel j’habitais avec mon mari, et ma fille âgée alors de 3 ans, a été détruit par un incendie. Ce jour-là, nous avons été relogés par la mairie de Villejuif dans un hôtel Appart’ City, une chambre de 10 m². On nous a dits que nous allions rester là provisoirement, dans l’attente d’être relogés dans un logement social."
"J’ai une fille de quatre ans. Elle dort dans un peu lit de bébé collé à notre lit. Elle joue dans les couloirs de l'hôtel, fait de la trottinette, du vélo. J’essaye de lui faire de la place comme je peux, mais tout est entassé dans des cartons. Pour manger, j’ai juste un micro-ondes et une plaque chauffante qui étaient intégrés à la chambre d’hôtel. Mon mari et ma fille mangent sur le bureau, et moi, je mange sur le lit."
La précarité, je la vis au quotidien
Annie Mellouki
"La précarité, je la vis au quotidien. Je n’ai pas de congélateur. Des fois, je vois bien des offres, des promotions dans les grandes surfaces, mais je ne peux pas acheter car je ne peux pas stocker la nourriture. Je fais des courses tous les deux jours, des yaourts pour ma fille et je lave le linge à la laverie automatique. Voilà comment nous vivons, comment nous survivons."
"Pour la chambre, nous payons un loyer de 1102 euros depuis un an. Il vient d'être augmenté de 200 euros. Nous n’avons pas d’aides des APL. Nous ne pouvons pas les toucher, car la loi exige qu’il faut 9 m² par habitant pour en bénéficier. Nous sommes trois, il nous faudrait un logement de 27 m². Exceptionnellement, la CAF, la Caisse d'allocation familiale, nous a donné une aide de 200 € à titre dérogatoire. Quand nous avons payé notre loyer avec le salaire net de 1300 euros de mon mari qui est boucher dans une petite entreprise, il ne nous reste plus grand-chose pour vivre."
"Avec les agences immobilières, c’est impossible de louer quelque chose, car pour un loyer de 500 €, il faut gagner trois à quatre fois le montant. Et là, à partir du 1er septembre, le loyer de l’hôtel a été augmenté de 200 €, il est passé à 1312 € J’ai prévenu le propriétaire de l’hôtel, comme quoi je serai incapable de payer cette augmentation."
On m'a dit que nous n'étions pas dans une situation d’urgence
Annie Mellouki
"On a tout fait. On a contacté la mairie, la préfète du Val-de-Marne, le Dalo... (Le DALO : Droit au Logement Opposable qui permet aux personnes mal logées d’être reconnues prioritaires afin de faire valoir leur droit à un logement ou un hébergement Ndlr) En vain. J’ai de nouveau saisi la mairie pour leur expliquer ma situation, et on a toujours rien. La seule personne qui m’écoute, qui m’aide, et me dirige dans mes recherches, c’est la Fondation Abbe Pierre."
"Concernant le Dalo, on m'a dit que nous n'étions pas dans une situation d’urgence, et j’ai donc saisi le tribunal administratif de Melun et nous sommes toujours en attente. Notre dossier n’est toujours pas passé. Le tribunal administratif de Melun nous a dits qu’il y avait des tonnes et des tonnes de dossiers. Le jour du jugement, je devrai me rendre à Melun, et je ne sais pas comment, car je n’arrive même pas à m’acheter un pass Navigo. Nous sommes dans une précarité terrible."
J'habite à Villejuif depuis 45 ans. Je vois des constructions partout, et je ne comprends pas
Annie Mellouki
"Quand nous sommes arrivés dans cette chambre d’hôtel, la mairie de Villejuif, nous a dit que c’était provisoire, dans l’attente d’être relogés, et aujourd’hui, elle nous dit qu’ils n’ont pas d’appartements disponibles sur le contingent social. J'habite à Villejuif depuis 45 ans. Je vois des constructions partout, et je ne comprends pas."
"Je demande juste un petit studio. Je me sens totalement piégée, car après l’incendie, la mairie avait dit qu’elle reviendrait vers nous, et personne n’est jamais revenu s'occuper de nous. Les seuls courriers que l'on nous renvoie, c’est pour dire qu’il n’a pas d’appartement ou qu’il faut contacter le 115. Mais je peux vous dire que l’on que le 115 est totalement débordé."
"Et c’est ma fille de quatre ans qui en pâtit le plus, jamais de copains ou copines, car c’est impossible. Elle en a marre d’être ici. Quand ma fille joue dans la chambre, elle joue sur le lit, car il n’y a pas d’autres places. Elle aimerait avoir sa chambre. J’ai contacté le responsable du service petite enfance à la mairie pour alerter sur les conditions de vie de ma fille. Elle ne m’a même pas répondu. Tout le monde se fiche de nous."