Le 6 mars dernier, le ministre des Solidarités et de la Santé déclenchait sur tout le territoire le plan blanc. ll avait pour but de mobiliser tous les établissements de santé pour faire face à la pandémie de coronavirus. Les cliniques privées, vidées de leurs patients attendent...
"Depuis le début, on est très vigilant sur l'aspect économique, déclare ce représentant du personnel de l'hôpital privé du Confluent à Nantes. Mais on est dans un groupe qui est robuste donc pas d'inquiétudes sur les emplois et les salaires".Et pourtant, si on pouvait arpenter les couloirs de cet établissement, on constaterait que l'activité est en forte baisse. Et encore, la clinique bénéficie de l'activité des urgences. Cette situation inhabituelle n'est due ni à la concurrence locale, ni à une chute de la cote de cette clinique, non, c'est l'effet plan blanc.
Le 6 mars dernier, Oivier Véran, le ministre de la Santé déclenchait le plan blanc sur tout le territoire, obligeant notamment les établissements de santé, hôpitaux publiques et cliniques privées à déprogrammer toutes les opérations non urgentes. Le but étant de se préparer à une vague de covid-19. Il fallait libérer des lits et mobiliser les personnels.
A Angers, la clinique Saint-Joseph emploie 250 salariés. Spécialisée en cardiologie, chirurgie vasculaire et viscérale, elle tourne au ralenti. Selon son directeur général Sébastien Mounier, l'établissement n'est qu'à 20% de son activité habituelle, essentiellement des urgences. Une partie des personnels a donc pris des jours de récupération.
"On est en sureffectif par rapport à la normale constate le directeur général, au lieu d'être à une infirmière pour cinq ou six patients, on est à une pour deux ou trois."
Une situation qui pourrait fragiliser n'importe quelle entreprise alors ici comme ailleurs, on guette la reprise. Mais attention, un déconfinement ne signifierait pas pour autant un retour à la normale pour les établissements de santé, le plan blanc pourrait très bien être prolongé.
"On peut penser à un retour à la normale en septembre ou octobre" envisage Sébastien Mounier qui souhaite maintenir les salaires et les emplois.
Dans un article en ligne publié fin mars, Jeunes Médecins.fr s'interrogeait sur une situation similaire qui avait conduit les hôpitaux débordés du Grand Est à envoyer des patients covid dans d'autres régions alors que des centaines de lits et des équipes étaient disponibles dans les cliniques privées. Une gestion des moyens voulues en fait par l'Agence Régionale de Santé de cette zone.
Qu'en est-il en Pays de la Loire ?
Selon Jean-Jacques Coiplet, le directeur de l' ARS Pays de la Loire, le CHU d'Angers a, au début du plan blanc, transféré une centaine de patients non covid dans des établissements privés afin de libérer des lits dans ses propres services. Et au niveau régional, ce serait 250 patients covid qui ont été dirigés vers des cliniques privées.
La clinique Jules Verne à Nantes a ouvert une unité spécialement dédiée aux patients sortis de réanimation et qu'il faut accompagner parce qu'épuisés. L'unité totalise 19 lits et elle est complète.
La clinique a également prêté des respirateurs et envoyé des infirmiers en renfort au CHU de Nantes.
"L'intégralité de nos salles de bloc sont fermées..."
Mais l'établissement a, pour sa chirurgie, perdu 70 % de son activité du fait de la déprogrammation des interventions exigée par le plan blanc. En médecine, c'est 20 % d'activité en moins.La situation inquiète la directrice Catherine Debard. "A quel moment pourra-t-on se remettre en configuration plus normale s'interroge-t-elle, voyant que le pic n'arrive pas. L'intégralité de nos salles de bloc sont fermées, les chirurgiens, les anesthésistes, les aides-opératoires attendent."
Des avances sur trésorerie ont été accordées aux établissements par l'ARS et l'Assurance Maladie. "Les pouvoirs publiques disent qu'on sera accompagné, se rassure Catherine Debard, avec des déblocages de financements qui d'habitude arrivent en fin d'année. Mais c'est préoccupant. Ce qui est difficile, c'est qu'on n'a pas la visibilité sur la durée de cette crise."
L'établissement a dû suspendre des projets de développement et une partie des personnels a été mise en repos forcé en utilisant des récupérations ou en vidant des comptes d'heures supplémentaires accumulées. Mais cette pratique a forcément des limites.
En psychiatrie aussi
La crise touche également des établissements pourtant éloignés, dans leur spécialité, des questions de virologie. Ainsi, la clinique du Parc, à Nantes, spécialisée dans la psychiatrie et les troubles du comportement a dû libérer des lits pour constituer une zone tampon afin d'y accueillir, le cas échéant, des patients hospitalisés dans sa propre structure et qui présenteraient les symptômes du covid-19."On a eu une baisse d'activité sur l'accueil de jour et sur l'hospitalisation, explique Véronique Bertin, la directrice. Sur 57 lits, on était à 99% d'occupation, on est tombé à 60 % au début du confinement."
Depuis, afin de ne pas faire prendre de risques à certains malades retournés chez eux, la clinique a recommencé à faire des admissions. Le taux d'occupation est remonté à 74 %.
"Ça reste compliqué, admet Véronique Bertin, on verra les mesures de financement proposées par le gouvernement."
La profession s'inquiète aussi pour ces patients dont les interventions chirurgicales ont été reportées. "Dans quel état les retrouverons-nous après le déconfinement ?" se demandent les praticiens.
"Il y a un arrêt des consultations et des hospitalisations en urgence mais il ne faut pas aller vers une situation de perte de chance de nos patients" insiste la directrice de la clinique Jules Verne.
Et à la reprise, pas question de se retrouver avec des salles d'attentes et des lieux d'accueil bondés. "Le déconfinement annoncé pour le 11 mai, rappelle le patron de l'ARS, ne veut pas dire fin de la pandémie. Il faudra faire preuve de discipline et de respect des mesures barrières !"
Pas simple...