"C’est un boulot de dingue. On en ressort bien crevé !" Pour Paul Meyer, chef d'orchestre est un métier exigeant mais passionnant

La Folle Journée de Nantes se poursuit à la Cité des Congrès sur le thème, cette année, des villes phares, Venise, Londres, Vienne, Paris, New-York. Paul Meyer y est à l'affiche avec l'orchestre de chambre de Mannheim. Il nous explique ce qu'est le travail, la mission d'un chef d'orchestre.

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"Un chef d'orchestre, on peut l'assimiler à un metteur en scène qui lit une pièce de Molière et imagine les décors, les personnages."

Paul Meyer, clarinettiste de renommée mondiale et chef principal de l'orchestre de Mannheim (sud-ouest de l'Allemagne), est à l'affiche de la Folle Journée (Nantes, du 29 janvier au 2 février). Il y dirige l'orchestre de chambre qui se produit à quatre reprises à la Cité des Congrès, dont ce samedi à 16h30.

Pour nous, il a bien voulu expliquer ce qu'est le travail d'un chef d'orchestre, le seul artiste qui joue... dos au public.

"J’avais un geste que les gens comprenaient"

"J'ai toujours voulu diriger", raconte Paul Meyer. Ce natif de Mulhouse, passé par le Conservatoire National Supérieur de Paris, a rapidement imposé son talent de clarinettiste, remportant le Concours de l'Eurovision des jeunes musiciens puis celui des jeunes artistes de concert de New-York.

Parallèlement à une carrière de soliste international, il a dirigé plusieurs orchestres, l'Orchestre Philharmonique de Séoul, l’Orchestre Kosei de Tokyo, l'Orchestre Philharmonique de Radio France et bien d'autres encore.

"Depuis l’âge de 14 ans, raconte-t-il, beaucoup sont venus me voir pour me demander mon avis sur ce qu'ils jouaient." Paul Meyer donnait alors sa vision des choses en l'accompagnant de mouvements des mains.

"Je me suis rendu compte que j’avais un geste que les gens comprenaient." Ce geste que Paul Meyer met depuis au service de grandes formations philharmoniques ou d'orchestres de chambre.

Le travail d'un chef d'orchestre commence seul, face à l'œuvre, aux partitions et à ce qu'il voudrait exprimer. C'est en cela que Paul Meyer compare le travail de chef d'orchestre à celui d'un metteur en scène : "Comment on interprète la partition, la mise en valeur des musiciens", explique-t-il.

Du charisme sans terroriser

Et puis vient le travail de répétition avec les musiciens, cordes, cuivres, bois, percussions.

"Lors de la répétition, on essaye de mettre ça en forme, les rapports entre les différents instruments. Les musiciens apprennent la partition à jouer, avec les autres. Le trompettiste, au fond de l’orchestre, n’entend pas les violonistes. Le chef, qui a la partition de tous les musiciens devant lui, gère ces choses-là. Il faut répéter ensemble pour donner une cohésion. Diriger, c’est accompagner, motiver, encourager, contrôler".

Paul Meyer insistera souvent sur la relation qui se joue entre le chef et les musiciens de l'orchestre.

"Le chef d’orchestre décide du tempo. C’est sa décision, prise avec les musiciens. Il faut qu’il les convainque, qu’il fasse en sorte que sa vision soit comprise, admise. Par son expérience, son charisme, sa conviction personnelle, précise Paul Meyer. Le chef d'orchestre est au service de la partition, de l’orchestre, des musiciens. Il faut être certain d’avoir quelque chose à dire. Il ne doit pas terroriser. Il y a eu des grands chefs qui ont régné par la terreur."

On a alors en tête la scène culte de La Grande Vadrouille où Louis de Funès martyrise son orchestre. Paul Meyer en joue quelques répliques en s'amusant, se souvenant de la perruque et de la baguette de ce chef excentrique et despote.

Avec l'orchestre de chambre de Mannheim, Paul Meyer se produit à quatre reprises à la Folle Journée de Nantes 2025. © Orchestre de Mannheim

La baguette justement, a-t-elle une importance ?

"Quand on est avec cent musiciens, celui qui est à 15 mètres et qui n’a pas forcément de bons yeux, il se sent mieux s’il y a une baguette. Elle est blanche, elle se voit bien et quand on dirige pendant trois heures, la baguette sert à amplifier le geste. Mais il y a aussi une habitude personnelle, convient-il. Les petits orchestres, je les dirige toujours sans baguette."

Et l'on en revient aux gestes du chef, ce qui fera, en partie, sa signature personnelle de la direction d'une formation. 

"C’est le geste qui encourage, qui bloque, qui motive, montre Paul Meyer. La main droite donne la mesure. La main gauche, c’est la main du cœur, elle donne l’expression. Le regard accompagne. Ça se fait naturellement."

Soliste avant d'être chef

Paul Meyer avoue que sa carrière de soliste l'a aussi bien aidé à trouver sa place à la direction d'orchestres. Comme un chef passé par les postes de base peut se faire respecter de son équipe.

Il nous raconte cette anecdote qui lui revient à l'esprit : cette musicienne d'un certain âge dans un orchestre qu'il dirigeait et qui apprend que, lui-même, le chef, est soliste : "Ha ? lui dit-elle, surprise. Vous êtes musicien ? Vous savez faire quelque chose ?".

Paul Meyer n'est pas diplômé d'une classe de direction d'orchestre. Cela s'est fait comme ça, sur une proposition de remplacement. Mais il savait au fond de lui qu'il voulait exprimer cette facette de sa passion de la musique.

"Le chef est là pour que les interprétations soient vivantes, riches, que les musiciens se dépassent, dit-il. Chaque fois, c’est différent, elle (l’interprétation) est différente, le public est différent."

"Le public vous envoie des ondes"

Étonnante quand même la position de cet artiste sur qui le public a souvent l'œil rivé, mais qui lui tourne le dos. Paul Meyer affirme qu'il "sent " cette présence, derrière lui.

"Le public vous observe, dit-il, vous envoie des ondes, vous fait peur ou vous encourage. On fait tout ça pour offrir le concert au public, c’est un boulot de dingue. On en ressort bien crevé. C’est une longue concentration, c’est très fatigant de diriger. On est constamment à l’écoute. Mais c’est génial ! Imaginez diriger un requiem de Verdi, de Mozart. Vous baignez dans la qualité !"

Encore faut-il que tout le travail en amont ait été bien mené, compris, partagé avec tous les musiciens.

"Tout doit être blindé, confirme Paul Meyer, mais on a peur de ne pas créer un moment unique, que des musiciens soient terrorisés."

Paul Meyer a commencé comme clarinettiste soliste avant de pratiquer la direction d'orchestres. © France Télévisions Olivier Quentin

Côté face, Le chef Paul Meyer avoue aussi que le métier a des exigences : "C’est une vie difficile quand vous êtes très sollicité, dit-il. On n’est jamais chez soi. C’est une vie de solitaire, d’étude."

Où sont les femmes ?

Les hommes sont encore majoritaires dans cette profession. Mais pour Paul Meyer, cela va changer. Il cite quelques grands noms de cheffes d'orchestre comme JoAnn Falletta ou Nathalie Stutzmann.

"Il y a de plus en plus de femmes dans les orchestres. Elles sont rigoureuses, elles travaillent", dit-il sans pour autant parvenir à expliquer pourquoi elles restent minoritaires à la direction d'orchestres.

"Il faudrait poser la question à des femmes empêchées d’être cheffe d’orchestre", dit-il.

Pour lui, les meilleurs chefs sont ceux qui ne tremblent pas devant une formation prestigieuse, qui ont une "clarté de la pensée".

A-t-il été voir "En fanfare", magnifique film d'Emmanuel Courcol encensé par le public et la critique, qui raconte la relation entre un chef d'orchestre mondialement connu et son frère, tromboniste dans une fanfare d'une petite ville du Nord ? Non ! Mais des amis comédiens ou musiciens lui en ont parlé. Il ira. Peut-être en rentrant de Nantes et de sa Folle Journée.

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