George Orwell avait imaginé en 1949 un monde sous haute surveillance. "1984" son roman d'anticipation reste comme l'une des oeuvres d'anticipation les plus clairvoyantes à ce jour. Carole Mijeon elle, nous annonce très raisonnablement la folie d'un monde privé de pétrole.
C'est un village de la région nantaise. Enfin, comme l'auteure est nantaise, on imagine que c'est par là que ça se passe. Un village planté au milieu du vignoble avec ses maraîchers, ses vieux et ses classes moyennes qui ont trouvé à acheter dans cette grande banlieue parce que le foncier y est plus abordable. Mais ça pourrait se passer dans n'importe quel village. Pas de prologue, on est tout de suite plongé dans le problème, la France est en crise avec ses fournisseurs de pétrole, les pompes à essence sont vides.
Un roman sur la pétrodépendance
Ludovic, le personnage principal, raconte jour après jour l'adaptation de ses contemporains à un quotidien privé d'énergies fossiles. Et quand on dit adaptation ce serait plutôt la descente aux enfers. Pas de pétrole, pas de voiture, pas de provisions, pas de chauffage etc... Comment, du jour au lendemain, les habitants d'un village réorganisent leur vie autour des fonctions essentielles, la nourriture et la sécurité. Jusqu'à l'électricité, rationnée puis coupée. Donc plus de réseaux sociaux non plus. Plus d'info. Le village se referme sur lui-même, sur ses difficultés, ses ignominies, ses bonnes volontés aussi..."On se sent impuissant"
Même si le ton est au début très léger, la suite ne laisse aucun doute sur notre dépendance à l'or noir et les conséquences très concrètes d'une pénurie. Carole Mijeon a travaillé son sujet. Trois ans de recherches et d'écriture. " Tout a commencé par une discussion au coin du feu avec mon compagnon. On refaisait le monde. Et si la fin du pétrole sauvait l'humanité et la planète ? J'ai d'abord fait de nombreuses recherches, rempli trois cahiers de notes avant d'écrire la première ligne."
Puis Carole Mijeon a voulu soumettre son roman à un scientifique. Elle l'a donc envoyé à Benoît Thévard, ingénieur, spécialiste des questions d’énergie. L'homme se bat depuis des années pour alerter sur notre pétrodépendance. Ce roman illustre parfaitement ses craintes. Loin de mépriser cette première oeuvre, Benoît Thévard l’a dévoré et a même accepté d’en signer la préface, donnant sa caution scientifique à ce roman d’anticipation des plus angoissants.
Carole Mijeon continue de prendre sa voiture pour faire ses courses et aller à son travail (elle est monteuse et a travaillé sur de nombreux documentaires pour la télévision). " On se sent impuissant face à une telle éventualité" conclut-elle. Glaçant...Sur la réserve" de Carole Mijeon. Roman paru aux éditions Daphnis et Cholë. 18 €