Fiasco du nouveau logiciel de la Sécu, des milliers d'usagers ne sont toujours pas indemnisés

Un logiciel défaillant et des assurés désemparés. Malgré 30 000 acomptes versés et 25 millions d'euros débloqués, les Caisses Primaires d'Assurance Maladie de Vendée et de Loire-Atlantique n'ont pas encore de solution pérenne pour régulariser le versement des indemnités journalières à des milliers d'usagers. Une situation kafkaïenne aux conséquences financières et humaines désastreuses.

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Alors que la mise en place du nouveau logiciel de gestion des comptes des usagers de la CPAM devait permettre à la Sécurité sociale de faire des économies de personnels et de régler les indemnités journalières et revenus de compensation des malades, c'est tout l'inverse qui s'est produit. 

L'origine de ce "dysfonctionnement" est bien connue. Il répond au doux nom d'Arpège. Un logiciel développé par la firme Sopra Stéria, qui gère notamment les payes des militaires. Testé d'abord en Loire-Atlantique et en Vendée, l'algorithme doit être déployé sur l'ensemble du territoire.

C'était sans compter "la difficulté de passer d'un système informatique vieillissant à un autre système à la logique différente. Nous avons eu une version correctrice le 19 décembre qui a permis de corriger certains dysfonctionnements. Les nouveaux arrêts de travail, par exemple, sont correctement indemnisés. Et nous attendons une autre correction fin janvier", explique Pierre Peix, le directeur de la CPAM de Loire-Atlantique.

Reste que depuis le mois d'octobre, les indemnités journalières liées aux maladies professionnelles, aux arrêts de travail et aux temps partiels thérapeutiques prescrits avant janvier 2025 en Loire-Atlantique ne sont plus versées aux assurés.

"Ces dernières semaines, 7 000 assurés ont reçu un acompte et une régularisation. Néanmoins, 3 500 dossiers, sont encore en souffrance, malgré les moyens déployés pour résorber la situation. Deux cents personnes travaillent sur ces dysfonctionnements, prennent contact avec les assurés et régularisent leurs dossiers", précise encore le directeur.

Un "bug" aux conséquences humaines désastreuses

Derrière les numéros de dossiers et les écrans d'ordinateurs, il y a cependant de nombreux foyers dont les vies sont déstabilisées par l'absence de revenus depuis plusieurs mois.

Ce sont des factures que l'on ne peut plus payer, des remboursements d'emprunts que l'on repousse, des frais que l'on reporte, des soins que l'on suspend, des déplacements qu'on limite... tout en consultant fébrilement, quotidiennement, son compte Ameli en désespérant d'y voir tomber ses indemnités journalières.

Beaucoup d'assurés sont dans une grande détresse. Certains arrivent à l'accueil et disent aux agents d'accueil qu'ils n'ont plus les moyens de manger... c'est très violent pour nos collègues, ils n'en dorment plus la nuit.

Kevin Moisdon

Délégué CGT de la CPAM de Loire-Atlantique

"Nous sommes des cobayes, impuissants à gérer cet outil, et sans solution de sortie", ajoute le délégué syndical, qui précise qu'un droit d'alerte concernant les conditions de travail dégradées a été lancé par l'intersyndicale.

Le directeur de la CNAM a par ailleurs été interpellé, le 17 décembre dernier, par les syndicats qui souhaitaient en savoir plus sur le contrat qui liait la Sécurité sociale à la multinationale Sopra Stéria qui développe cet outil. Pas de réponse. "La seule chose qu'on nous a indiquée, c'est que "le cœur du logiciel fonctionne". Et que des correctifs sont en cours."

Pour tenter de traiter les dossiers qui dysfonctionnent, une centaine de techniciens d'autres caisses primaires ont été appelés en renfort. Mais la somme des dossiers et leur complexité est telle qu'il faudra plusieurs mois avant de revenir à un semblant de normalité pour l'ensemble des assurés.

"Nous, nous estimons qu'environ 10 000 personnes sur nos deux départements ont encore des problèmes pour toucher leurs indemnités", indique Pascale Goilot qui depuis le 22 octobre anime avec cinq autres personnes une page facebook dédiée à ces dysfonctionnements.

"Nous recueillons toujours beaucoup de témoignages en Vendée, comme cette dame en congé maternité qui n'a pas reçu ses indemnités journalières, ou cette autre, qui ne peut pas toucher sa retraite, car elle dépend aussi de ses indemnités", raconte Pascale Goilot.

"Ces trois derniers jours, 150 personnes ont rempli notre formulaire pour faire remonter leurs situations. Nous avons rencontré la direction de la CPAM de la Vendée qui nous a assuré que plusieurs centaines de cas avaient été résolues, mais plusieurs centaines, c'est très vague", poursuit Pascale Goilot, visiblement agacée.

Chronique d'un fiasco annoncé

Arpège a pourtant déjà fait ses preuves en matière de bug. Utilisé depuis quatre ans dans la gestion des indemnités des travailleurs indépendants, cet outil informatique devait faciliter les échanges et réguler les versements tout en permettant de faire passer le nombre de salariés de 3 personnes à 0,5 ETP.

Mais les erreurs du système sont telles que 10 agents sont toujours dédiés à ce service.

Pour les usagers, ce malström administratif est loin d'être terminé. Car les indemnités journalières versées par les caisses sont considérées comme des revenus de substitution dont dépendent aussi les allocations de la CAF, les bons des CCAS et les primes d'activité, par exemple. Les IJ sont aussi imposables. "Cela risque de poser de sérieux problèmes au moment de la déclaration des impôts" souligne encore Kevin Moisdon.

Si du côté de la CPAM, on espère un retour à la normale en mars prochain, Pascale Goilot n'y croit pas. "Avec les retards qui se sont accumulés, moi, je ne vois pas la situation s'améliorer avant le mois de juin. Nous avons réussi à trouver des solutions en faisant remonter des situations au cas par cas. En Loire-Atlantique, la CPAM est de bonne volonté et intervient assez vite, mais beaucoup de gens ne savent pas vraiment ce qui se passe et se sentent impuissants. Il faut leur faire passer le message pour qu'ils se mobilisent et qu'une solution soit apportée pour un maximum d'assurés".

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