Il a déjà oeuvré auprès des handballeuses championnes du monde puis d'Europe, Richard Ouvrard est le préparateur mental des Bleues à la recherche de leur premier grand titre. Inédit dans l'histoire du foot français.
Dans son organigramme, la Fédération française présente Richard Ouvrard comme "optimisateur de la performance". Dans les faits, c'est un "coach mental qui aide les joueuses à formaliser des choses pour que le groupe vive mieux", décrit la sélectionneuse des Bleues Corinne Diacre.
A 56 ans, le Nantais de naissance est spécialiste de préparation mentale. Responsable pédagogique d'un master à l'INSEP (Institut national du sport) il veut "éviter toute illusion ou fantasme sur une méthode exceptionnelle ou miraculeuse", a-il confié à l'AFP.
Il évoque un "artisanat qui peut se pratiquer de façon formelle avec des rendez-vous réguliers individuels ou avec le groupe des joueuses (...) et de façon informelle aux repas, aux entraînements, aux réunions techniques avec les joueuses où j'observe, j'évalue, je questionne, je partage".
Parmi ses "poulains", Richard Ouvrard compte le triple champion olympique de canoë Tony Estanguet ou les anciens nageurs Alain Bernard, Amaury Leveaux et Yannick Agnel.
Il a également officié au sein de la fédération française de voile, qui lui remit en octobre 2012 une prime de 1 000 euros pour son rôle pendant les JO de Londres quelques mois plus tôt.
"Son discours est positif"
Plus récemment, c'est auprès des handballeuses françaises qu'il s'est distingué.Ce sont les joueuses elles-mêmes qui ont réclamé un tel profil, en 2016, au moment du retour du sélectionneur Olivier Krumbholz.
"Il est arrivé à une période de transition entre deux coaches. Ça a été une aide supplémentaire, une autre vision des choses. On s'était dit que ça pourrait être un plus pour franchir des étapes qui ne pouvaient pas se régler de manière handballistique", a raconté à l'AFP la pivot Béatrice Edwige.
Avec lui, "c'est beaucoup de dialogue, de discussions, d'échanges. Son discours est positif, il nous dit "qu'est-ce qui t'a permis d'avoir ce résultat-là", plutôt que "ça, ce n'était pas bien". Certains vont s'imaginer que c'est un gourou ou je ne sais quoi. Ce n'est pas du tout ça... Dans certaines réunions, il ne parle quasiment pas", témoigne la championne du monde 2017 et d'Europe 2018.
Au vu de ses résultats, c'est Corinne Diacre qui l'a sollicité avant la Coupe du monde pour accompagner les Bleues tout au long de leur Coupe du Monde. Les Françaises ne sont jamais parvenues à remporter le moindre grand titre et leur mental friable a parfois été évoqué par le passé, à tort ou à raison, pour l'expliquer.
Ces derniers jours, les joueuses françaises ont évoqué sans tabou sa présence à leurs côtés. "Individuellement, ça peut passer par des questionnaires ou aussi du face-à-face parce qu'il y a des choses plus intimes qu'on aime partager avec une seule personne. Il est là, à notre écoute, il nous aide à progresser individuellement et surtout collectivement" a expliqué la capitaine Amandine Henry, la veille du match opposant la France au Nigeria.
"Ça nous aide, ca nous réunit encore plus pour aller au bout dans cette compétition. Il faudra rester solidaire. Des moments comme ça, ça ne fait que nous fortifier, c'est bien", souligne l'attaquante Viviane Asseyi.
"A chacun son métier"
"C'est super important d'être en cohésion toutes ensemble, de penser les mêmes choses, d'avoir les mêmes objectifs. Des fois, on sait qu'on a les mêmes objectifs, mais se le dire, c'est une autre chose", insiste Amandine Henry.La préparation mentale est assez peu répandue dans le foot français, contrairement à d'autres disciplines. "C'est un sport où il y a beaucoup de moyens, c'est un peu étonnant qu'on ne pousse pas la machine à son paroxysme dans un domaine comme celui-là", considère Olivier Krumbholz, l'entraîneur de l'équipe de France féminine de hand.
Selon lui, il y a "parfois un peu d'obscurantisme" dans le football français sur l'évolution du coaching, quand d'autres sports "réfléchissent à la manière de réaliser les meilleures performance et à la personnalisation du travail" de l'athlète.
Certains entraîneurs redoutent-ils de perdre leurs prérogatives ? "Je ne me suis jamais senti dépossédé de quelque chose", répond-il à l'AFP, en soulignant qu'il ne participe pas au travail effectué par le préparateur mental pour respecter toute "confidentialité".
"Moi, j'ai mes compétences, mais je connais aussi mes limites et j'ai envie de dire à chacun son métier", explique aussi Corinne Diacre. "Mais il n'est pas là pour gérer la pression, absolument pas. On n'a pas de pression. Jouer au football, c'est magnifique. Quand on voit tous les gens qui doivent se lever le matin pour aller à l'usine, on a beaucoup de chance".