Du 15 au 31 janvier, les agriculteurs votent pour élire leurs représentants dans les chambres d'agriculture. En Pays de la Loire, les cinq chambres départementales sont détenues par la FNSEA. Sur fond de colère de la profession, la Confédération paysanne et la Coordination rurale pourraient bien créer la surprise. Rencontre en Loire-Atlantique avec trois agriculteurs.
La campagne officielle pour les élections des représentants a officiellement démarré le 7 janvier 2025, elle prendra fin le 30 janvier. En Pays de la Loire, 184 134 électeurs, dont 31 393 chefs d'exploitation, sont conviés à élire leurs représentants depuis le 15 janvier, jusqu'au 31 janvier. Les résultats devraient être connus le 6 février 2025.
Dans un contexte compliqué pour la profession, les enjeux sont déterminants, les sensibilités s'affirment, d'autres hésitent encore.
Installé à Nort-sur-Erdre, en Loire-Atlantique, Bruno Bioret est à la tête d'une exploitation de 360 hectares de céréales et de légumes, une ferme transmise depuis cinq générations. Depuis quelques années, il a diversifié son activité avec la méthanisation, devenue un revenu indispensable face à la hausse des coûts de production.
"L’agriculture, c’est aussi une activité économique"
Syndiqué à la FNSEA, il reste fidèle au syndicat historique et majoritaire de la profession agricole. "C'est le syndicat qui représente le mieux l'agriculture. Il n'y a pas d'a priori par rapport au type d'agriculteur ; on peut être bio, conventionnel, éleveur, légumier, maraîcher. Pour moi, il y a une représentativité pour tous et on a tous notre place".
"L’agriculture, c’est aussi une activité économique qui est liée à des interlocuteurs ou industriels puissants. Je pense qu'Arnaud Rousseau, sur ce point de vue-là, a une certaine force parce qu’il comprend ce modèle-là", estime Bruno Bioret, soucieux de la représentativité de la profession dans la société, alors que les agriculteurs ne représentent plus qu'1% de la population française.
Il s'inquiète aussi des accords de libre échange, notamment le Mersosur. "On est en distorsion de concurrence. On nous demande de plus en plus de prouver la qualité de ce qu'on produit, mais on ne récupère pas la valeur ajoutée de cette qualité. Aujourd'hui, on achète des produits en provenance de l'étranger qui ne répondent pas à ces normes-là."
Sur son exploitation de Montbert (Loire-Atlantique), Fabrice You, éleveur laitier installé en bio, tient un discours nettement différent, voire opposé. Il juge que c'est justement le système agro-alimentaire qui écrase le revenu des agriculteurs.
"Je suis pour l’épanouissement de l’homme et le respect de la nature"
Non syndiqué, s'il n'adhère pas à toutes les positions de la Confédération paysanne, classée à gauche, il votera pour ce syndicat, en faveur de fermes plus petites et plus autonomes.
"À aucun autre moment de notre carrière, on a la possibilité d’influer sur le modèle agricole à notre échelle. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, soit on fait le choix d’une agriculture plus respectueuse et plus humaine, soit on fait le choix de continuer dans du libéralisme."
Installé depuis 2011, converti en bio en 2021, il défend un modèle d'agriculture rémunérateur et transmissible. "Si on continue dans l’agrandissement des fermes et dans la course telle qu’elle est en place, on va avoir des céréales qui seront pour la majorité exportées et des cultures méthanogènes. Le gaz et les céréales seront peut-être rémunérateurs, mais ce n’est pas ce qui fera du lien avec nos concitoyens et nos consommateurs".
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Pierre Hégron, également éleveur laitier, est lui installé en GAEC avec deux associés à Saint-Lumine-de-Clisson (Loire-Atlantique). Auparavant, il a été salarié pendant 10 ans. Il n'a jamais été syndiqué et n'avait jusqu'à présent jamais voté aux élections professionnelles.
"Peut-être qu’il faut que ça change"
Mais cette année, il participera aux élections. Si son choix n'est pas définitivement arrêté, il exprime cependant une sympathie pour la Coordination rurale. "J’ai l’impression qu’ils veulent plus faire bouger les lignes que d’autres syndicats."
"Ils représentent peut-être plus le monde agricole que la FNSEA qui pour moi, est un peu un colosse au pied d’argile à l’heure actuelle, ça travaille pour soi, pour les grosses exploitations, c’est mon sentiment", explique Pierre Hégron.
"Il n’y a toujours pas de changement au niveau politique. Au niveau des chambres, peut-être qu’il faut que ça change, juste histoire de faire bouger un petit peu les lignes au niveau des syndicats", espère-t-il. Sa priorité, "vivre de mon métier, ne plus avoir besoin d'aides".
Quel est le rôle des chambres d'agriculture ?
Rouage essentiel de la politique agricole nationale, les chambres d'agriculture départementales et régionales ont quatre missions définies dans le Code rural :
- contribuer à l’amélioration de la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles,
- accompagner la démarche entrepreneuriale et responsable des agriculteurs ainsi que la création d’entreprise et le développement de l’emploi,
- assurer une fonction de représentation auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales
- contribuer au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu'à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles, à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et à la lutte contre le changement climatique."
Elles sont composées de 33 membres élus au suffrage direct, chaque chambre départementale est répartie dans 10 collèges :
- 5 collèges individuels regroupant les chefs d’exploitation, les propriétaires fonciers et usufruitiers, les salariés de la production agricole, les salariés des groupements professionnels agricoles et les anciens exploitants.
- 5 collèges des groupements agricoles incluant les coopératives de production agricole (CUMA), les autres coopératives, les caisses de Crédit Agricole, les caisses d'assurances mutuelles agricoles et des caisses de mutualité sociale agricole (MSA) et le collège des organisations syndicales.
En 2019, la FNSEA/JA (Jeunes Agriculteurs) avait gagné les élections dans les cinq départements des Pays de la Loire avec 54 % des voix, devant la Confédération paysanne (22 %) et la Coordination rurale (24 %).
La participation de la profession à ces nouvelles élections reste cruciale, en 2019, seuls 4 électeurs sur 10 avaient voté.
► Le reportage de Cathy Colin, Antoine Ropert et Sophie Boismain