Rendre son carburant moins polluant et en même temps gagner en productivité, à Donges en Loire-Atlantique TotalEnergies construit une unité de désulfuration, un procédé chimique complexe pour enlever le souffre du pétrole brut avant de le raffiner en essence ou gazole.
La raffinerie installée à Donges, sur le bord de l'estuaire de la Loire, depuis les années 1930, n'a cessé de grandir et de s'adapter. C'est l'une des cinq raffineries du groupe Total, devenu depuis peu TotalEnergies. C'est la seule raffinerie située sur la façade Atlantique.
Préparer la fin du tout pétrole
La raffinerie de La Mède dans les Bouches-du-Rhône, fait l'objet d'un investissement de 200 millions € pour transformer le site et créer la première bioraffinerie française, celle de Grandpuits en Seine-et-Marne sera la première raffinerie visant la neutralité carbone, et une plateforme zéro pétrole.
L'entreprise de raffinage devenue énergéticienne se diversifie, s'adapte aux énergies nouvelles et prépare la fin du tout pétrole.
Ici au bord de la Loire tout est grand. Et tout est gros ! Les tankers qui amènent le pétrole brut, les réservoirs qui parsèment le paysage de leurs lourdes formes circulaires, les tours de raffinage et leurs milliers de tuyaux.
De gigantesques alambics couleur de rouille le jour, créant par leurs lumières un univers féérique la nuit venue. Le site de Donges tourne au ralenti depuis le début de la crise Covid, son activité de raffinage va reprendre en mars 2022.
En attendant techniciens et ouvriers s'affairent à la construction de cette nouvelle unité de désulfuration. Ils sont actuellement 150, dont bon nombre travaillant pour des entreprises locales à bétonner, souder, et assembler, cet immense mécano épars, venu de France, de Pologne, de Turquie, et même de Chine.
Le réacteur mastodonte
Le réacteur c'est une tour de distillation, le cœur du processus de transformation du pétrole. Lui, a été fabriqué en Italie, il repose, horizontal, sur un chariot "mille-roues". Pour l'amener à pied d'œuvre il a été transporté par la mer, gonflé à bloc de Nitrogène pour éviter que le précieux métal dont est revêtu sa paroi intérieure ne s'oxyde. Ici on l'appelle le mastodonte !
Transféré sur le quai, pour faire la dizaine de kilomètres du parcours, il a fallu traverser une voie ferrée, construire un accès routier, fermer le trafic ferroviaire durant 23 heures, démonter les caténaires au-dessus des voies, surélever un pont à l'intérieur de la raffinerie, pour que, enfin, les 400 tonnes d'aciers spéciaux rejoignent le chantier où ils seront mis debout par une grue géante.
Francis Roi, le directeur du projet, donne la mesure de l'objet, "Le réacteur est construit dans des ateliers spécialisés, des chaudronneries pour des équipements de forte épaisseur et de métallurgie extrêmement élaborée, et la mise en œuvre qui nécessite des équipes expérimentées". Un bloc de 400 tonnes qui sera redressé par une grue géante en cours de montage comme il en existe peu en Europe.
La réaction nécessaire pour désulfurer le pétrole, nécessite de l'hydrogène qui sera injecté dans le produit, "la réaction se passe autour de 350° et à une pression supérieure à 100 bars. Son épaisseur de paroi est de 25 centimètres d'acier et de revêtements spéciaux, pour résister aux températures et à la corrosion".
TotalEnergie investit 350 millions d'euros dans cette unité de désulfuration. Et 50 millions d'euros supplémentaires dans le déplacement de la voie ferrée autour de laquelle la raffinerie s'est progressivement construite. Et qui aujourd'hui la coupe en deux. C'est donc une modernisation de l'outil de production. 20% du budget revient à des entreprises locales.
La nouvelle unité va permettre à l'entreprise de faire en quelque sorte d'un "baril deux coups" ! "Les normes européennes évoluent, Total énergies s'adapte, mais dans ce cas précis on renforce la compétitivité du site. Enlever le souffre des produits nous permet d'élargir notre marché, d'avoir des marchés plus proches des donc d'améliorer la rentabilité de la raffinerie", indique Benoît Decouvelaere, le directeur de la raffinerie.
De l'hydrogène dans le brut
Pour réussir cette opération de désulfuration, il faut mélanger de l'hydrogène au pétrole brut. Cet hydrogène sera produit sur place, dans une unité séparée, à proximité du réacteur. C'est l'entreprise Air Liquide qui va construire cette unité et conduire la production d'hydrogène pour la raffinerie.
Le projet de l'unité de désulfuration a été initié en avril 2015. Huit années nécessaires pour une mise en service au deuxième trimestre 2023. La raffinerie de Donges traite, 365 jours par an et 24 heures sur 24, 11 millions de tonnes de brut chaque année.