Autrefois terrain de lutte, opposant l'État et les forces de l'ordre aux zadistes, les terres bocagères de Notre-Dame des Landes, sont depuis plusieurs années sous contrats agricoles. Nouvelle étape dans la vie de l'ancienne ZAD, le département et des habitants viennent de signer des baux emphytéotiques sur des bâtis anciens ou plus récemment construits.
À Notre-Dame-des-Landes, pas question de laisser passer un 17 janvier sans en rappeler la portée emblématique. C'est en effet à cette date, en 2018, qu'Édouard Philippe alors premier ministre, annonçait l'abandon du projet d'aéroport.
Cette année, cet anniversaire est l'occasion pour les habitant.es qui vivent et travaillent toujours sur l'ancienne ZAD, d'évoquer la régularisation des activités et des projets qu'ils y mènent grâce à la signature de baux qui viennent consolider leur mode de vie et de fonctionnement.
Onze baux emphytéotiques signés en 2025
Cécile, par exemple, élève 150 brebis en bio au Limimbout, qu'elle commercialise en vente directe.
Elle est arrivée sur la ZAD en 2015. D'abord occupante illégale d'un lieu, expulsée en 2018, elle a finalement signé en 2019 un bail agricole avec le département. Au fil du temps, elle a régularisé sa situation, gagné en légitimité, à la fois comme habitante, mais surtout en tant que paysanne. Nouvelle étape dans sa vie à Notre-Dame-Des-Landes, la signature, dans quelques mois, d'un bail emphytéotique sur le bâti de la ferme.
"On s'est retrouvés dans une sorte de marasme administratif au lendemain de l'abandon du projet d'aéroport. On est contents, mais à la fois, il a quand même fallu sept ans pour pouvoir se dire, ça y est, on va avoir des baux sur ces bâtiments" explique Cécile.
"Ça fait sept ans qu'on essaie de déployer des activités agricoles, mais avec des conditions encore plus difficiles qu'ailleurs, parce qu'on a très peu de visibilité sur notre capacité à se projeter, aucune capacité d'investissement en réalité. Quand on est sur un territoire comme ici, on ne peut pas aller voir un banquier pour lui dire, je voudrais investir sur une ferme dont je n'ai même pas un bail. En fait, on a eu des baux sur les terres assez rapidement, mais c'est sûr que là, avoir des baux sur les bâtiments, ça va résoudre certaines difficultés".
Cécile va pouvoir par exemple envisager de retaper, voire de reconstruire un hangar, bricolé lors de son installation il y a sept ans. Autre perspective, et non des moindres, pour elle et son compagnon, qui logent dans un mobil-home sur la ferme, la possibilité de demander un permis de construire pour une maison.
Pour Mathilde, qui est boulangère, et qui vit avec 10 autres personnes dans un des quarante lieux de vie de la ZAD, la signature effective de ce bail emphytéotique va permettre d'envisager des travaux pour retaper la vieille bâtisse. Celle où elle vit, mais pas seulement.
"Ça permet d'avoir, les différents bâtis et habitats de la ZAD qui sont régularisés, et donc de ne plus avoir de risque d'expulsion, souligne Mathilde. Comme tout le monde le sait, quand on restaure un vieux bâtiment, ou qu'on en reconstruit un qui a été détruit pour le projet d'aéroport, ça demande un engagement, du travail, de l'argent, et pour ça, il faut pouvoir voir un peu au long cours. En fait, ça nous permet de nous projeter et d'entretenir ou de reconstruire correctement ces bâtis pour pouvoir y vivre et que les campagnes restent vivantes".
Un dynamisme local renforcé par les propositions culturelles et sociales de la ZAD
Rencontrée à la sortie de l'école, Paskall, habitante de Notre-Dame-des-landes depuis 2019, ne tarit pas d'éloges sur ses voisins de l'ancienne ZAD. D'ailleurs, elle avoue ne pas faire la différence entre les habitants "locaux" et celles et ceux qui vivent toujours sur les 1650 hectares de forêts, de marais et de terres, désormais agricoles, que devait occuper le futur aéroport.
"On a une liste non négligeable de produits alimentaires et non alimentaires, d'ailleurs, qu'on peut acheter, fabriqués de manière locale. On peut aussi participer à des manifestations, des animations, des concerts, des visites naturalistes dans les forêts... on pourrait s'occuper tous les week-ends en restant à Notre-Dame-des-Landes. Et c'est ça qu'on apprécie, et nos enfants aussi, on a trois enfants en bas âge, et ils adorent, en fait, cette nature et toutes les animations qu'il y a autour de la ZAD, auxquelles on participe régulièrement".
Si les 160 habitants de la ZAD semblent dorénavant se fondre dans le paysage, certaines réticences existent encore à leur égard, notamment quand il s'agit pour les maires des communes d'attribuer des permis de démolir, de construire ou de rebâtir.
"J’avoue que quand je vois les oppositions, moi, je ne comprends pas. Pourtant, ils vivent aussi sur le territoire comme nous, ils voient le dynamisme qu'apportent la ZAD et ses occupants, donc j'avoue que là, c'est un mystère. Pour moi, c'est un mystère" conclut Paskall.
Une célébration pendant deux jours
Vendredi 17 et samedi 18 janvier, fête, rituel, balades, bal, brunch, visites des lieux collectifs, projection de film sont au programme sur la Zad.
Une manière de célébrer l'abandon du projet d'aéroport, mais aussi de rappeler "les victoires d'autres luttes face à des projets d'aménagements destructeurs et qui sont parvenus, elles aussi, à préserver des terres agricoles, forêts, zones humides et à construire des communs. C'est le cas entre autres cette année de la nouvelle station Total définitivement enterrée à deux pas de la ZAD, de l'extension de la carrière Lafarge stoppé net à Saint-Colomban, du projet d'usine à saumon coulé dans les côtes d'Armor, du contournement BIP dérouté dans le Val d'Oise, de serres industrielles repliées dans la Manche ou de grandes excroissances logistiques annulées à Carcassonne...." indiquent les habitant.es dans un communiqué.
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