Zéro artificialisation nette ou ZAN, une sobriété foncière obligée à l'heure des changements climatiques

Votée en 2021, la loi climat et résilience vise à diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 afin de préserver les zones naturelles et agricoles. En Loire-Atlantique, département le plus peuplé des Pays de la Loire, les enjeux sont d'importance pour repenser la ville.

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Entre 1968 et 2024, la ville de Saint-Herblain, à l'ouest de Nantes, a vu sa population passer de 18 000 à plus de 50 000 habitants. Et pour loger ces nouveaux arrivants, il a bien fallu construire.

Dans le rapport de la chambre régionale des comptes sur la sobriété foncière, paru en décembre 2024, la commune de la métropole nantaise est pointée du doigt pour sa forte consommation d'espaces naturels, ces 20 dernières années. 

Il s'agit de projets lancés dans les années 90, rappelle cependant Bertrand Affilé, maire de la commune et vice-président de Nantes métropole. 

"À ce moment-là, on ne se posait pas ces questions, quand on voulait développer de l'activité, et Saint-Herblain développait de l'activité pour le compte de Nantes métropole, on construisait sur des zones qui étaient des friches ou qui étaient des délaissées agricoles. L'important, c'était de créer des emplois et pour créer des emplois, on étendait les zones d'activité."

Depuis 2019, un changement de paradigme est en cours et le maire assure que la ville respectera en 2030 l'étape intermédiaire du zéro artificialisation nette. "Cela passe par davantage de reconstruction de la ville sur elle-même", assure-t-il.

Je ne suis pas un décroissant, je pense qu'il faut être imaginatif et créatif et essayer de continuer à développer de l'activité finement, intelligemment, en recyclant les espaces, les ressources, en préservant l’environnement, en utilisant les énergies renouvelables.

Bertrand Affilé

Maire de Saint-Herblain

Pour la métropole nantaise, le défi est majeur, car sa population continue de croitre. Elle vise la construction de 6 000 logements neufs par an et privilégie des immeubles bas ou semi-collectifs dans des environnements arborés.

Si les associations environnementales et les élus écologistes y voient du positif, ils restent vigilants. 

"La ville ne se construira plus en extension sur des espaces naturels"

"Il y a différentes façons de faire, densifier nos zones d'activité économique qui aujourd'hui ne sont pas du tout denses, privilégier la production de logements sur les surfaces déjà artificialisées", explique ainsi Delphine Bonamy, adjointe (EELV) au maire de Nantes et conseillère métropolitaine en charge de l'agriculture.

Sur l'ile de Nantes, les nouvelles constructions préservent des voies de circulation douces pour les piétons et les cyclistes © France Télévisions

"Il y a plein d'endroits sur l'île de Nantes où on peut privilégier le logement aux bureaux qui ne sont pas tous remplis à 100 %. On peut aussi surélever les bâtiments d’un ou deux étages quand on fait de la rénovation énergétique, développer les habitats légers pour ne pas artificialiser", ajoute l'élue.

Si on met les humains dans un coin et la nature dans l'autre, on va vers un déséquilibre. On voit bien aujourd'hui qu'on a des sujets tantôt autour de la sécheresse, tantôt autour des inondations, donc il est très important de prendre en compte ça et puis il y a la baisse de la biodiversité qui nous soucie beaucoup.  

Christine Erceau

France Nature Environnement 44

"Notre position est d'accompagner des politiques qui puissent tenir compte à la fois des besoins humains et de renaturer, d'assurer qu'il y ait des continuités, par exemple, vertes et bleues à la fois dans les villes, donc limiter les consommations d'espaces naturels, agricoles et forestiers notamment", explique ainsi Christine Erceau de l'Association France Nature Environnement 44. 

À l'heure de la sobriété foncière, le CEREMA, établissement public, accompagne les communes dans cette difficile équation entre construction de bâtiments et réduction de l'artificialisation des sols.

"On constitue des éléments de diagnostic qui sont autant d'éléments d'aide à la décision qui permettent de construire leurs projets de politique d'évolution de leur ville", explique Bertrand Leroux, directeur de projet CEREMA. Selon lui, l'un des défis à relever est celui du regard sur la ville. 

"On continuera à construire, mais la ville ne se construira plus en extension sur des espaces naturels agricoles. Il y a un enjeu à réinvestir des espaces, notamment en recyclage. Des fonciers qu'on ne regardait pas, il y a quelques années, on va les regarder différemment comme étant une ressource et de la capacité d'évolution de la ville, notamment les friches, les logements vacants."

C'est toute une ingénierie de recherche de gisements fonciers qu'on est en train de monter pour être en capacité de répondre à ces enjeux de recyclage de la ville sur elle-même.

Bertrand Leroux

Directeur de projet, CEREMA

Autre défi majeur à relever, selon Bertrand Leroux, celui de la réintégration de la nature en ville. 

"L'enjeu, c'est de savoir où et comment la renaturation aura les effets les plus bénéfiques. Il y a des questions d'infiltration d'eau, de limitation du ruissellement et des inondations. Mais il y a aussi des effets de qualité de vie, de rafraîchissement, d'apport paysager. Ça doit être du sur-mesure", souligne-t-il.

Le coût du renouvellement urbain est aussi plus élevé en raison du prix d'acquisition du foncier ou de déconstruction des bâtis, auxquels s'ajoutent les problématiques de dépollution et de désamiantage.

"On n'a pas envie de faire d'immeubles dans nos campagnes"

Les grandes villes ne sont pas les seules concernées par le zéro artificialisation, qui limite les constructions. Marie-Pierre Guérin, maire de la Meilleraye de Bretagne, commune de 1 600 habitants, juge cette loi inadaptée, voire injuste pour les communes rurales. 

"Parce que toutes les communes n'ont pas artificialisé entre 2011 et 2021 et quand vous n'avez rien fait, prendre 50 % de zéro, ça veut dire que vous ne pourrez pas faire de logements", s'agace la maire. Les communes qui ont beaucoup artificialisé se retrouvent favorisées puisqu'elles vont avoir 50 % de ce qu'elles ont déjà artificialisé".

Lotissement récemment construit à La Meilleraye-de-Bretagne © France Télévisions

Selon la maire, également coprésidente de l'Association des maires ruraux de Loire-Atlantique, la loi est un frein au dynamisme des zones rurales. "On nous dit de faire du vertical, mais je n'imagine pas du tout des gens qui viennent de Nantes, qui veulent avoir un petit terrain, habiter dans un appartement. On n'a pas envie de faire d'immeubles dans nos compagnes, on veut que la vue soit dégagée et pas obstruée par des immeubles."

Contestée, la loi a été en partie assouplie en 2023. Une proposition de loi sera aussi examinée en février 2025 au Sénat pour supprimer l'étape intermédiaire de 2031.

Depuis 1981, les terres artificialisées en France sont passées de 3 à 5 millions d’hectares. En Pays de la Loire, 12 % de notre territoire est artificialisé, contre un peu plus de 9% en moyenne nationale. La région est cependant considérée comme plutôt "efficaces dans sa consommation d’espaces", c’est-à-dire dans le rapport nouveaux habitants/activités et construction, 1 500 hectares consommés en 2022 contre 3 000 en 2011.

Avec Cathy Colin

► Le reportage de Cathy Colin, Antoine Ropert et Nicolas Guilbaud

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