L'hiver, la nature est censée se reposer pour repartir avec vigueur au printemps. Mais pour cela, il faut que la température baisse suffisamment. Les températures très douces de ces jours derniers perturbent ce cycle. On ne sait pas vraiment comment la nature va réagir. Exemple en Pays de la Loire.
Des records de chaleur, un déficit pluviométrique inquiétant, l'été et l'automne 2022 se sont échappés des normales saisonnières avec les conséquences que l'on connait sur la nature et notamment les importants feux de forêt en Loire-Atlantique, Sarthe et Maine-et-Loire.
Quand les arbres n'ont pas brûlé, ils ont quand même souffert du manque d'eau.
Et puis novembre est arrivé avec ses fortes précipitations, au delà, là encore, des normales saisonnières en Pays de la Loire.
Enfin, l'hiver, décembre et ses températures trop douces puis ce début d'année qui confirme avec ses 15° en Pays de la Loire au lieu des 6° habituellement en janvier.
Les arbres ne font pas de réserves d'eau
Selon Alexandre Martin, spécialiste des arbres en milieu urbain à l'Office National des Forêts, le risque de la sécheresse est, pour les jeunes arbres, d'avoir du mal à devenir adultes. Pour les plus âgés, ils s'en sortent en puisant sur leurs réserves mais ont du mal à produire de nouvelles feuilles.
La pluviométrie généreuse que nous connaissons depuis plusieurs semaines contraste fortement avec la sécheresse des mois précédents. C'est une bonne chose. Mais elle ne nous met pas à l'abri de nouveaux déficits.
"Quand il pleut, explique Alexandre Martin, il y a une très faible partie qui est récupérée par l’arbre. Quand il pleut beaucoup, l’arbre va prendre ce dont il a besoin. Il ne va pas faire des réserves. Ce n’est pas comme une plante d’un milieu désertique."
Une météo avec des pluies régulières est plus favorable que d'abondantes averses concentrées sur une courte période.
"On peut faire beaucoup de liens entre l’homme et l’arbre, fait remarquer le technicien de l'ONF. Pour l’homme, c’est mieux de boire un litre d’eau par jour que cinq litres une seule fois tous les cinq jours."
Même chose pour la nature sous nos latitudes.
"En face de toutes les belles choses que nous apportent les arbres, il faut qu'on leur apporte les soins dont ils ont besoin."
Alexandre Martin, technicien ONF
Mais en ville, ce qui est le plus délétère pour les arbres, ce n'est pas tant les excès de la météo que l'action de l'homme. "Ce qui fait le plus de mal, c’est l’homme et son intervention outrancière, constate au quotidien Alexandre Martin. Lorsque l'arbre n'a pas assez d’espaces, qu'il est planté dans un mauvais sol avec un mur à droite, un candélabre à gauche, des voitures qui passent en dessous. Il souffre et puise sur ses réserves."
"On a l’impression qu'on n'a pas encore eu de pause réelle"
Il faudrait que la pluviométrie continue d'être positive au moins jusqu'en mars. Particulièrement dans l'est de la région, le Maine-et-Loire. Les sols des forêts du Saumurois sont plus secs à ce jour que ceux de la forêts du Gâvre, en Loire-Atlantique. Ils pourraient être plus susceptibles de connaître des incendies.
Pour Corentin Lévesque, responsable territorial à l'ONF pour la Loire-Atlantique et la Vendée, ce qui est inquiétant en ce moment, ce sont les températures anormalement douces. On est en hiver, la nature devrait se reposer.
"On a l’impression qu'on n'a pas encore eu de pause réelle, dit-il, parce qu’il n’a pas fait suffisamment froid. Quand on coupe un arbre au printemps, de l’eau coule. Ce n’est pas le cas normalement en hiver. Or, des collègues qui ont coupé des arbres ont vu qu’il y avait encore des feuilles vertes ou encore de la sève dans certaines zones où il n’a pas fait suffisamment froid. Si la douceur se poursuit, la végétation pourrait reprendre d’ici la fin février. Elle a besoin d’une pause notamment pour la germination.
Vu la faiblesse des réserves accumulées l’an dernier, sans réserve, sans pause, la végétation pourrait en souffrir. On est dans l’incertitude de ce qui va se passer derrière
Corentin LévesqueResponsable territorial à l'ONF pour la Loire-Atlantique et la Vendée
Le risque d'un nouveau gel tardif
Cette douceur pourrait aussi favoriser le développement des scolytes, des insectes qui parasite de nombreux arbres. Dans le Maine-et-Loire, ils se sont déjà développés en certains lieux du fait des incendies de l'été dernier.
"L’autre risque, prévient Corentin Lévesque, c’est que si les bourgeons sortent et qu’il y a un gel, soit les pousses sont gelées et meurent, soit les arbres font une deuxième pousse et puisent encore dans leurs réserves."
Un gel après une reprise trop précoce due à une hiver trop doux est une menace potentielle pour les vergers.
Mais Guillaume Placier, le gérant des vergers de la ferme de la Chebuette, à Saint-Julien-de-Concelles, à l'est de Nantes, veut rester optimiste. Il est trop tôt selon lui pour s'inquiéter.
"Il y a encore le temps d’avoir du froid, dit-il, on n’est que début janvier. Les arbres sont très loin de redémarrer, la nature est bien faite."
"Quand on entend les oiseaux chanter le matin, c’est pas bon !"
Dans le vignoble, l'attitude serait plutôt au constat et à la résignation.
"Quand on entend les oiseaux chanter le matin, c’est pas bon ! D’habitude, ils ont froid, ils se font plus discrets", fait remarquer Marie Luneau qui exploite 35 hectares de vignes dans le muscadet du côté du Landreau, de Vallet et du Loroux-Bottereau, en Loire-Atlantique.
Si elle rappelle qu'il y a bien eu une période de froid à la fin de l'automne, force est de constater que, d'habitude, c'est en janvier qu'on connait ces températures basses.
Un climat normal, la vigneronne ne sait plus ce que ça veut dire depuis plusieurs années déjà.
"En 2015, se souvient-elle, on a fêté Noël dehors, il faisait 15°." Et elle s'attend à nouveau à avoir des gels tardifs et dangereux pour la vigne.
"On gèle tous les ans sur le domaine, témoigne-t-elle, là où nos parents gelaient une fois en 40 ans de carrière."
"Depuis plusieurs années, le froid arrive au mois d’avril, au moment de la sortie des bourgeons."
Marie LuneauViticultrice
La lutte contre le gel est devenu un nouveau métier dans l'activité de viticulteur. Marie a déjà fait livrer du matériel antigel comme des bougies pour ce printemps. Sur certaines parcelles, elle en mettra 400 par hectare.
"Tous les ans, vous avez à inclure dans vos frais de fonctionnement et donc de revente, le coût de ce matériel, déplore-t-elle. Et l’équipe doit aussi se rendre disponible." Car il faudra s'attendre à de longues nuits de veille.
"En 2021, on a tous gelé début mai, les changements climatiques sont toute l’année" constate Marie Luneau.