L'une des figures de la révolte étudiante de mai 1968, Jacques Sauvageot, à l'époque vice-président du syndicat Unef, est décédé samedi à l'âge de 74 ans.
Il était l'un des visages de Mai 68 avec Daniel Cohn-Bendit et Alain Geismar, Jacques Sauvageot est mort samedi des suites d'un accident de la route survenu en septembre. Il était depuis lors hospitalisé à Paris, sans connaissance, selon l'ITS, qui fait vivre l'héritage du Parti socialiste unifié (PSU), dissous en 1989.
Né à Dijon le 16 avril 1943, issu d'une famille paysanne et catholique, petit-fils d'un maréchal-ferrant et fils d'un employé de la SNCF, ce licencié en lettres et en histoire de l'art forma, avec Daniel Cohn-Bendit et Alain Geismar le trio vedette qui ébranla le pouvoir gaulliste.
Petit, il était le plus mystérieux et le plus discret des trois, refusant longtemps, dans les années qui suivirent, qu'on le filme ou qu'on l'interviewe.
Jacques Sauvageot, professeur d'histoire de l'art à l'école des Beaux-Arts à Nantes devenu directeur régional de l'école des Beaux-Arts de Rennes, avait toutefois rompu le silence dans les années 90 : Mai 68 est un véritable "mythe fondateur", à la source des "radios libres comme du féminisme, de l'émergence de la société civile comme de la critique du socialisme réel", déclarait-il en mai 1993 dans un entretien à l'AFP.
Jugeant alors que "le pouvoir n'a jamais été à prendre" et que les événements n'avaient pas été si violents en 1968, il gardait comme meilleur souvenir le meeting au stade Charléty, à Paris, le 27 mai: "on avait l'impression d'une rivière qui se gonflait de dizaines de petits torrents, de petits ruisseaux" avec les ouvriers grévistes, les étudiants, les militants révolutionnaires et les politiciens de gauche chevronnés, tous unis dans le même enthousiasme.
Aucune nostalgie
Il confiait également n'éprouver aucune nostalgie pour "le joli mois de mai" et n'avoir "jamais revu" ses deux célèbres compagnons de route."Pour la postérité, Jacques a représenté en mai 1968 l'Union nationale des étudiants de France (Unef), et plus largement la révolte étudiante", souligne l'ITS dans son communiqué.
"C'est une très triste nouvelle pour sa famille, ses anciens camarades du PSU, ses amis, comme pour toutes celles et tous ceux avec qui il militait, en particulier à l'Institut Tribune socialiste, où son travail sur la mémoire et les archives du PSU se mêlait à la réflexion sur le présent et l'avenir des mouvements sociaux et de l'émancipation", ajoute-t-il.
Le PS a salué dimanche sur Twitter la mémoire de Jacques Sauvageot, "ancien leader de l'#UNEF et du #PSU, une voix singulière du mouvement social".
##fr3r_https_disabled##L'association Rocard a également rendu hommage à ce "compagnon de lutte de Michel Rocard".
"Nous sommes émus par la disparition de Jacques Sauvageot, ancien vice-président de l'Unef et voix des étudiants de Mai 68, et voulons rendre hommage à un camarade, un grand syndicaliste", a déclaré à l'AFP Lilâ Le Bas, présidente de l'Unef.
Le début des radios libres à Saint-Nazaire
A la fin des années 70 Jacques Sauvageot se lance à Saint-Nazaire dans l'aventure des radios libres, alors pirates.Didier Dusbasque, l'un de ses compagnons de route de l'époque, se souvient que leur objectif était de "casser" le monopole des ondes et donner la parole à toutes celles et tous ceux qui ne l’avaient pas."
"Nous étions fiers d’agir avec lui. Nous nous retrouvions tous les mardis dans un café à Saint Nazaire, à la Fraternité aussi car nous disposions là d’une salle sans avoir besoin d’être déclarés à la préfecture. C’était gratuit." explique-t-il dans son hommage à Jacques Sauvageot, "Nous diffusions les émissions grâce à un petit émetteur (que j’ai gardé d’ailleurs) bricolé avec des pièces venant d’Italie. Au début en 78 -79, les émissions étaient enregistrées sur des cassettes et diffusée d’une voiture."
Ainsi naît clandestinement à Saint-Nazaire l'aventure de RLP, Radio Libre Populaire.
Le décès de Jacques Sauvageot intervient à quelques mois du cinquantième anniversaire du mouvement de contestation de Mai 68.