Ouvert en 2020 à Saint-Nazaire, le CRAPEM est un dispositif de soutien psychologique réservé aux marins. Accessible 24/24, un numéro d'urgence leur permet d'échanger avec des professionnels qu'ils soient en mer ou à terre.
Dans tous les ports du monde, des marins font escale ou appareillent pour prendre le large. Un métier passionnant, porteur de rêves, quand tout se passe bien. Mais lorsque les conditions de vie sont précaires ou que des évènements inattendus comme la pandémie de Covid-19 s’invitent à bord, la vie peut vite devenir un cauchemar.
Et la souffrance psychique n'est pas longue à s'installer constate la psychologue Camille Jego. Elle découvre le phénomène alors qu'elle termine ses études à Marseille et rencontre des marins.
"Le fameux tout ce qui se passe à bord reste à bord peut être à la fois très protecteur. Il peut aussi être délétère quand il y a besoin de travailler sur l’événement traumatique, sur la souffrance qui est individuelle. Les stratégies collectives de défense à bord peuvent entraver ce réel de la souffrance individuelle", explique la psychologue.
Camille Jégo est aujourd'hui coordinatrice du CRAPEM, créé en 2020 au sein de l'hôpital de Saint-Nazaire qui compte six soignants, médecin psychiatre, infirmières spécialisées et psychologue.
Le fait que le bateau est isolé augmente les risques de trauma, les risques d’épuisement professionnel, de ne pas trouver d’autres solutions pour apaiser la souffrance que le passage à l’acte suicidaire
Camille Jego
Une étude a montré que les risques psycho-traumatiques rencontrés par les gens de mer sont comparables à ceux des militaires ou des pompiers. Si la solidarité existe à bord, la décompensation, elle, ne pourra se faire qu'une fois le bateau rentré au port. Chez les pêcheurs et les marins de commerce, le taux de stress post-traumatique est supérieur de 20% par rapport à la moyenne nationale.
Après une tempête, un naufrage, une collision, un sauvetage, il est nécessaire de savoir qu'être écouté par des professionnels est possible, confirme Didier Moreau, directeur de la formation à la SNSM.
''Nos sauveteurs bénévoles sont confrontés au risque de détresse psychologique, soit au niveau des équipages si jamais ils ont affaire à une situation très engagée avec des vies humaines en jeu, soit parce qu'ils sont amenés à prendre en charge la détresse psychologique des témoins, des victimes ou la famille des proches des victimes''.
Ouvert durant la période de pandémie de Covid-19, le service est notamment venu en aide aux marins confrontés aux incertitudes, voire à l’impossibilité de débarquer.
''On avait un marin français qui avait déjà un temps d’embarquement assez long. Il était prévu qu’il débarque en Argentine, mais la veille de son arrivée l’Argentine a fermé ses ports", explique ainsi Thierry Sarrazin, représentant d'Armateurs de France à Nantes.
"Il a dû continuer jusqu’en Afrique, il a fait un mois et demi de plus. Il était vraiment en état de détresse psychologique. Il a pu contacter directement le CRAPEM sans passer par le commandant du bateau, ni la compagnie et discuter en toute liberté avec le psychologue", ajoute Thierry Sarrazin.
Le fait que ce soit une structure d’aide psychologique dédiée au maritime est réellement un plus pour nos marins
Avec déjà plus d'une centaine d'appels et d'écoutes individualisées, le CRAPEM fait sa place dans le réseau d'aide aux gens de mer, il est également ouvert à leurs familles et aux professionnels du secours maritime. Les marins qui en ressentent le besoin ont enfin trouvé à qui parler.