Parents, grands-parents, enfants, ils vivent depuis quelques mois dans deux caravanes de fortune, sur un parking, au pied d'immeubles du quartier de la Roseraie à Angers. Une procédure d'expulsion a été engagée par l'office HLM. La famille doit quitter les lieux sous peine d'amende.
Ils sont arrivés sur le parking du square Dumont D'urville à Angers en juillet dernier.
Auparavant, ils vivaient en Italie, dans la région de Milan, l'une des plus touchées par l'épidémie de Covid. Ils ont pris la route, de peur d'être contaminés. Direction la France ou Gringo, le jeune père de famille a grandi.
Gringo est apatride. Il est né sur le bateau sur lequel sa famille a embarqué pour fuir les combats de de l'ex-Yougoslavie.
Gringo et Marianna, leur quatre enfants en bas-âge (bientôt cinq, car le dernier-né, prématuré est encore en néonatologie au CHU d'Angers) et les parents de Marianna, ont d'abord "vécu" sous tente, avant de se voir donner, par des habitants solidaires, deux caravanes hors d'âge.
L'office HLM d'Angers a engagé une procédure d'expulsion à l'encontre de la famille. "Nous sommes responsables des espaces bâtis et des extérieurs : espaces verts, abords d'immeubles. Nous devons à l'ensemble de nos occupants la jouissance paisible des lieux" explique Laurent Bordas, directeur général Angers Loire Habitat.
Pourtant, la cohabitation avec cette famille, dans ce quartier, ne pose pas plus de problème que ça.
"Parmi les habitants qui sont ici, personne n'a dénigré cette famille qui est sur ce petit parking parce qu'ils ne gênent en rien. Si on a des gens qui viennent leur apporter des vêtements et à manger c'est parce que les locataires considèrent que c'est leur devoir de solidarité... Et que ça peut leur arriver aussi un jour..." rapporte Djamel Blanchard du Collectif Pas sans nous, membre du DAL 49.
Selon l'office de HLM, le cas de cette famille, où le père a été reconnu apatride, ne relève pas de l'habitat social, mais de l'hébergement d'urgence, géré en préfecture.
Seulement voilà, l'hébergement d'urgence, la famille en a déjà tâté. Mais avec quatre enfants, bientôt cinq, faire appel au 115, et loger nuit après nuit dans des chambres d'hôtel ou des dortoirs et devoir en partir à 8h du matin, ce n'est pas supportable. D'autant que la famille craint de contracter la gâle, ou d'autres maux contagieux. Elle préfère dès lors continuer à vivre, même dans un habitat précaire en attendant un logement décent.
Ce jeudi, le tribunal a prononcé un avis d'expulsion, qui prendra effet 24h après la promulgation de l'ordonnance. Ce sera probablement en début de semaine prochaine. Autant dire, demain. "Et s'ils ne partent pas, ils devront payer une amende de cent euros par jour à l'office HLM", précise Bertrand Salquain, l'avocat de Droit au Logement, le DAL 49.
"Et maintenant, on fait quoi?"
C'est la question que pose l'avocat.
"La ville d'Angers a une politique assez ferme avec les squatts. Elle les a fait fermer, les a vidé de leurs occupants. Ces derniers se sont tournés vers les hébergements d'urgence qui sont totalement saturés. Cette famille n'est malheureusement pas un cas isolé, j'ai beaucoup de sollicitations de mamans notamment, sans logement, avec des enfants qui subissent des situations similaires ", explique-t-il.
L'hébergement d'urgence semble être une voie sans issue. Reste la demande d'un logement qui pour l'instant n'a pas trouvé réponse.
"Cette famille est en situation régulière, ils ne sont pas sous OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), leur demande de titre de séjour est en cours de traitement. Ils ont quatre enfants, dont un bébé né sur le territoire français, actuellement en couveuse au CHU d'Angers car il est né à 6 mois de grossesse. Ils ne sont expulsables, ni juridiquement, ni moralement"
Pour l'avocat, le cas de cette famille pose plus largement la question de l'hébergement des familles avec des enfants en bas-âge.
" Il faudrait prioriser leur accueil, ces gens-là ne rentrent pas dans les bonnes cases, ne sont pas forcément réfugiés des "bons pays". Mais les enfants eux, ne sont pas responsables de ça. Il faut que le conseil départemental, dont la compétence est de mettre à l'abri les mineurs s'empare de ce sujet ".
En attendant, aucune perspective ne se profile pour la famille de Gringo.
Exceptée peut-être, celle de faire le tour des parkings angevins..."ce qui est loin d'être une solution" soupire Bertrand Salquain.