Fini le chat qu'on enterre au fond du jardin. La législation s'est durcie ces dernières années et la plupart des animaux qui décèdent chez le vétérinaire sont aujourd'hui incinérés. Un nouveau crématorium pour animaux de compagnie a ouvert en novembre dernier à Brissac-Loire-Aubance dans le Maine et Loire.
Ce crématorium permet aux vétérinaires du département de proposer un service de proximité aux propriétaires d'animaux. Des compagnons à quatre pattes qui font partie à part entière de la famille.
"Les cadavres avant n'étaient pas pris en charge de manière individuelle"
Premier arrêt pour le camion de la société Cremanimo, une clinique vétérinaire spécialisée. Les agents collecteurs passent discrètement à l'arrière du bâtiment pour charger les animaux morts ces derniers jours. Huit, ce matin pour cet établissement.
"En terme de poids c'est variable, il peut y avoir de gros animaux, des gros chiens par exemple qui vont monter à 40, 50 kilos, ça arrive. Sinon il y a beaucoup de chats. Les NAC, nouveaux animaux de compagnie, sont plutôt petits. Le charriot est modulable, on peut charger toutes les tailles et tous les types d'animaux dedans.", explique Pierre Bernard, collecteur pour la société Cremanimo.
En une matinée, la société va récupérer entre 30 et 40 animaux chez différents vétérinaires du Maine-et-Loire. Les bêtes seront ensuite ensuite incinérées. Un nouveau service dans le département qui répond à une demande des professionnels, soucieux d'accompagner au mieux la fin de vie des animaux de compagnie. Car si l'objectif ici est bien de soigner, la mort fait partie du quotidien.
"C'est indispensable, on ne peut pas travailler sans un service d'incinérateur privé qui nous permette de prendre en charge les corps des animaux de façon respectueuse. C'est quelque chose qui fait partie intégrante de notre métier. On en a énormément besoin, les cadavres avant n'étaient pas pris en charge de manière individuelle", témoigne Morgane Charbonneau, vétérinaire et responsable des urgences de la clinique Vet Ref.
Maintenant la demande des propriétaires et notre demande à nous vétérinaires, c'est d'avoir un service spécifique aux animaux de compagnie
Morgane CharbonneauVétérinaire
Une réponse au chagrin des humains
Un service de proximité qui permet de mieux accompagner les familles. La mort d'un chien ou d'un chat est souvent vécue aujourd'hui comme un vrai drame et il faut savoir répondre au chagrin des humains.
Nous nous adaptons en fonction des besoins de la personne
Ingrid MesletAssistante vétérinaire
"Il y a des propriétaires qui veulent récupérer un petit peu de poils de l'animal. Nous on le fait. Il y en a qui veulent une dernière photo ou passer un dernier moment pendant une demi-heure ou cinq minutes", raconte Ingrid Meslet, assistante vétérinaire.
Aujourd'hui, pour ceux qui souhaitent assister à la la crémation, plus besoin désormais de se déplacer jusqu'en en Vendée. Depuis novembre, le crématorium de Brissac-Quincé accueille les propriétaires endeuillées. Un projet qui a mis 5 ans à aboutir. Six salariés font tourner le four 5 jours sur 7.
"Notre four nous permet d'accueillir un animal jusqu'à 100 kilos, c'est le maximum. Sachant qu'il existe tout un système de filtration afin que les rejets soient minimes. Une crémation rejette moins qu'un véhicule diesel, il n'y a quasiment aucun rejet", assure Cyril Lecuit, directeur et fondateur de Cremanimo.
Une demande croissante
80 euros la crémation collective, 150 euros pour un traitement individuel avec récupération des cendres. L'entreprise travaille aujourd'hui avec 35 cabinets vétérinaires. Ils composent 95% de la clientèle mais les particuliers peuvent aussi être pris en charge. Chambre funéraire, cérémonie personnalisée et à l'extérieur, un jardin du souvenir, il ne manque rien.
"Nous avons souhaité créer un jardin cinéraire qui nous permet de pouvoir proposer aux propriétaires de pouvoir disperser les cendres, de pouvoir se recueillir quand ils le souhaitent dans un jardin végétalisé, proposer aussi un mur colombarium, quelque chose d'un peu innovant.", conclut Mickaël Lecuit, associé et responsable du partenariat.
Pour l'instant, l'entreprise fonctionne à 50% de ses capacités. Mais la demande est croissante, notamment celle des vétérinaires qui exercent dans les départements voisins. Un nouveau crématorium est déjà prévu à Tours en 2023.
"La dissolution de la frontière entre l'homme et l'animal est inquiétante"
Jacques Ricot est agrégé et docteur en philosophie. Ce spécialiste de l'éthique, associé à l'université de Nantes, a publié un essai sur la question "Qui sauver ? L'homme ou le chien ?", sur la dissolution des frontières entre l'homme et l'animal.
"Aujourd'hui et à juste titre on est en train de revaloriser la condition animale, de la respecter d'avantage, je vois que quand même très souvent, trop souvent c'est au détriment de la frontière. C'est à dire qu'il n'y a plus de frontière. Nous serions tous des animaux humains ou non et finalement nous sommes tous des vivants et moralement identiques. A cette approche je dis, je dis non !", explique le philosophe.
Mais Jacques Ricot souligne l'importance des vraies questions qui sont posées par ce débat.
L'animal est beaucoup plus souffrant qu'on ne le croit, il mérite de la considération et nous n'avons pas su la lui donner
Jacques Ricot, philosophe
Pour autant, le Nantais se dit soucieux de la dissolution de la frontière. "La première dérive c'est de considérer que la vie d'un chien peut-être plus importante que celle d'un humain. Et ça, je l'ai entendu y compris chez des personnes très informées. Ce discours, c'est une dérive intrigante et inquiétante, on ne peut pas considérer que la vie d'un animal est aussi importante que la vie d'un être humain, surtout en cette période de guerre que nous connaissons."
Il faut élever la condition de l'animal, mais il ne faut pas pour autant rabaisser celle de l'homme
Jacques Picot, philosophe
Quid des cimetières pour animaux, des soins psychologiques, des crémations? "Je ne suis pas mécontent que l'on prenne mieux soin des animaux, qu'il y ait de nouvelles compétences vétérinaires, je trouve cela très positif."
"Qu'il y ait des deuils difficiles pour des animaux auxquels on est très attaché, je le conçois mais que les rituels funéraires aujourd'hui soient en train de ressembler à ceux des humains, là il y a quelque chose qui pose difficulté, qui pose question. Les cimetières pour animaux il y en a toujours eu mais que des deuils d'animaux soient plus difficiles à faire pour certains que des deuils de membres de la famille, c'est un comportement qui renverse l'ordre normal de notre éthique d'humains", conclut le philosophe.