Victime de violence et de maltraitance dans son enfance, Pascale Papin refuse d'aider financièrement son père qu'elle surnomme son bourreau. Le département lui réclame de l'argent pour l'héberger dans un EPHAD. Une obligation alimentaire qu'elle conteste en justice.
Pour Pascale Papin, ce courrier reçu il y a quelques mois a fait ressurgir les traumatismes du passé.
"C'est le département qui nous demande de payer les frais de monsieur qui va aller en EHPAD".
Selon la loi, les enfants sont tenus d'une obligation alimentaire lorsque les parents ne peuvent subvenir à leurs besoins.
Mais pour Pascale, devoir régler avec les autres membres de sa fratrie près de 900 euros pour les frais d'hébergement d'un père maltraitant, avec qui elle a coupé tout contact, est impensable.
"Je ne m'attendais pas à ça. Je ne savais pas qu'avec un géniteur qui n'était pas un père, pourquoi on doit payer pour ça ?"
Le père de famille n'est jamais passé devant la justice.
"On se cachait vite sous la table de la cuisine parce qu'on avait peur"
Pourtant, le souvenir de cet homme n'est qu'une succession de moments douloureux pour elle, ses frères et sœurs et sa mère.
"À chaque fois qu'il faisait les cent pas dans le couloir, ça voulait dire qu'il fallait qu'elle y aille. Il la traitait de pute, de salope, de boudin. Quand on voyait ce qui se passait, on se cachait vite sous la table de la cuisine parce qu'on avait peur".
"Un soir, il lui avait tapé dessus. Elle était partie. Je suis arrivée, j'étais à la rue, toute seule, en pleurs. J'ai pris un vélo et je suis partie à Saint-Macaire à vélo. Et à chaque fois que j'entendais une voiture, j'avais peur que ce soit lui qui me fonce dessus. Donc, je me cachais dans le fossé. Et toute notre vie, ça a été comme ça".
"Maintenant, on est coupable de quoi ? On est obligé de payer, nous, les victimes, pour notre bourreau ! On nous replonge dans un enfer dont on n'avait pas besoin".
Pascale PapinVictime de violences dans son enfance
Le combat médiatique de Françoise Le Goff
En 2018, Françoise Le Goff a reçu la même demande pour les frais d'EHPAD de son père, obligée de se justifier pour celui qui a tué sa mère sous ses yeux alors qu'elle avait 13 ans.
Son combat médiatique a permis de faire évoluer la loi. L'obligation alimentaire a été supprimée pour les parents condamnés aux assises. Mais pour Françoise Le Goff, c'est encore insuffisant.
"Que fait-on pour tous les enfants qui ont subi de graves violences ? Que fait-on pour les enfants dont l'inceste a été reconsidéré comme une agression sexuelle ? Que fait-on pour tous les enfants qui ont vécu des graves traumatismes, mais qui ne sont pas un crime ?".
Ce qu'elle réclame, c'est la création d'un fichier national que les institutions en charge des questions familiales pourraient consulter avant de réclamer une pension aux enfants victimes.
"L'UDAF qui vient rechercher les obligés alimentaires devrait avoir comme mission d'aller d'abord regarder dans ce fichier sécurisé national pour voir si le parent qui est placé n'a pas été interdit ou ses enfants n'ont pas été dégagés de l'obligation alimentaire".
"Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question éthique et morale et de la reconnaissance du statut de victime de l'enfant, poursuit François Legoff, si on leur enlève ça, alors qu'en plus on leur fait vivre cette brutalité de revivre leur trauma, vous imaginez bien qu'on ne va pas aider ces personnes et qu'elles restent en souffrance".
Aujourd'hui, les enfants qui refusent l'obligation alimentaire peuvent saisir le juge aux affaires familiales, au risque d'exhumer une histoire qu'ils ont tenté d'oublier.
Que dit la loi ?
"Un parent ou un grand-parent qui n’est plus en mesure d’assurer ses besoins peut solliciter une aide auprès de ses descendants : on parle d’obligation alimentaire", précise le site Service Public, qui ajoute que "la loi « bien vieillir », publiée au Journal officiel du 9 avril 2024, la supprime dans certains cas".
Selon cette loi, l'obligation alimentaire ne s’applique plus pour :
- les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial avant leurs 18 ans et pendant une période d’au moins 36 mois cumulés
- les enfants d’un parent condamné comme auteur, co-auteur ou complice de crime sur l’autre parent
- les enfants d’un parent condamné comme auteur, co-auteur ou complice d’agression sexuelle sur l’autre parent
- les petits-enfants dans le cadre d’une demande d'aide sociale à l’hébergement (ASH) pour l’un des grands-parents
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