Alors qu'une réunion de négociations se tient ce 22 janvier au siège de Clermont-Ferrand, les salariés licenciés de l'usine de Cholet organisent une marche blanche dans le centre-ville.
Ils marchent en rangs serrés, bien visibles et bruyants. Un cortège qui doit faire le deuil de son entreprise, mais pas à n'importe quel prix. Les Michelins sont plus de 300 à avoir rejoint le centre-ville de Cholet ce mercredi matin. Le temps est gris comme le moral.
Dans le rassemblement, les drapeaux syndicaux et le soutien des partis de gauche, LFI et les Écologistes. Ici tout le monde connait quelqu'un qui a travaillé pour l'équipementier automobile. La fermeture de l'usine touche toute une ville.
Au siège, une réunion majeure est en cours alors les salariés licenciés veulent mettre "un maximum de pression sur la direction".
Ils nous méprisent. Parce qu'on sait très bien qu'ils ne vont pas nous donner ce qu'on demande
Jack RouxCGT Michelin
"Ils nous proposent 35 000 euros en supra-légal, c'est que dalle par rapport à ce qu'ils donnent aux actionnaires. Donc, on va voir où se positionne Michelin aujourd'hui. Et tous les ouvriers, tous les copains attendent ça", explique le syndiqué.
Il demande le double de ce que prévoit la direction, à savoir 70 000 euros "sans compter les mois d'ancienneté", précise-t-il.
"Moi, je vais avoir 52 ans, pour retrouver du boulot, ce sera très très dur", déplore Jack Roux.
"Sur le marché du travail, je ne compte pas ! Donc 120 000 euros au total, c'est ce que j'attends."
Fabien Ressault, lui, a la sale impression que l'histoire tristement se répète "J'ai connu ça à Tours en 2013", souffle-t-il.
Si j'avais su que je me ferais licencier 10 ans après, je n'aurais pas accepté la mutation. C'est du foutage de gueule !
Fabien RessaultSalarié licencié, Michelin
Un convoi de représentants syndicaux est parti tôt ce mercredi matin pour la réunion qui se tient à Clermont-Ferrand.
Mais personne ne se fait d'illusions sur ce que la direction sera prête à céder. La résignation l'emporte, mais les Michelin veulent exister jusqu'au bout, pour ne pas avoir l'impression d'avoir tout perdu.
Le PDG de Michelin entendu ce mercredi par le Sénat
Entre la concurrence des pneus chinois et les coûts de l'énergie et des salaires, Michelin ne peut plus exporter depuis l'Europe, a expliqué le PDG de Michelin Florent Menegaux mercredi au Sénat pour justifier la fermeture de deux usines en France.
Si le géant mondial du pneu exporte toujours plus qu'il n'importe depuis l'Europe, "ce n'est plus tenable", "on a une hyper-concurrence, des surcapacités massives" dans les usines," a lancé Florent Menegaux devant la Commission des affaires économiques du Sénat rapporte l'AFP.
Depuis 2019, entre la hausse des coûts de l'énergie et l'inflation qui "s'est retraduite dans les salaires", il est devenu globalement "deux fois plus cher" de produire des pneus en Europe qu'en Asie, a ajouté le PDG.
"Pour maintenir notre outil industriel en Europe, il faut qu'on ait un outil ramassé, hyper productif (...). Il faut qu'on investisse massivement dans la robotisation", a expliqué Florent Menegaux.
Cholet était le site du groupe "le plus cher du monde pour fabriquer des pneus de camionnette", selon lui.
Si la France a des "atouts formidables avec une infrastructure remarquable, une électricité décarbonée d'ampleur, un peu trop chère, mais disponible, des personnes bien formées, un tissu industriel préexistant", le patron de Michelin a répété que "l'industrie avait besoin de stabilité réglementaire, fiscale, environnementale".
1 254 emplois sacrifiés
La direction du groupe Michelin a annoncé le 5 novembre dernier la fermeture de deux de ses usines, celle de Cholet dans le Maine-et-Loire et celle de Vannes dans le Morbihan.
À Cholet, 955 emplois sont supprimés, à Vannes, 299 postes. Soit au total 1 254 emplois sacrifiés d'ici à 2026.
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Alexander Law, le directeur des relations sociales du groupe Michelin et Arnaud Gage, le directeur industriel tourisme camionnette Europe avaient ce jour-là fait le déplacement et annoncé la décision en ces termes : "Nous allons stopper la production pendant une semaine, le temps aux salariés d’informer leur entourage. Une consultation auprès des salariés sera menée pendant 4 mois pour déterminer la configuration d’un plan social."
Ils avaient par ailleurs précisé que le groupe "avait l'intention de participer à la création d'au moins autant d'emplois que ceux supprimés."
En réponse, les pneus sont partis en fumée. Après plus de trois semaines de blocage, la production avait redémarré grâce à la conclusion d'un accord entre le groupe industriel et les salariés.
Les ouvriers avaient alors accepté de rejoindre progressivement leurs postes de travail sur le site.
"Dans le cadre du projet de fermeture engagé par le groupe, Michelin entend désormais pouvoir poursuivre sereinement le dialogue social initié avec les représentants du personnel et les organisations syndicales", avait déclaré Michelin, dans un communiqué, le 28 novembre dernier.
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