C'est l'une des annonces faites ce lundi par la première ministre Elisabeth Borne. Un mémorial dédié aux gens du voyage sera réalisé sur la commune de Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire. C'est là que, pendant la seconde guerre mondiale, 2000 tsiganes et gens du voyages ont été enfermés.
Jean Richard, le Vice-président de l’Association pour la Mémoire du Camp tsigane de Montreuil-Bellay ne veut pas que l'Histoire oublie ce qu'ont vécu les gens du voyage en France pendant la seconde guerre mondiale.
Il revient très souvent sur ce terrain situé à Montreuil-Bellay, près de Saumur. A chaque fois, il pense aux familles qui ont souffert ici de 1941 à 1945. 2000 hommes, femmes et enfants qui ont été internés sur ce camp, dans des conditions atroces.
Le traumatisme a suivi ceux qui en ont réchappé. Jean a entendu des récits terribles au sein de sa propre famille.
"La frousse, la peur au ventre, même longtemps après, qu'on vienne les chercher et qu'on les enferme encore" se souvient Jean, qui témoigne au micro de Laura Striano et Jérémy Armand.
"Ce camp a continué de fonctionner jusqu'en janvier 45"
"Il y a quelque-chose de terrible, souligne Jean Richard, c'est que ce camp a continué de fonctionner jusqu'en janvier 45 alors que la région avait été libérée en septembre 44. C'est l'administration française qui a continué à faire ce travail. Alors que les Allemands n'étaient plus là."
Le camp d'internement des gens du voyage avait été créé, non pas par l'occupant allemand, mais avant son arrivée par le gouvernement français qui se méfiait de cette population sans cesse en mouvement. On la soupçonnait d'espionner, de renseigner l'ennemi.
Dans son classeurs, Jean a rangé avec soin des documents de cette époque cruelle. Des photos des familles internées, le carnet anthropométrique de sa maman.
"Elle avait 11 ans, raconte Jean, et on la traitait comme une criminelle. Ils étaient tous pieds nus, été comme hiver."
"C'était une situation absolument abominable"
Sur le terrain, il reste encore quelques traces de ce camp d'internement et, notamment, une cave enterrée. La prison dans la prison.
"Pour éviter que les parents s'évadent, explique Jean Richard, ils prenaient un enfant dans chaque famille qu'ils enfermaient toute la nuit dans la prison et qu'ils relâchaient dans la journée. Ils étaient entassés, là-dedans à 20 ou 30. C'était une situation absolument abominable."
La cave servait aussi de punition pour ceux qui se rebellaient. Ils y étaient enfermés pendant, parfois, trois semaines avec, pour seule nourriture, du pain et de l'eau.
Jean se souvient du témoignage d'un ami qui lui a raconté, qu'enfant, alors qu'il était interné dans ce camps, sa mère avait été punie pour avoir utilisé des couvertures afin de confectionner des vêtements chaud pour ses enfants. Elle avait été enfermée dans cette cave pour destruction des biens de l'Etat. L'enfant venait parler à la porte avec sa mère pendant la journée.
"Il a mis longtemps à s'en remettre, il a toujours parlé de ça", se souvient Jean.
►voir le reportage de Laura Striano, Jérémy Armand et Nathalie Saliou-Tendron
C'est Jacques Sigot, un instituteur, qui a fait un travail d'historien sur cette page sombre de l'histoire locale et nationale et rappelé, dans les années 80, ce qu'on avait enterré avec les vestiges du camps.
"Même chez nous, les voyageurs, fallait plus en parler, raconte Jean. Les gens de la famille ne veulent toujours pas venir ici. Moi je pense que c'est de l'Histoire, c'est notre histoire, on doit en parler."
Une stèle et un mémorial
En 2016, le Président François Hollande est venu à Montreuil-Bellay, à l'occasion du 70e anniversaire de la fermeture du dernier camp d'internement en France. Une stèle y a été posée. Un sentier d'interprétation est envisagé.
Lors de la présentation des mesures destinées à lutter contre le racisme, l’antisémitisme et l’anti-tsiganisme, la première Ministre Elisabeth Borne a annoncé ce lundi 30 janvier la création d'un mémorial des gens du voyage, à Montreuil-Bellay.
Il prendra place dans un ancien bâtiment agricole que la commune doit acquérir. Mais ce projet est estimé entre 500.000 et 1 million d'euros.
"Nous comptons sur cette mobilisation des collectivités territoriales, de l'Etat, de l'Europe, espère Mariette Souchet, adjointe à la culture de Montreuil-Bellay.
Si les partenaires de ce projet parviennent à réunir la somme, le mémorial devrait ouvrir d'ici 2026.