PORTRAIT. Stanislas "Lou Pastre", le berger de Vendée qui a quitté la mer pour la montagne

A 39 ans, Stanislas Hamon a déjà passé une bonne partie de sa vie dans les alpages, un peu partout en France, en estives. Dix-sept saisons passées à exercer sa passion : berger. Cette année, c'est depuis les sommets savoyards que le Vendéen nous emmène découvrir un métier pas comme les autres...

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Cette année, c'est en Savoie et plus précisément en Basse-Maurienne, à  2000 mètres d'altitude, face au Grand Arc, que Stanislas Hamon, alias "Lou Pastre", effectue sa 17e saison en tant que berger.

 

"J'ai fait une bonne dizaine de montagnes dans ma carrière, depuis 2005 : la Foux d'Allos, Belledonne, Aussois en Haute Maurienne, Montsapey en Basse Maurienne, Valberg, Névache dans les Hautes-Alpes, les Val Golmard en Savoie...", énumère ce grand baroudeur, qui précise "qu’aucune montagne ne se ressemble. La grande différence, pour nous autres bergers, ce sont les heures de marche et puis comment est faite la montagne, son terrain, ses dénivelés, ses barres rocheuses. Mais ce qui compte avant tout dans notre métier, c'est qu'une montagne ait de la ressource fourragère, c'est-à-dire de l'herbe".

De juin à septembre, c’est donc en altitude que le Vendéen passe l’été avec son troupeau, composé de 550 brebis. Et si aucune montagne ne se ressemble, la façon de conduire son troupeau pendant l’estive, elle, reste la même : ancestrale et pastorale : "Avec le troupeau, on commence la saison depuis le bas de la montagne au mois de juin, jusqu'aux crêtes, fin septembre. Chaque mois correspond à un morceau, un quartier de la montagne".

Et ne croyez pas que le berger ne fait que surveiller son troupeau. C’est lui qui reste seul maître à bord, qui décide où les brebis vont aller.

"Il y a un sens, un biais, après ça dépend de là où tu veux les conduire, mais c’est à moi de définir un parcours de pâture en fait. Tout se fait au fur et à mesure. Le but, c’est de bien manger la montagne pour que l’été prochain, l’herbe soit aussi fraîche et abondante que la saison passée et ainsi de suite… C’est pastoral, c’est le voyage de la Terre".

"On est des chasseurs d’herbe !"

En bas, les brebis se régalent avec les graminées, présents dans les ubacs, les versants de la vallée exposés au nord, moins ensoleillés. Et elles se dirigent ensuite de l’autre côté de la montagne, dans les adrets, au sud, plus ensoleillé.

"Pour faire simple, on monte le troupeau avec la saison, avec les ressources : on va de morceau en morceau.  D’où la transhumance, le voyage de la Terre ! On suit l’herbe en fait, on est des "chasseurs d’herbe !"

Être berger, c'est aussi servir, préserver et entretenir l'environnement. Outre le fait que le berger fait pâturer son troupeau presque la moitié de l’année et participe ainsi à conserver une terre et une herbe de bonne qualité, ce que les gens savent moins, c’est que le fait de garder les espaces ouverts limite énormément le risque d’avalanches.

Être berger, c’est aussi préserver l’environnement !

Et Stan d’ajouter : "On fait aussi fumer la terre, avec les parcs de nuit (là où les brebis dorment, en sécurité, protégée par une clôture électrique) , que l'on fait tourner. Avec les crottes de brebis, ça fait de l'engrais naturel, du fumier quoi ! Ce qui fait que ça régénère la terre et l'année prochaine, ça ne repoussera que mieux, l'herbe sera toute fraîche ! Et par la même occasion, on brûle le nard, les mauvaises herbes". 

"Mes chiens, ce sont ma continuité !"

Si le métier de berger est un métier où l'on ne craint pas la solitude, il n'en demeure pas moins que le "pastre" est toujours accompagné par ses fidèles compagnons de travail : ses chiens. "Il n'y a pas de bergers sans chiens ! Mes chiens, ce sont en quelque sorte ma continuité !".

Des chiens, Stan en a quatre. Deux sont à lui : Pastou et Sky, ses Border Collie, des chiens de travail pour conduire le troupeau.  Des chiens de berger par excellence. Et deux chiens blancs, des patous, qui veillent et protègent le troupeau des grands prédateurs, comme le loup. Des chiens qui au premier abord, sont assez impressionnants de par leur taille et qui ne font pas toujours bon ménage avec les touristes.

Ça ne se passe pas tout le temps bien avec les touristes.

Stanislas

alias Lou Pastre

"C'est pourtant pas faute de les informer, mais les patous font leur travail et si les touristes s'approchent trop près des brebis, malgré nos recommandations, ils vont aboyer, c'est normal !".

Des chiens de travail dont l'instinct ne fait pas tout. Avant de devenir un bon chien de conduite ou de protection, cela demande des années de dressage, surtout pour les Border Collie. "Ce sont des chiens incroyablement intelligents, on dit même que ce sont les plus intelligents au monde". Leurs principales qualités sont l'écoute, le nombre d'ordres et un instinct incroyablement développé.

"Quant aux chiens de protection, les patous, on leur demande 3 choses : "croquettes, troupeau et chaîne" (quand on a besoin de les attacher).

Les chiens de conduite, c'est différent, ça se dresse, précise le berger : "On les éduque aux sons, aux gestes... Ça retient beaucoup plus d'ordres, comme : "monte, avance, descend", et parfois aussi "droite, gauche". Après, certains font de "l'agility" ou "agilité", c'est vachement précis mais du moment qu'ils ramènent les brebis, moi ça me suffit ! ". Et de préciser, non sans rire, qu’"un bon berger est un berger fainéant !"

"On doit toujours rester sur le Qui-vive"

S’il aime ses bêtes ? "Bah bien sûr, je les aime mes bêtes ! Il faut. On ne peut pas faire ce métier si on ne les aime pas. Ça demande tout notre temps et toute notre attention, et ce, pendant les cinq mois d’estive".

Un bon berger ne s’ennuie jamais, bien au contraire. Il passe ses journées, du lever au coucher du soleil, à surveiller ses brebis, à les regarder. "Le temps passe vite en fait : il faut garder, pâturer et soigner aussi. On a toujours quelque chose à faire, on doit toujours rester sur le Qui-vive. 

Même la nuit, on ne dort que d’un œil

Stanislas

alias Lou Pastre

"Je suis le médecin des brebis"

Et les soins, justement, ça lui prend du temps, généralement le soir, quand le berger parque son troupeau, où le matin, avant de les "lâcher" dans la montagne, sur leur quartier d’été. "C’est moi le médecin des brebis".

Dans sa pharmacie ambulante, Lou Pastre à tout ce qu’il faut pour soigner son troupeau : des antibiotiques, des répulsifs à mouche, des antiseptiques, des seringues mammaires et surtout des produits qui tuent les vers, principaux ennemis du berger. "J’ai tout ce qu'il faut pour les principaux soins, que ce soit pulmonaire, musculaire… car en montagne, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver, le terrain est accidenté'.

Dans son troupeau de 550 brebis, pas une ne se ressemble. "A force de les regarder, je les connais presque toutes. Il n’y en a pas une pareille. C’est comme nous, elles sont toutes uniques. Certaines sont mouchetées, d’autres sont blanches ou noires, petites, moyennes ou grosses avec une laine toujours différente", précise le berger, véritable œil de lynx.

Et dans son cheptel, on compte aussi différentes races ovines. Principalement des "communes" : un croisement entre des "Mérinos" et des "Préalpes", mais aussi des races bouchères, croisées avec des béliers "Suffolk Île-de-France".

C’est comme nous, elles sont toutes uniques

Stanislas

alias Lou Pastre

Dans son troupeau de 550 brebis, pas une ne se ressemble. "A force de les regarder, je les connais presque toutes. Il n’y en a pas une pareille. C’est comme nous, elles sont toutes uniques. Certaines sont mouchetées, d’autres sont blanches ou noires, petites, moyennes ou grosses avec une laine toujours différente", précise le berger, véritable œil de lynx.

"Il y a Petit coeur, Mémère, Gratte-cul !"

Et à force de les côtoyer de près, Lou Pastre en a même baptisé quelques-unes, au surnom évocateur : "Il y a "Petit Coeur" par exemple, c'est un jeune bélier blanc et sur son dos, se démarque une tâche noire, en forme de petit coeur ! Il y a aussi "Mémère", qui est une brebis très différente du reste du troupeau dans le sens où elle n'est pas du tout farouche et elle aime bien venir se faire caresser".

Sans parler de "gratte-cul", qui comme son nom l'indique profite de la moindre pierre pour se gratter l'arrière-train !.

En France, il existe deux écoles de berger

Et contrairement aux idées reçues, être berger, ça ne s’apprend plus sur le terrain, comme autrefois, où le métier se transmettait de père en fils. Aujourd’hui, il existe deux écoles de berger en France et bien d'autres qualifications agricoles en lien avec ce métier. Stan, lui, a fait un BPA (Brevet Professionnel en Agriculture) de "Berger Salarié Transhumant" au Centre de Formation du Merle à Salon-de-Provence, suivi d'un BPREA (Brevet Professionnel Responsable d'Exploitation Agricole), à Digne-les-Bains.

Et aux jeunes qui voudraient se lancer, Stanislas les encourage à faire une école de berger, comme lui, et de se lancer, de faire des saisons au fur et à mesure. Mais il met en garde : "Ce ne sont pas des vacances : c’est tout le temps, tous les jours, toute l’année. Après, avec le temps, on peut choisir ses saisons, estives et/ou agnelage".

Quant à la solitude du berger, Stan s’en accommode parfaitement : "Ce qui est en haut reste en haut, ce qui est en bas reste en bas".

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