“De cet art, je veux prouver aux gens qu'il est possible de tout faire", ils créent une école de drag queen en Vendée

A la Roche-sur-Yon en Vendée, Brandon Pavageau et son compagnon Etienne Capart ont fondé une compagnie de théâtre et de stand up un peu atypique puisqu'on peut aussi y apprendre à se maquiller, à danser, marcher et chanter comme des drag queens. Avec humour, légèreté et bienveillance.

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Brandon Pavageau est professeur de théâtre et comédien professionnel à la Roche-sur-Yon.  

Avec son compagnon Etienne, adepte depuis quelque temps du stand-up, ils ont décidé de créer une compagnie de spectacle un peu particulière. Leur compagnie s’appelle “Pink and Blue” et elle délivre aussi des cours de drag queen. 

“Drag, dressed as a girl” 

Leur école est ouverte à tous publics, mais uniquement aux adultes.  

On y apprend comment se maquiller en drag queen, comment marcher avec les hauts talons, danser ou encore apprendre le “lipsync”, ou l’art d’interpréter une chanson en playback.  

Car dans la vie, Brandon est aussi Venom Roger, drag queen. Un nom de scène choisi en référence à l’univers des jeux vidéos. 

“L’idée est venue pendant le confinement, je me suis amusé à me maquiller en drag queen, et c’était tellement amusant que je me suis pris au jeu. Au départ, mes maquillages étaient totalement ratés, mais avec des tutos et des conseils de pro, on progresse rapidement”, précise Brandon.

“Drag cela signifie “Dressed as a girl”, c'est-à-dire “habillé comme une fille”, ajoute-t-il, puisque c'est un terme beaucoup utilisé à l'époque de Shakespeare notamment, vu que les femmes n'avaient pas forcément tout le temps l'opportunité de monter sur scène, les hommes jouaient des rôles féminins. Et c'est vrai que c'est quelque chose qui s'est perdu depuis".  

Mais l'art du drag, c'est quelque chose qui est né aux États-Unis avec l'événement de Stonewall”* , et aujourd'hui c’est vraiment une pratique artistique à part entière

Brandon

Aka Venom Roger

 

*les émeutes de Stonewall, le 28 juin 1969, du nom d’un des rares bars gays New Yorkais ont été un événement fondateur dans la lutte des droits de la communauté LGBTQ+, et l’un des événements à l’origine de la Gay Pride.

Inclusion et bienveillance

Acte un de la transformation en drag, la session maquillage. Qui peut durer près de deux heures. Pour se faire aider en fonction du nombre de participants au cours, Venom Roger s’est entourée d’une professeure de maquillage en la personne de Miss Martine, une amie drag.  

À chacune sa technique, mais dans un cas comme dans l’autre, le résultat est bluffant.  

Durant les ateliers, les deux compères expliquent à leurs stagiaires d’un jour comment masquer leurs sourcils. D’abord les tartiner de colle à papier, les brosser, les aplatir puis les sécher à l’aide d’un sèche-cheveux. Et recommencer une seconde fois. Il faut ensuite les poudrer grossièrement puis les masquer ainsi que tout le visage avec du fond de teint.  

Une fois cette étape terminée, place au maquillage des yeux. Il faut redessiner des contours plus hauts, les colorier... Et peu importe la couleur, pourvu qu’il y ait l’ivresse. 

“On va faire le maquillage selon ses humeurs, selon ses envies, selon ses inspirations. C'est comme une toile qu'on va peindre”, explique Miss Martine. 

Et Venom de compléter : “Le drag, c'est surtout l'art de camoufler les erreurs. C'est une forme d'art comme une autre, c'est très thérapeutique.” 

Pour moi, le drag, c'est une extension de soi-même

Venom Roger

Drag queen

Pour Brandon/ Venom, c’est une façon de se redécouvrir et de s’affirmer aussi : “Ce que j'aime bien dire quand on met des gens en drag, c'est qu'on crée des monstres. On ne sait jamais ce qui va sortir. Ça désinhibe des parties qu'on n'imaginait pas.” 

Pour Nadège, l’une des deux élèves du cours ce jour-là, c'est une révélation : “D’habitude, je ne me maquille jamais, j’ai l’impression d’avoir retrouvé ma féminité.” 

Une fois le maquillage terminé, on enfile sa tenue. Faux-seins, fausses hanches, robes mille et une nuits à paillettes, couleurs flashy, bijoux scintillants, voire clinquants, en drag rien n’est faute de goût, tout est accepté. Et surtout personne n’est jugé. 

L’ouverture d’esprit et la bienveillance sont des valeurs que souhaitent porter haut et fort Brandon et Etienne à travers leur compagnie de théâtre et de spectacle. 

 “Ce qui me motive personnellement, c’est d’arriver à faire comprendre aux gens, de permettre aux proches, à l'entourage de laisser ceux qu’on aime pouvoir être ce qu'ils sont, de les mettre à l'aise et de leur permettre d'être eux-mêmes. Car on a le droit et on peut être qui on veut.” 

On travaille des valeurs essentielles comme l'inclusivité et la bienveillance

Etienne Capart alias Rowen

Co-fondateur de la Cie Pink and Blue

La technique “Bad Bitch” 

 Acte deux, apprendre à marcher avec des talons. D’au moins dix cm de préférence.  

“La technique pour les talons, contrairement à ce qu'on pourrait avoir le réflexe de faire, c'est de faire talon-pointe et pas pointe-talon", précise Venom. 

“Et surtout, on pense à marcher comme si on était sur un fil tendu. Très assuré, très “bad bitch”, explique la drag, le regard malicieux. C'est-à-dire déterminé, dynamique avec le regard précis. Le regard sait où il va, ensuite il faut avancer avec détermination.” 

Une expérience appréciée par les deux apprenties drag du cours : “C’est quand même un peu compliqué, parce que c'est assez haut, ça demande un petit peu d'effort”, raconte Salomé. 

“D'avoir les talons, ça donnait envie d'avoir une certaine attitude, pour ma part”, se confie Nadège. 

Et Venom ajoute : “C’est normal les filles, et si en plus, il n'y a pas de semelle compensée, ça fait mal aux pieds, on a les pieds, on a des ampoules le lendemain, c'est horrible. Si on trouve la bonne chaussure, on peut tenir et être confort”.  Chaque détail compte.  

Lâcher prise 

Acte trois : Une fois maquillées, les élèves drag peuvent apprendre à se laisser aller sur une musique de leur choix, à danser et à chanter en playback en rythme et en chorégraphie.  

Un seul objectif : s’amuser, lâcher prise, se laisser aller.  

“Le plus important, c'est de kiffer, même si on peut se dire "ah, ça aurait pu être plus joli le make-up, oh, le look, il n'est pas ouf", tant qu'on s'amuse, c'est tout ce qui compte, tant qu'on profite, c'est le plus important”, insiste Venom. 

Pour Miss Martine aussi, c’est une expérience libératrice.  

“On vit dans une société où il faut toujours se contenir. Il ne faut pas pleurer devant les gens, il ne faut pas s'énerver devant les gens. Il ne faut pas rigoler trop fort, sinon ça va déranger. Dans la société, il faut toujours se contenir”. 

En étant une drag queen, on peut tout faire, les gens adorent. Et ça, c'est très libérateur. 

Miss Martine

Drag queen

Pour Miss Martine, être drag, c'est aussi faire passer un message. 

“Dans un show, la priorité, c'est de passer un message. Ça peut être un message d'amour, un message comique, mais il faut passer un message. Moi, personnellement, je ne suis pas une personnalité LGBT qui va dans l'extrême, mais je fais partie de ces gens qui prouvent à la nouvelle génération qu'ils peuvent être libres, qu'ils peuvent se sentir comme ils veulent.” 

On n'est pas des porte-parole, mais on agit

Miss Martine

Drag queen

Et peut-on vivre du drag ?  

Cela reste difficile, comme le précise Miss Martine “Le drag coûte cher, en maquillage déjà et puis lors de prestations que j’ai pu faire, je gagne souvent juste de quoi rembourser mes frais de déplacement. De temps en temps, des tips ou pourboires en plus sont appréciables. Mais on a tous un métier en parallèle. Moi, je suis dans les ressources humaines. Le drag reste une passion à côté pour le moment.” 

On ne vit pas du drag, sauf si on est extrêmement connu

Miss Martine

Drag queen

Le drag en Vendée, un défi 

En Vendée, département plutôt conservateur, créer une école de drag queen était un pari osé. Mais qui n’a pas découragé le jeune couple, lucide. 

C'était un peu difficile au début de marquer le coup du drag en Vendée, parce que peu de personnes sont sensibilisées au sujet

Etienne Capart alias Rowen

Co-fondateur de la Cie Pink and Blue

"Mais cela dit, le drag existait quand même à la Roche-sur-Yon avant, notamment avec Eva au Macumba Club de la Roche-sur-Yon, qui a instauré les soirées drag depuis maintenant au moins une vingtaine d'années. Ça nous a fait beaucoup aidé”, explique Etienne. 

La plus grosse difficulté, ce sont les mentalités des personnes qui n'y sont pas sensibilisées

Etienne Capart alias Rowen

Co-fondateur de la Cie Pink and Blue

Et Venom de rajouter avec humour : “J'en ai moi, personnellement marre de faire des trajets tout le temps à Nantes pour pouvoir faire des scènes et c'est vrai que jouer local, c'est plus agréable. En fait, c'est venu naturellement, on s'est dit, tiens, il est peut-être temps. Il est peut-être temps que ça change et que ça évolue en Vendée !” 

Miss Martine abonde dans ce sens : “De cet art, je veux prouver aux gens qu'il est possible de tout faire. Que même si on ne s'aime pas, même si on n'aime pas notre corps, on peut être magnifique. J'ai eu beaucoup de mal à m'accepter en tant que drag queen parce que je n'aimais pas mon corps, je n'aimais pas mon visage. Et en allant dans l'extrême féminité, je me suis rendu compte que finalement, j'étais très bien comme j'étais.” 

C'est par l'extrême féminité que j'ai réussi à assumer mon côté très masculin aussi

Miss Martine

Drag queen

Ce qui a beaucoup aidé les drag queens yonnaises c’est aussi l’émission de téléréalité française "Drag race France”, lancée à partir de 2021 sur France 2. Inspirée d’un modèle d’émission américaine, c’est un concours de drag queen pour sélectionner la reine des drags française. 

“C’est quand Drag Race France est sortie en 2021 que je me suis dit, lance-toi. Sinon, je ne pouvais pas me lancer, par peur que dans la région, ça soit trop fermé, par peur de me faire juger, me faire critiquer. Grâce à cette émission, ça a permis d'ouvrir les mentalités plus plus.” 

À partir de février 2025, en partie au Macumba club de La Roche-sur-Yon, dans le centre de la ville, les ligériens en auront plein les yeux : place aux stages de drag queen de la compagnie Pink and Blue. 

“Dans notre école, on va proposer des stages réguliers, des stages d'initiation, par exemple au make-up, on pourra faire un stage aussi plus spécifique autour de ce qu'on appelle le lip-sync, donc la chorégraphie en playback. On va aussi, pourquoi pas, travailler autour du stand-up, des marches en talons”, achève Brandon.

“Ça va être plein de petites notions comme ça en drag qu'on va exploiter sur des après-midi ou des week-ends dans le but d'aider les gens à se révéler d'une manière ou d'une autre et à explorer cette nouvelle phase artistique qui n'est pas encore travaillée en Vendée.”  

Le reportage de Juliette Poirier, Damien Raveleau, Louis-Julien Pannetier, Valérie Brut

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