C'était sa première participation et durant toute la course, elle a squatté le top 10. La Suissesse a franchi la ligne d'arrivée du Vendée Globe après 76 jours, une heure, 38 minutes et 52 secondes passés en mer. Elle devient la navigatrice la plus rapide de l'histoire de ce tour du monde en solitaire et sans escale.
Une dernière tempête avant d'en finir. Rien ne lui aura été épargnée, mais elle a serré les dents jusqu'au bout jusqu'au bout. Justine Mettraux est une femme discrète, une athlète concentrée sur son objectif, avec elle pas d'esbroufe, ni de grandes envolées. Son but ? Faire au mieux et laisser un maximum de concurrents derrière. Et elle qui ne fait d'ordinaire pas de bruit a cogné dur.
Ce 22 janvier, la liaison est difficile avec le PC course. La Suissesse est "ballotée par 40 nœuds de vent, dehors ça tape fort. Le ciel est sombre et bas, la mer formée. "Il y a gros de mer, j'ai hâte que ce soit derrière moi", confirme la navigatrice qui est pressée d'en finir "pour retrouver sa famille et ses proches".
Un tour du monde dans le top 10, jolie performance pour une première participation.
Elle est arrivée le visage marqué, les traits creusés par la fatigue, les cheveux raidis par le sel marin. Toujours très bien placée. Justine Mettraux boucle le Vendée Globe en devenant la navigatrice la plus rapide de l'histoire de cette course mythique. Il y a 4 ans, Clarisse Crémer avait mis 87 jours. Avec, un tour de la planète en seulement 75 jours, elle atomise le précédent record.
Sa première envie ? "Ce sera un burger et une salade de fruits", annonce Lucile Troel, son attachée de presse. Et malgré les sollicitations médiatiques, elle aura droit à son dimanche matin. "Il faut lui laisser du temps pour qu'elle puisse récupérer. Vous savez, Justine, c'est une grande dormeuse ! ", précise-t-elle.

Le moment le plus difficile pour elle ? La remontée de l'Atlantique sud "avec des orages violents le long des côtes brésiliennes".
Une semaine après le passage du cap Horn, le moral n'est pas au beau fixe.
Ce n'est vraiment pas facile. J'ai l'impression de ne pas faire les bons choix stratégiques !
Justine MettrauxLe 5 janvier
"Je crois que c'est dur pour tout le monde. Je m'en suis assez bien sortie en contournant la dépression par l'ouest, mais après, je pensais que ça passait mieux, là, c'est un peu bloqué pour moi, donc je n'ai pas été très efficace", regrette la Suissesse.
Des sueurs qui lui collent à la peau. "Ça fait une bonne semaine que je ne me suis pas changée. Ça ne sent vraiment pas bon. L'eau commence à se réchauffer un peu, donc je vais en profiter de me doucher, ça va me faire du bien, ça va remettre un peu les idées en place. J'essaie de repartir du bon pied pour la suite", confie-t-elle.

"Je profite du calme"
Fin novembre, elle attaque les mers du sud, sereine, "avec toute la garde-robe en place". Je profite du calme pour installer mon tourmentin, ce n'est pas du luxe ! Et c'est beaucoup plus facile à faire dans les 10 nœuds qu'on a actuellement que dans 35 nœuds avec une mer formée".

Arrivée après dix jours de course au pot-au-noir, elle se fait rincer. La visibilité est quasi nulle, mais la navigatrice garde les idées claires. "Il y a des grains, beaucoup d'eau, il a plu des cordes pendant 2 heures sans discontinuer".
On essaye de tirer parti du vent, mais ce n'est pas simple parce que c'est très variable. Il y a entre 3 et 30 nœuds un peu dans toutes les directions, donc il faut être dessus
Justine Mettrauxle 20 novembre 2024
Une enfant du lac Léman devenue pure compétitrice
La suissesse Justine Mettraux tire ses premiers bords sur le lac Léman sur le bateau familial puis au Centre d’Entraînement à la Régate de Genève et attrape très vite le virus de la course au large.
Aujourd'hui, elle vit en Bretagne. "C'était assez une évidence dans le sens où c'est là qu'il y a les meilleurs centres d'entraînement, d'où la plupart des grandes courses partent aussi. C'était vraiment assez évident de venir ici pour pouvoir se préparer au mieux pour différentes courses. J'ai commencé à y penser petit à petit", avoue-t-elle.
En 2013, elle boucle la Mini Transat en 2ᵉ position sous les couleurs de TeamWork. Elle continue de s’entraîner et de progresser en participant à toutes les grandes courses océaniques : Volvo Ocean Race, Solitaire du Figaro, Transat Jacques Vabre.
En 2022, son sponsor historique, TeamWork, rachète un foiler de dernière génération pour lui permettre de préparer le Vendée Globe 2024.
C'est un long chemin pour réussir à y accéder, pour réussir à monter un projet aussi. C'est un travail de longue haleine, ça m'a pris bien 8 ans
Justine mettrauxSeptembre 2024
"Je me connais bien"
"On sait qu'on part pour à peu près 80 jours en mer tout seul et c'est des choses qu'on peut vivre peu de fois dans une carrière de marin", disait Justine Mettraux en septembre 2024.
"Je me connais bien quand je suis à bord toute seule. Je pense que je suis plutôt forte mentalement aussi et ça je pense que c'est un avantage quand on part sur un Vendée Globe".
Mes faiblesses sont plus du côté technique des bateaux parce que moi je n'ai pas du tout un cursus d'ingénierie. Mon équipe a mis l'accent là-dessus pour que je sois mieux à même de réagir en cas de problème sur mon bateau.
Justine MettrauxSeptembre 2024
Avant le départ, elle disait ne pas partir pour la découverte, mais pour la compétition. "Ce n'est pas une première pour moi d'aller dans ces endroits-là. Même si je pense qu'on se fait attraper un peu par le côté aventure. C'est vrai que j'aborde cette course comme un projet sportif avec l'ambition de bien faire parce que j'ai eu les moyens de bien me préparer et de prétendre à pouvoir être dans la course". La Suissesse aux yeux lavés, couleur de l'océan, a vu juste et tenu toutes ses promesses.
Le reportage de Juliette Poirier et Valérie Brut

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