Le tribunal administratif de Nantes a condamné à l'Etat à indemniser l'ancienne directrice de l'Etablissement régional d'enseignement adapté (EREA) Jean-d'Orbestier des Sables-d'Olonne pour le "harcèlement moral" qu'elle a subi de la part d'enseignants.
Elle avait reçu des menaces de mort en 2021 alors qu'elle dirigeait l'Établissement régional d’enseignement adapté (EREA) du Château-d'Olonne. Une fonctionnaire vient de bénéficier d'une décision du tribunal administratif de Nantes condamnant l'Etat à une indemnisation suite à la reconnaissance de faits de "harcèlement moral".
Le 17 septembre 2020, Régine X. avait ainsi porté plainte contre "plusieurs enseignants" relate le tribunal administratif de Nantes dans un jugement en date du 7 octobre 2024 qui vient d'être rendu public. Le 15 janvier 2021, le rectorat de l'académie de Nantes lui avait octroyé la "protection fonctionnelle", c'est-à-dire de la prise en charge des frais d'avocats des agents publics attaqués dans le cadre de leurs fonctions.
Un enseignant hésitait "entre la hache et la tronçonneuse"
Le 8 juillet 2020, à la veille d'une réunion, des "échanges" entre deux enseignants "sur un réseau social" étaient en effet intervenus à propos de la directrice, qui disait à l'époque "se sentir esseulée" et "en insécurité" dans son logement de fonction. L'un des enseignants avait écrit à son interlocuteur qu'il hésitait "entre la hache et la tronçonneuse"... À la rentrée de septembre 2020, un de ses collègues s'était aussi adressé à Régine X. à "trois reprises" en lui "hurlant" dessus.
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Un autre enseignant avait aussi adopté "une attitude hostile et menaçante" à son encontre à l'occasion d'une réunion du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en septembre 2020. Des courriels de "cinq enseignants" absents à cette réunion avaient aussi été révélés : ils envisageaient de "contrecarrer les actions de Mme XXX avec animosité et en contournant les voies administratives normales", note le tribunal administratif de Nantes.
"S'il avait eu un fusil, elle aurait été la première à y passer"
Le 15 décembre 2020, la directrice déléguée à la formation professionnelle et technique de l'EREA s'était par ailleurs rendue au domicile d'un enseignant pour qu'il "restitue un motoculteur". Ce dernier avait alors "adopté une attitude menaçante" et déclaré, à propos de Régine X, que "s'il avait eu un fusil, elle aurait été la première à y passer"... Enfin, le 8 janvier 2021, un "message anonyme" avait été déposé dans la boîte aux lettres de l'établissement. "Une bonne directrice est une directrice morte", y était-il écrit...
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"Compte tenu de leur caractère grave et réitéré, ces agissements - qui ont engendré une dégradation des conditions de travail de Mme XXX (...) - sont de nature à faire présumer l'existence du harcèlement moral allégué", a donc considéré le tribunal administratif de Nantes.
L'académie dégagée de toute responsabilité
L'académie de Nantes faisait pour sa part valoir que la directrice avait elle-même été "mise en cause" et "rencontrait des difficultés de management", mais "cette allégation n'est toutefois étayée par aucune pièce du dossier, alors que le recteur ne remet pas en cause la réalité des agissements reprochés à plusieurs enseignants de l'EREA", recadrent les juges.
Et en tout état de cause, un "rapport" d'une inspectrice de l'Education nationale avait permis d'établir que les enseignants de l'EREA montraient "de grandes difficultés à travailler ensemble", que "leurs postures professionnelles interrogeaient" et que "l'autorité de la proviseure était systématiquement critiquée, soit par courriel, soit verbalement". En revanche, il n'évoquait "aucun manquement" de la part de la directrice.
Les services académiques avaient par ailleurs "échangé de manière régulière" avec la cheffe d'établissement, "par téléphone et par courriel". Enfin, le bénéfice de la protection fonctionnelle lui a été accordé "dès le 15 janvier 2021", alors qu'elle l'avait sollicité "le 29 décembre 2020". Au final, "l'administration ne saurait être regardée comme ayant pris des mesures insuffisantes pour soutenir Mme X". "La responsabilité pour faute de l'Etat ne saurait être retenue", en déduisent les juges nantais.
Placement en congés maladie indemnisés
Son "placement en congé maladie" doit toutefois être "regardé comme constituant une conséquence directe des faits de harcèlement moral qu'elle a subis dans l'exercice de ses fonctions". La directrice de l'EREA n'avait donc pas pu bénéficier de "l'indemnité de fonctions, de responsabilités et de résultats" entre janvier et août 2021.
L'État a donc été condamné à lui verser 3.800 € à ce titre. Surtout, son "préjudice moral" sera indemnité à hauteur de 5.000 € : au total, elle s'est donc vue octroyer une somme de 9.100 €. "Les écrits des syndicats ont porté atteinte à son image", avait expliqué à ce sujet son avocate, Me Laura Nioche.