Restrictions, quotas... Le résultat des négociations européennes sur la pêche a été dévoilé ce mercredi 11 décembre. En Pays de la Loire, les pêcheurs et les élus, qui s'attendaient à une catastrophe, sont soulagés. Mais ils restent inquiets pour l'avenir et mitigés face à la méthode.
Chaque année, c'est "la roulette russe", selon François Blanchet, maire de Saint-Gilles-Croix de-Vie. Tous les 15 décembre environ, les pêcheurs français et européens sont suspendus aux résultats des négociations à Bruxelles sur les quotas de pêche. C'est à ce moment-là que sont donnés les derniers arbitrages politiques entre pays membres de l'Union, après discussion avec les scientifiques. Alors que l'inquiétude était à son comble, du fait notamment de l'instabilité politique française, le monde de la pêche "s'en sort plutôt bien" cette fois-ci, du moins au niveau régional, selon l'édile.
Soulagement pour le chinchard et la civelle
"On est contents, parce qu'il y a eu beaucoup d'années où l'on a eu de mauvaises nouvelles. Il faut imaginer que les pêcheurs ont 15 jours pour appliquer les nouveaux quotas, donc ça soulève beaucoup d'inquiétudes." Les pêcheurs de cette ville côtière vendéenne sont spécialisés dans la pêche aux poissons bleus, c'est-à-dire les sardines, les maquereaux, et le chinchard. Ce dernier était interdit de pêche depuis deux ans, mais vient d'obtenir à nouveau une autorisation.
"On demandait la réouverture de la pêche au chinchard, qui représente 500 à 600 000 euros pour Saint-Gilles. On demandait également le maintien des quotas sur la civelle, parce qu'on a 17 bateaux qui en pêchent, mais aussi le maintien des quotas du merlu, du merlan, du bar et de la sole, qui sont quatre espèces emblématiques, et on est globalement satisfaits", poursuit l'élu, qui se rend à Bruxelles pour faire pression sur les négociations chaque année. La civelle, soit l'alevin de l'anguille d'Europe, est pourtant en danger critique d'extinction selon l'Office Français de la Biodiversité, et fait partie de l'annexe I de la CITES, qui comprend les espèces les plus menacées de toutes.
"On nous annonce une catastrophe infernale pour se réjouir d'un demi-résultat"
Les quotas sur la pêche de la langoustine a néanmoins diminué de 25%, et sur le maquereau, la baisse est de 30%. Les décideurs ont pris en compte les alertes environnementales, comme celle du Marine Stewardship Council (MSC), organisme délivrant un label de pêche durable, qui estime que "de nouvelles données scientifiques (...) révèlent une tendance inquiétante à la baisse des stocks de hareng et de maquereau" dans l'Atlantique Nord.
Le lieu jaune sera également considéré comme une "pêche accessoire" en 2025, c'est-à-dire qu'il ne pourra être pêché uniquement qu'avec d'autres espèces, ce qui représente une baisse de rendement conséquente. Là encore, la raréfaction de la ressource dû à sa surpêche a été prise en considération. "On est pas d'accord sur tout, mais à mon sens, on a su préserver l'essentiel", poursuit l'élu vendéen, qui salue Fabrice Loher, ministre de la Mer et de la Pêche, qui, malgré sa démission prochaine, a poursuivi les négociations jusque tard dans la nuit jusqu'à un accord.
"Chaque année, depuis 15 ans, on nous annonce une catastrophe infernale pour se réjouir d'un demi-résultat", nuance tout de même le maire des Sables d'Olonnes, Yannick Moreau. "Rien ne change, comme toutes les autres années, on a des quotas en baisse", ajoute quant à lui José Jouneau, président du comité régional des pêches des Pays de la Loire. "Sur la région, nous avons 130 navires et pour certains, c'est compliqué d'arriver jusqu’au bout de l'année. Il y a des dépôts de bilan. Pour autant, le poisson est là, on le voit, donc on ne comprend pas toujours pourquoi on ne peut pas le pêcher."
Un système de négociations européennes "à bout de souffle"
Au-delà des restrictions, comme l'interdiction temporaire de pêche dans le Golfe de Gascogne visant à
préserver la ressource, qui débutera la 22 janvier 2025 et se terminera le 20 février, les élus dénoncent la méthode. "Je souhaite que soient mises en place des négociations pluriannuelles pour toutes les espèces, afin d’assurer une visibilité et une stabilité accrues pour les pêcheurs", estime quant à lui le député Ensemble pour la République de Vendée, Stéphane Bouchou, présent à Bruxelles. "Ce n'est pas normal de jouer l'avenir d'une pêcherie et de centaines d'armements lors d'une nuit de longues négociations, sans visibilité à long terme", abonde Yannick Moreau.
Les maires des Sables, de Saint-Gilles, ainsi que plusieurs pêcheurs interrogés pointent du doigt le manque de moyens donnés aux scientifiques, notamment de l'Ifremer, chargés de quantifier les espèces de poissons. Tous partagent également la frustration d'être réduits à commenter les défaillances d'un système européen "à bout de souffle" peu lisible pour les pêcheurs artisanaux de la région.