Les maires, les artistes, les prestataires de services... Toutes les parties prenantes des Nuits Romanes 2016 se sont réveillées avec la gueule de bois après l'annonce de la suppression du festival par Alain Rousset, samedi dernier. Une décision qui fait l'objet d'une pétition en ligne sur Internet.
"Au début, je n'ai pas voulu y croire", raconte Jérôme Capdepont, musicien de la compagnie Mohin. Depuis trois ans, les Nuits Romanes étaient devenues un rendez-vous incontournable. Comme nombre d'artistes, le groupe se réservait pour le festival et avait refusé d'autres engagements en prévision. "Fort heureusement, nuance-t-il, nous n'avions qu'une date de prévue cette année mais d'autres n'ont pas eu cette chance". Certaines compagnies avaient même commencé à avancer de l'argent dans leur production en prévision de cet été.Même désarroi chez les associations et les prestataires en charge de l'organisation des spectacles. En tout, une vingtaine de prestataires va devoir faire une croix sur environ 120.000 euros de chiffre d'affaires cet été. Un chiffre colossal qui peut atteindre jusqu'à 30% du chiffre d'affaires de certaines associations, comme l'APMAC, basée à Saintes.
"Du temps et de l'argent perdu"
Mieux, tous avaient consacré un temps infini à répondre à l'appel d'offre : pour pouvoir candidater dans un département, les entreprises devaient réaliser un devis détaillé pour chacune des 42 manifestations programmées. Puis, la région était censée attribuer 10 à 12 spectacles à chaque prestataire d'ici la fin du mois."Du temps perdu et de l'argent perdu", enrage Bruno Gondrecourt, directeur commercial d'Agora, une entreprise spécialisée dans la sonorisation d'événements qui participait au festival depuis 5 ans. "On va relire de près les clauses de notre contrat, il est hors de question que le temps passé à préparer ces 80 dossiers qui trônent sur ma table passent par pertes et profit", prévient-il.
Et cela pourrait n'être que la partie émergée de l'iceberg. "Les boîtes de la région qui comptaient sur les Nuits Romanes pour remplir leur carnet de commande vont se battre sur les marchés restants", craint Bruno Gondrecourt. Selon lui, les effets de cette guerre des prix pourraient se faire ressentir pendant deux ou trois ans.
Un drame pour les petites communes
"Nous sommes tous très déçus de cette décision", abonde le maire de Saint-Savin, Jean-Marie Rousse, qui avait accueilli l'ouverture du festival l'an passé. "Dans de nombreuses petites communes des alentours, les Nuits Romanes étaient la seule manifestation organisée dans l'année", raconte-il. Le festival donnait une occasion unique à ces villages de mettre en valeur le patrimoine qu'elles abritent."Pourquoi une décision si brutale ?", se demandent en substance tous les acteurs concernés par la mort annoncée des Nuits Romanes. "Les Nuits Romanes sont de beaux événements mais cela coûte près de 4 millions d'euros. Etendre cette initiative à la grande région coûterait le triple, voire plus", a expliqué Alain Rousset devant la presse samedi.
Mais l'argument peine à convaincre. "C'est un prétexte", estime Jean-Marie Rousse, "le festival n'a jamais eu vocation à être étendu à la grande région : l'art roman est plutôt propre au Poitou-Charentes". "Cet argument est presque malhonnête. S'apprête-t-on à supprimer les Francofolies sous prétexte qu'on ne peut pas l'étendre à toute la région ?", ajoute le directeur de l'APMAC, Vincent Robert.
Pour lui, l'impératif budgétaire ne justifie pas cette suppression si brutale de l'édition 2016, même après les révélations sur la dérive financière observée sous la précédente mandature : "Que représentent 4 millions sur 450 millions euros de dettes ? Une goutte d'eau !".
Les Nuits Romanes, victimes colatérales de la guerre Rousset-Royal
Pour nos interlocuteurs, les raisons qui ont conduit à l'arrêt des Nuits Romanes sont plus prosaïques. "Il est dommage qu'un tel événement fasse les frais de la guerre entre Alain Rousset et Ségolène Royal", déplore Vincent Robert. La manifestation était devenue au fil des éditions un projet emblématique de l'ex-présidente du Poitou-Charentes.Son annulation n'a donc pas tardé à faire réagir ses proches. Yves Debien, maire de Melle, dont la ville avait clôturé le festival l'an passé, ne mâche pas ses mots. "C'est une catastrophe. Cette décision est incompréhensible et inacceptable"
On essaie de détruire ce qu'a réalisé le Poitou-Charentes"
Yves Debien
Interviewée par France 3 Poitou-Charentes, la vice-présidente chargée de la Culture à la région ALPC, Nathalie Lanzi, s'est défendue en reprenant les propos d'Alain Rousset : "il a dû prendre cette décision la mort dans l'âme. Les révélations de l'audit d'Ernst&Young nous ont obligé à accélérer l'harmonisation de nos politiques régionales. Le président ne reviendra pas sur sa décision". L'élue des Deux-Sèvres a par ailleurs raconté avoir reçu des menaces et des insultes et a appelé au calme.