Selon la commission européenne, la compagnie maritime a perçu trop d'aides au titre de son contrat de desserte publique. Une plainte du concurrent Corsica Ferries est à l'origine de cette affaire.
En cause: les aides d'Etat perçues par la SNCM, non pas pour le service "de base" mais pour le service "complémentaire", couvrant les périodes de pointe pendant la saison touristique. Bruxelles, qui enquêtait à la suite de la plainte déposée en 2007 par le groupe italien Corsica Ferries, le principal concurrent de la SNCM, a jugé que ces aides ne compensaient aucun besoin réel de service public et ont donc procuré un avantage indu à la SNCM par rapport à la concurrence.
L'enquête de la Commission a estimé le montant de ces compensations injustifiées à 220 millions d'euros pour la période 2007-2013. Ces aides doivent par conséquent être restituées aux contribuables, en l'occurrence à la région Corse, dans un délaide quatre mois, soit d'ici fin août.
Les autorités françaises doivent indiquer dans un délai de deux mois à la Commission comment elles comptent récupérer ces subventions, et quelle est la somme exacte qu'elles entendent récupérer, en comptant d'éventuels intérêts.
Il s'agit d'un coup très dur pour la SNCM, en plein marasme financier et dont le chiffre d'affaires en 2012 a avoisiné 300 millions d'euros. La SNCM est confrontée à une âpre concurrence de Corsica Ferries, qui domine le transport de passagers entre le continent et la Corse (60,6% de parts de marché au premier semestre 2012).
Réaction du gouvernement
Le gouvernement français a immédiatement réagi. Dans un communiqué du ministère de l'Economie et des Finances, il estime que le service complémentaire de la SNCM pendant les périodes de pointe "répond à un besoin réel de service public" et "se réserve toutes les voies de droit pour contester la décision" de la Commission.
Le gouvernement "examinera attentivement avec la Collectivité territoriale de Corse et les actionnaires de la SNCM les conséquences de la décision pour la SNCM et ses salariés, en veillant à préserver de façon pérenne l'activité de la société, l'emploi et une desserte maritime de la Corse garantissant le principe de la continuité territoriale essentielle pour la vitalité économique de ce territoire".
La direction de la SNCM a décidé de réagir : "Les voies d'appels et de recours en droit pour contester cette décision de l'Europe existent. Nous allons les saisir avec la plus grande fermeté et la plus grande détermination". Le président du directoire, Marc Dufour, a souligné que ces recours étaient suspensifs et qualifié la décision de Bruxelles d'"incident de parcours".
Les aides maintenues pour la desserte de base
Dans sa décision rendue jeudi, l'exécutif européen reconnaissait que les compensations de service publiques reçues sur la période 2007-2013 par la SNCM et son alliée, la Compagnie Maritime de Navigation (CMN) pour la desserte "de base" entre la Corse et Marseille sont conformes aux règles de l'UE.
En effet, "il est légitime de recourir à des subventions pour compenser le coût du service public de desserte maritime de la Corse, ce qui permet d'atténuer les contraintes liées à l'insularité", expliquait dans un communiqué le commissaire européen chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia.
Au moment où la SNCM doit signer avec l'Etat une nouvelle délégation de service publique pour la période 2014-2020, "c'est une bonne nouvelle pour la pérennité de cette liaison maritime", et "un point de nature à rassurer tous ceux qui craignent pour l'avenir de cette liaison", a souligné au cours d'un point de presse un porte-parole de la Commission, Olivier Bailly.
Mais il s'agit sans doute d'une maigre consolation pour la compagnie maritime, au regard de l'autre décision prise jeudi par la Commission.
D'autres subventions pourraient être réclamées
Sans compter que la Commission ne referme pas le dossier de la SNCM à Bruxelles: l'exécutif européen examine en parallèle un ensemble de mesures de soutien, d'un montant total d'environ 230 millions d'euros, liées à la restructuration et à la privatisation de la compagnie entre 2002 et 2006. Là encore, elle pourrait exiger le remboursement de tout ou partie de cette somme.
Surtout, la nouvelle intervient au moment où salariés et syndicats sont fortement préoccupés pour l'avenir de la compagnie, des inquiétudes alimentées par son changement
d'actionnariat. Veolia Environnement a prévu de reprendre en direct pour un euro symbolique les 66% que détient sa coentreprise de transport Veolia Transdev dans la SNCM d'ici juin. Or, cette "remontée" dans Veolia est fortement contesté par les syndicats, qui craignent notamment l'absence de projet de Veolia pour la compagnie maritime.
Interrogé sur les conséquences de la décision de la Commission sur la pérennité de la SNCM, M. Bailly, a reconnu que "la situation de l'entreprise n'est pas aujourd'hui totalement claire. Il y aura évidemment une décision à prendre de la part de l'entreprise sur le remboursement de cette aide", a-t-il dit, évoquant "plusieurs possibilité", dont "la reprise de l'activité par d'autres entreprises ou la reprise au niveau local de cette activité".