A 74 ans, Jean-Claude Gaudin vient de remporter une écrasante victoire dans sa ville. Fils unique d'un artisan maçon, l'enfant de Mazargues a montré une nouvelle fois son sens politique et ses qualités de stratège hors pair.
"Ma ville, c'est ma vie", n'a de cesse de répéter Jean-Claude Gaudin. Alors déployant toute sa fougue, le vieux lion a sorti les griffes pour défendre son fauteuil de maire de Marseille, coeur d'une vie toute entière consacrée à la politique. Dimanche, il a remporté un 4e mandat, avec un score écrasant de 42,39% des voix lui offrant une large majorité au conseil municipal.
Je ne me suis jamais autant dépensé"
que pour cette campagne, assure l'élu de 74 ans, que l'on a vu toujours plus ragaillardi de meetings en sorties, bonhomme et féroce, achetant du fond de teint à ses colistières, racontant deux ou trois blagues, avant de mordre son adversaire socialiste.
"La politique, c'est son oxygène"
Sénateur (UMP), ancien ministre, homme d'appareil, il aime ce jeu dont il connaît parfaitement les arcanes. "La politique, c'est son oxygène", souligne un proche. Du village marseillais de Mazargues à ce 4e mandat municipal, l'ascension fut remarquable pour ce fils unique d'artisan maçon, servi par un sens de la formule et une mémoire hors pair. Le jeune Jean-Claude aurait pu continuer à enseigner l'histoire au collège Saint-Joseph-les-maristes. Il aurait aussi pu être comédien, disent de vieux amis. Mais en 1953, à 13 ans, il a la révélation dans un meeting de la démocrate-chrétienne Germaine Poinso-Chapuis, première femme ministre de France. Il intègre le Centre national des indépendants où on le charge de recruter des jeunes.Defferre, image de référence
La politique "il a tout consacré à cela", témoigne Roland Blum, son ami depuis 1974 et premier adjoint sortant. "Il avait ce rêve d'être parlementaire. Et puis bien sûr (de conquérir) la mairie", la ville de ses parents. A l'époque, c'était "mission un peu impossible". A 25 ans, en 1965, Gaudin est le benjamin du conseil municipal, dans une coalition socialo-centriste emmenée par Gaston Defferre. Le tournant de sa carrière intervient en 1977 quand Defferre, contraint par l'union de la gauche, doit se défaire de ses alliés locaux de centre droit. Gaudin passe dans l'opposition, devient député en 1978, puis sénateur. Avec toujours en vue une mairie qu'il n'enlèvera qu'en 1995, gardant la même table de bureau que Defferre, rehaussée. "Né à Marseille, il avait une image de référence, Gaston Defferre", relève le socialiste Michel Pezet. "Ah si moi aussi je pouvais être là!", pensait-il très fort, ajoute l'élu. Et "il est aujourd'hui l'homme le plus célèbre ici !".J'aurais pu être ministre plusieurs fois, je l'ai été une fois, ça ne m'a pas plu"
dit l'intéressé, qui occupe le portefeuille de la Ville en 1995-97, mais préfère le parlement ou les coulisses de l'UMP.
Pragmatique
En 1986, M. Gaudin s'allie au FN pour co-gérer la région Paca, pendant six ans. "Il déteste qu'on évoque cet épisode", relève Michel Pezet, alorsprésident sortant de la Région.
C'est peut-être ça l'épisode qui sur le plan personnel a laissé... non pas des regrets, mais aujourd'hui il ne l'aborderait plus comme ça"
avance son collaborateur, le secrétaire général de la mairie, Jean-Claude Gondard.
Un accord choc avec Guérini
En 2014, Gaudin a choisi parmi ses alliés une proche de l'ex-baron PS local Jean-Noël Guérini, un accord-choc annoncé avec un sourire gourmand.Pragmatique, ce catholique libéral l'est aussi dans sa politique. Désormais favorable au projet de métropole porté par le gouvernement PS, ou à l'édification d'un casino auquel il était opposé. Ses opposants l'accusent de "manquer de vision", il assure avoir "changé" Marseille, promet un téléphérique, une "cité de la mer", des emplois. A Marseille, le maire ne doit être "ni de droite ni de gauche mais po-pu-laire", énonce-t-il, de son phrasé méridional. Silhouette massive en costume croisé, il aime aller au contact.
Quand il se promène dans la rue (en voiture), il descend la vitre, et je vois bien ce qu'il fait : il voit si les gens lui disent bonjour, s'il est aimé"
raconte Jean-Claude Gondard.
Une dureté derrière l'allure débonnaire
Mais derrière l'allure débonnaire et les bons mots, parfois pointent les piques dont ses partisans ne sont pas les derniers à faire les frais. "Avec Jean-Claude, j'ai passé 20 ans de rêve et d'enfer", témoigne son ancien dauphin, Renaud Muselier.En 2017, quand devra s'appliquer une loi sur le cumul des mandats qu'il réprouve, le sénateur assure qu'il choisira sa ville : "Je resterai maire de Marseille". Les prétendants à sa succession, ces hommes qu'à droite il dit avoir "tous faits", devront patienter.Il est attachant, c'est un grand professionnel, et à côté de ça, dès que vous baissez la garde, à cause de l'affection que vous lui portez naturellement, il vous bouffe dans la seconde".