La justice réexamine l'extradition du Kazakh Abliazov

La chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait donné son feu vert à l'extradition de Moukhtar Abliazov, oligarque et opposant kazakh arrêté sur la Côte d'Azur. Jeudi, la justice française se penche de nouveau sur cette affaire complexe.

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Scandale financier ou cabale politique? La justice française réexamine jeudi les demandes d'extradition de Moukhtar Abliazov, oligarque et opposant kazakh arrêté sur la Côte d'Azur, que l'Ukraine et la Russie accusent
d'avoir détourné des milliards de dollars.

En janvier, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait donné son feu vert à l'extradition de cet homme de 51 ans, arrêté le 31 juillet 2013 dans une villa de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes).
Après quatre ans de traque rocambolesque par un détective privé britannique, ancien nageur de combat des services secrets de sa Majesté, comme l'a raconté cet été Vanity Fair.
Mais cette décision a été cassée en avril, pour un problème de composition de la cour, et l'affaire renvoyée dans le Rhône.
Au coeur de l'affaire, la première banque kazakhe, BTA, dont M. Abliazov était le PDG avant sa nationalisation en février 2009. On l'accuse alors d'avoir détourné des milliards de dollars via des prêts frauduleux et une multitude de sociétés offshore.
Le dirigeant s'exile au Royaume-Uni où il obtient l'asile politique, tandis qu'une dizaine de plaintes civiles sont déposées à son encontre devant la Haute Cour de Londres. Son passeport est confisqué et ses actifs gelés.
Le 15 février 2012, Abliazov quitte clandestinement l'Angleterre. Le lendemain, la justice britannique le condamne à 22 mois de prison ferme pour outrage. Près de 18 mois plus tard, fiché par Interpol, il est interpellé dans l'arrière-pays cannois par la police française - renseignée par les détectives anglais que BTA a payés pour le retrouver.
En août 2013, l'Ukraine et la Russie, théâtre des fraudes financières présumées, réclament à la France son extradition. Qui ne peut se faire vers le Kazakhstan, faute de convention avec ce pays et compte tenu du statut de réfugié de M. Abliazov en Grande-Bretagne. Pour la défense cependant, Kiev et Moscou ne sont que des faux-nez
d'Astana et M. Abliazov jouera sa vie, où qu'il aille.

Un trou estimé à 16 milliards de dollars 


Brillant homme d'affaires devenu ministre à la fin des années 90, il s'oppose ensuite au tout-puissant président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, ce qui lui vaut la prison au début des années 2000. Il s'exile en Russie en 2003 et revient au Kazakhstan en 2005 pour diriger sa banque BTA, dont il veut faire le HSBC de la région en profitant des richesses du pays, très convoitées.
Sa réussite fait des jaloux au sommet du pouvoir, qui réclame sa part du gâteau, selon lui. Le conflit culmine début 2009: BTA, au bord de la faillite, passe sous contrôle de l'Etat. Par nécessité face à l'ampleur des malversations, affirment les avocats de la banque, soulignant que les condamnations déjà obtenues à Londres portent sur quatre milliards de dollars - sur une perte comptable évaluée à 16 milliards au total (12 milliards d'euros).
Les magistrats lyonnais doivent trancher cet épineux dossier sans se prononcer sur le fond des accusations, comme le veut la procédure. Il y a huit mois, leurs collègues d'Aix avaient estimé que l'Ukraine et la Russie apportaient toutes les garanties nécessaires quant au sort, judiciaire et carcéral, qui serait réservé à M. Abliazov en cas d'extradition.
Depuis, l'affaire s'est envenimée, la défense mettant en cause l'intégrité des magistrats aixois sur fond de soupçons d'espionnage, de batailles d'avocats et de guerre de communication. Plusieurs demandes ou tentatives d'extradition de co-accusés ou de proches d'Abliazov, vers la Russie, l'Ukraine ou le Kazakhstan, ont dans le même temps échoué en Autriche, en République tchèque, au Royaume-Uni, en Espagne, en Pologne et en Italie.
La défense n'en attend pas moins de la France. La semaine dernière, le parquet général de Lyon s'est toutefois prononcé en faveur de l'extradition d'un ancien ministre de la région de Moscou que réclame aussi la Russie.
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