Deux journalistes qui suivaient des militants écologistes lors d'une action de blocage dans les Alpes de Haute-Provence ont été convoqués par les gendarmes. Ils risquent une amende allant jusqu'à 750€.
Le 18 octobre dernier, des militants d'Extinction Rebellion (XR) s'enchaînent à des engins de chantier, sur le site de la montagne de Lure, où une centrale solaire est en construction. Ils dénoncent la destruction de 17 hectares de forêt.
Deux journalistes suivent cette action pour le média Reporterre. Les gendarmes arrivent sur le site en milieu de matinée et contrôlent l'identité des personnes qui s'y trouvent, en précisant qu'elles seront ensuite convoquées à la gendarmerie. "Nous avons fait valoir notre qualité de journaliste et la liberté d'informer", précise Pierre Isnard-Dupuy, l'un des deux journalistes, auteur du reportage écrit.
Le 8 novembre, il est convoqué, avec son confrère photojournaliste à la gendarmerie de Saint-Etienne-les-Orgues (Alpes-de-Haute-Provence).
La menace d'une amende
"Depuis la loi du 2 février 2023, toute personne ayant pénétré "de manière non autorisée dans une propriété privée rurale ou forestière" est passible d’une amende allant jusqu’à 750 euros. C’est en vertu de cette loi que nos journalistes ont été convoqués", précise un communiqué conjoint de Reporterre et du collectif de journalistes indépendants Presse-Papiers, dont Pierre Isnard-Dupuy est membre.
Pour l'heure, les deux reporters ignorent s'ils seront poursuivis ou s'ils seront condamnés à payer une amende. "Mais cela nous paraît être une intimidation qui n'est pas acceptable, explique le journaliste. Cette convocation peut avoir des conséquences sur les autres journalistes, qui pourraient ne pas aller au plus près des faits, sur les terrains de mobilisation."
Une menace pour les journalistes indépendants ?
La rédaction de Reporterre prend en charge les frais liés à cette procédure, mais Pierre Isnard-Dupuy le rappelle, tous les journalistes indépendants ne sont pas dans le même cas. "Nous n'avons pas toujours la certitude d'avoir des rédactions qui nous soutiennent. Parfois, on va explorer des sujets sans avoir de commande."
Lorsque France 3 Provence-Alpes l'appelle, Pierre Isnard-Dupuy est de retour sur le terrain, malgré "l'épée de Damoclès" que fait peser sur son confrère et lui une possible condamnation.
"Le fond de cette affaire, dit-il, c'est une entrave à être au plus près des faits qui se déroulent. Cela ne concerne pas que les journalistes. On a atteint aussi la qualité de l'information, qui concerne l'ensemble des citoyennes et citoyens de ce pays. C'est un enjeu démocratique."
En septembre dernier, une autre journaliste du collectif marseillais Presse-Papier, Ariane Lavrilleux, a été placée deux jours en garde à vue, son domicile a été perquisitionné, à la suite d'une enquête sur une opération des renseignements français en Égypte.