Le charançon rouge est un ravageur qui s'attaque depuis de nombreuses années à,l'un des symboles de la Côte d'Azur : le palmier. Plusieurs méthodes existent : chimique, biologique et intégrée. Tour d'horizon des acteurs du domaine en la matière et de solutions.
C'est un problème concernant pour la majorité des villes du littoral de la Côte d'Azur et les particuliers qui ont des jardins (et donc des palmiers).
Depuis 2006, le charançon est arrivé dans le Var puis dans les Alpes-Maritimes, progressivement, il s'est attaqué aux palmiers de toutes les villes, décimant les plus beaux spécimens. Cet insecte, le Rhynchophorus ferrugineus entre dans le tronc du palmier (qui s'appelle le stipe) et y pond ses œufs qui deviendront des larves, des centaines d'insectes peuvent s'y trouver.
On assiste alors à des palmiers, morts, sans tête, qui deviennent même dangereux, car ils risquent de tomber, leurs palmes séchées aussi créant des dégâts.
Oui, mais voilà, le palmier est une espèce emblématique certes, mais non endémique de la région, c'est un arbre ornemental et il n'y avait pas de solution toute faite. En 2014 nous avions consacré une série de reportages sur le sujet.
Depuis, la lutte contre le charançon est obligatoire et encadrée par arrêté.
L'efficacité de l'insecticide chimique
La ville de Hyères avait pris très tôt le problème au sérieux et avait tenté de traiter par endo-thérapie (injection de traitement au cœur du palmier). Ce traitement, chimique, s'est aujourd'hui largement répandu. Il faut dire qu'il est réputé efficace et moins cher que les traitements biologiques.
Ce traitement chimique, l'émamectine benzoat, doit être renouvelé tous les ans. Il a été qualifié (pour simplifier) de vaccin du palmier, en réalité, il ne fonctionne pas comme un vaccin, mais bien comme un traitement.
La ville du Cannet dans les Alpes-Maritimes utilise cette méthode pour les palmiers de la ville, en 2024, près de 150 palmiers ont ainsi été traités (donc préservés) et les services communaux se disent satisfaits : "nous sensibilisons la population pour que chaque particulier fasse traiter son ou ses palmiers, plus nous traitons, plus nous nous protégerons".
En plus du traitement chimique, la commune utilise le système de pièges à phéromone. Preuve de l'efficacité de la méthode selon Marc Occelli l'adjoint délégué au cadre de vie de la ville du Cannet, le nombre de piégeages a diminué de 50 % en 2024.
Une vue de l'esprit ?
Pour Robert Castellana, auteur de plusieurs publications sur le sujet, ce n'est pas une si grande réussite.
Le sociologue, responsable du projet Phoenix, déplore le fait que ce soit des traitements chimiques, mais surtout, il prône la lutte intégrée : "En premier lieu, s'il y a moins de charançons c'est qu'il y a malheureusement beaucoup moins de palmiers, de nombreux spécimens (les plus beaux, les plus gros, sont déjà morts) ensuite ce qui est important, c'est de recenser l'intégralité des arbres et de surveiller le moindre signe pour agir dès le départ. Ainsi, c'est la base de la lutte intégrée, il faut utiliser plusieurs méthodes combinées et privilégier les méthodes biologiques."
Toujours est-il que de nombreuses communes comme Tourette-sur-loup propose des tarifs préférentiels pour ce traitement chimique. Les commandes groupées permettent de négocier les tarifs et de les réduire de moitié, voire plus.
Retour d'expérience et modèle à suivre ?
La communauté d'agglomération Estérel Côte d'Azur, comprenant cinq communes dont Fréjus et Saint-Raphaël, est une pionnière en la matière. Elle applique justement ce modèle de lutte intégrée. Depuis 2016, elle a pris des mesures d'ampleurs pour sauver ses palmiers : " sur le territoire, nous avons un palmier public pour 10 palmiers privés. Il fallait donc un plan global que nous avons articulé autour de trois axes pour sauver nos 16 000 palmiers" explique Fabien Walicki chef de service lutte contre les nuisibles.
La communauté d'agglomération a testé toutes les méthodes et a privilégié un plan financièrement admissible par les particuliers et efficace. Elle aussi a choisi d'utiliser en partie le Benzoate qui est injecté au cœur du palmier, ainsi 6 000 palmiers sont traités chaque année avec un coût pour les particuliers de 80 euros par an par palmier.
L'avantage, c'est qu'un palmier traité est un palmier qui devient un piège. L'insecte vient y pondre, mais les larves meurent à cause du produit qu'elles ingèrent.
Fabien Walicki, chef de service lutte contre les nuisibles.à France 3 Côte d'Azur
À ce premier axe, vient s'ajouter la technique des pièges à phéromones. D'une vingtaine, la communauté d'agglomération est passée à 1050 pièges. Une cinquantaine d'entre eux serve de panel tests pour analyser la population des charançons, ils sont relevés tous les mois et on voit sur ce graphique que la population a drastiquement baissé.
Les données donnent les chiffres pour les mois d'août à octobre qui représente le pic de présence des charançons.
D'environ 35 en moyenne en 2016, le chiffre tombe à 2-3 aujourd'hui.
Le troisième volet est un aspect de veille sanitaire. Le service effectue des tournées régulières pour analyser le moindre signe d'attaques : "on se rapproche alors des propriétaires pour les accompagner, car c'est obligatoire de traiter un palmier malade. Pour reconnaître les signes, on peut voir des palmes asymétriques, cisaillées ou qui commence à s'affaisser. Avec ces mesures on a gagné une bataille, mais on reste vigilant car le charançon est toujours là, contenu" conclu l'expert.
La lutte biologique, un espoir 100 % bio et accessible
Une arme biologique a été testée, les chercheurs ne sont pas encore unanimes sur la question. À Nice, le champignon Beauveria Bassiana a été testé en 2022, il éradique le coléoptère en quelques jours seulement. Mais est-ce la méthode d'administration employée ou le champignon en lui-même, les résultats ne sont pas uniformes, difficile de dire si c'est à 100% efficace.
Dans la lutte biologique, un auxiliaire commence à être bien connu des acteurs concernés par cette bataille, le nématode. Il est classé par l'ANSES comme un moyen de lutte préventif et curatif classé respectivement 3 et 2,5 sur une échelle de 5. Le principal problème de ces petits organismes parasites, c'est que le traitement doit être renouvelé très régulièrement, toutes les trois semaines, ce qui fait monter le coût à l'année jusqu'à 250 euros.
La solution pourrait venir d'un ultime allié, un autre auxiliaire découvert par une chercheuse de l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), Elisabeth Tabone est ingénieure, elle travaille sur plusieurs ravageurs dont deux qui s'attaquent aux palmiers : un papillon et le charançon : "en lutte bio comme en lutte chimique d'ailleurs, il n’y a pas d’éradication, le but, c'est de contrôler le ravageur. Pour le papillon palmivore, Paysandisia archon très présent dans la région, j'ai travaillé pour trouver un auxiliaire et mettre au point sa méthode d'utilisation, on a trouvé un prédateur parasitoïde qui est actuellement en phase de commercialisation. Pour le charançon, on a exclu les parasitoïdes, les œufs sont bien protégés, on a opté pour un petit prédateur qui peut se faufiler et trouver les œufs et les jeunes larves du ravageur. Nos résultats sont concluants en laboratoire, il faudrait pouvoir passer à la phase de test sur le terrain, mais pour cela, il faut trouver des partenaires".
La chercheuse va publier ses travaux dans des revues scientifiques et se porte volontaire pour accompagner les acteurs qui seraient désireux de développer un traitement de lutte biologique qui se ferait sous forme de lâcher d'insecte comme on lâche des coccinelles sur les cultures.
Un dernier espoir pour préserver l'un des emblèmes de la Côte d'Azur, présent jusque sur le blason de la ville de Cannes.