Les rotifères bdelloïdes, petits invertébrés aux incroyables capacités de survie, surprend aujourd'hui par son mode de reproduction. Des chercheurs de Sophia réunis en consortium affirment qu'ils se reproduisent de manière exclusivement asexuée depuis des dizaines de millions d’années.
Dans le cadre d’un consortium international codirigé par le CEA-Genoscope et l’Université de Namur, le génome d’un rotifère bdelloïde, animal microscopique aux capacités de survie et de reproduction surprenantes et controversées, vient d'être séquencé puis analysé.Les résultats de cette étude, à laquelle ont également participé l'Inra, l'UNS et le CNRS à travers l'Institut Sophia Agrobiotech basé à Sophia Antipolis, viennent confirmer les données biologiques et paléontologiques suggérant que les rotifères bdelloïdes se reproduisent de manière exclusivement asexuée depuis des dizaines de millions d’années.
Ce « scandale évolutif », considéré jusqu’à présent avec scepticisme par une partie de la communauté scientifique, est maintenant expliqué : l’analyse de ce génome révèle une structure incompatible avec la reproduction sexuée ainsi que des mécanismes permettant d’éviter les conséquences génétiques néfastes de l’asexualité.
Ces résultats sont publiés sur le site de Nature.
Les bdelloïdes sont présents sur toute la surface du globe depuis quelques dizaines de millions d'années. Au sujet de leur reproduction, la communauté scientifique se divisait. Il semblait que ces petits invertébrés ne comportaient que des femelles, se reproduisant sans passer par la case fécondation (reproduction dite donc asexuée).
Chez les chercheurs, il y avait ceux qui étaient persuadés qu'une reproduction exclusivement asexuée était impossible, considérant que des mâles ne devaient pas être bien loin... et ceux enclins à admettre que le sexe n'était pas indispensable pour survivre, mais cela sans preuve !
Pour tous, les rotifères bdelloïdes, qualifiés de « scandale évolutif », étaient devenus une énigme gênante.
La reproduction asexuée est souvent considérée comme une impasse évolutive. En effet, ce mode de reproduction est censé entraîner au fil des générations une accumulation de mutations délétères conduisant de manière inévitable à l’extinction de l’espèce.
L’analyse du génome du rotifère bdelloïde Adineta vaga a permis de prouver qu’il est incapable de reproduction sexuée. En effet, cette dernière implique que les chromosomes homologues, provenant des deux parents, portent des gènes dans le même ordre.
Or les chercheurs ont découvert que les gènes de cet animal existent bien en deux copies mais dans des ordres différents, et parfois même sur un seul et même chromosome : il n’existe donc pas de chromosome homologue comme dans le cas des espèces animales séquencées jusqu’alors.
Une telle organisation ne permet pas la formation de gamètes (cellules sexuelles impliquées dans la reproduction), or sans gamètes, pas de reproduction sexuée.
« En démontrant que le génome de ces organismes est incapable de produire des gamètes, on clôt enfin le débat : les bdelloïdes sont bel et bien asexués », se félicite Jean-François Flot, en charge de l'étude.
Cette étude suggère aussi que les scientifiques peuvent maintenant déterminer si une espèce est sexuée ou non en analysant la structure de son génome.
Si les rotifères bdelloïdes ont été capables de survivre sans reproduction sexuée pendant des millions d’années, il est probable qu’ils ne soient pas les seuls animaux dans cette situation.
Ainsi cette étude remet en cause l’idée communément admise selon laquelle la reproduction sexuée est indispensable aux espèces animales pour se perpétuer. Elle montre également que l’asexualité est aussi une stratégie évolutive viable sur le long terme pour certaines espèces animales.
ADINETA VAGA, LE ROTIFÈRE BDELLOÏDE QUI FAIT SCANDALE
Les rotifères bdelloïdes se trouvent en abondance sur toute la surface du globe (principalement dans les milieux humides).
Après dessèchement complet ou exposition à des doses énormes de radiations, ils sont capables de réparer leur ADN puis de reprendre une activité métabolique normale.
Par ailleurs, les données biologiques et paléontologiques suggèrent qu’ils se reproduisent de manière exclusivement asexuée depuis des dizaines de millions d’années, un « scandale évolutif » allant à l’encontre des idées reçues mais démontré par les auteurs de la présente étude.