Exfiltrer le conjoint violent du domicile familial : un foyer d'accueil en projet à Menton

Lors de violences conjugales, c'est souvent à la victime de quitter le domicile familial. Mais certaines structures existent en partant du postulat inverse : c'est au conjoint violent d'être exfiltré. Un tel "foyer" devrait voir le jour cette année à Menton.

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Les violences faites aux femmes, dans les Alpes-Maritimes, sont tout aussi réelles que dans le reste du territoire français. Les chiffres départementaux l'attestent : en 2022, 12 femmes sur 1.000 âgées de 15 à 64 ans ont été victimes de violences conjugales, contre 9,4 pour 1.000 au niveau national.

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En 2023, 3.524 plaintes ont été déposées auprès de la police nationale et de la gendarmerie. Concernant l’hébergement d’urgence, 223 femmes victimes de violences ont été prises en charge en 2023, contre 264 en 2022, soit une baisse de 15.53%.

Exfiltrer l'auteur de violences conjugales

Face à ce constat, l'une des solutions est d'éloigner la personne violente du domicile conjugal. Une volonté, clairement exprimée par Yves Juhel, le maire de Menton, à l'occasion de la cérémonie des vœux, vendredi 10 janvier dernier (à partir de 43'40").

Yves Juhel, le maire de Menton, lors de ses vœux à la population, le vendredi 10 janvier 2025. © Cyril DODERGNY/Nice Matin/MaxPPP

Lors de cette allocution, le premier élu mentonnais a tenu ces propos : "nous souhaitons faire de Menton un exemple dans la lutte contre les violences intrafamiliales. [...] Donc, au mois de novembre de cette année (2025, NDLR) des travaux vont débuter, au-dessous de l’ancien hôtel 'Chouchou', près de la gare SNCF".

On va créer un foyer d’éviction des auteurs de violences conjugales.

Yves Juhel, maire de Menton

lors de ses vœux à la population

Le maire mentonnais poursuit : "ce lieu va permettre, rapidement, au conjoint violent, de le mettre hors du domicile conjugal, parce que ce n’est pas normal que la femme battue ait la double peine et que ce soit à elle de quitter le domicile conjugal".

Dix hébergements d'urgence, cette fois à destination des victimes, sont également prévus pour début 2026.

L'avis d'une spécialiste

Carole Tibert est une thérapeute qui a longtemps exercé à Menton. Selon elle, "cette initiative peut être vraiment positive, mais seulement à certaines conditions".

"Cette structure peut, dans un premier temps, pour les auteurs de violences, leur permettre une réelle prise de conscience des faits de violences conjugales qu'ils ont commis", précise la psycho-analyste clinicienne, spécialisée dans l'accompagnement des femmes qui sont dans une relation de couple souffrante, voire toxique.

Cela peut être très positif si, et seulement si, la prise de conscience est bien réelle et non feinte. Si il y a un vrai suivi et si, enfin, la volonté de changer est avérée.

Carole Tibert, psycho-analyste clinicienne

à France 3 Côte d'Azur

Autre atout : faire office de rappel à la loi. "Verbaliser ce qui est autorisé ou pas, c’est loin d’être négligeable, aussi curieux que cela puisse paraître !"

Du côté des victimes

Quant aux victimes, le but de ce foyer est de les "éloigner de leur bourreau, de souffler, de ne plus se sentir en insécurité permanente", poursuit Carole Tibert.

Souvent, dans ces situations, les femmes qui sont victimes pensent que ce qui leur arrive est de leur faute. Alors, le fait que leur conjoint soit reconnu par une institution comme un bourreau leur permet de prendre conscience que ce sont, elles, les victimes.

Carole Tibert, psycho-analyste clinicienne

à France 3 Côte d'Azur

"De la sorte, elles peuvent se repositionner dans leur existence en tant que telle", poursuit la thérapeute. "Cela leur fait prendre conscience également que ce n’est pas à elles de réparer leur conjoint violent. Cette structure, entre autres, est faite pour ça."

Le CCAS de Roquebrune-Cap-Martin à la pointe du sujet

Comme l'a souligné le maire de Menton, "le foyer d’éviction des auteurs de violences conjugales se fera en liaison avec les services sociaux du CCAS de Roquebrune-Cap-Martin, en pointe sur ce sujet".

Créé en 2023, le réseau de la Riviera française de lutte contre les violences intrafamiliales (VIF), piloté par le CCAS de Roquebrune-Cap-Martin, a permis de fédérer 130 partenaires, parmi lesquels des institutions comme l’Agence régionale de santé Paca, le Centre hospitalier princesse Grâce, la police nationale, de nombreuses associations locales et des établissements éducatifs.

C'est ainsi que des groupes de travail ont été mis en place pour renforcer les mesures de lutte contre les violences intrafamiliales dans le cadre du plan territorial de prévention de la délinquance 2024-2026.

L'objectif du réseau est d’harmoniser la prise en charge des victimes, de faciliter leur accès aux structures d’aide et de fournir des outils de sensibilisation à la population. Le réseau réunit des professionnels formés par le CIDFF ayant adhéré à une charte d’engagement.

Depuis sa mise en place, ce réseau a déjà permis de constater une baisse des plaintes pour violences intrafamiliales, depuis un an, à Roquebrune-Cap-Martin. Une diminution qui peut s’expliquer par une meilleure coordination entre les partenaires et une réponse plus rapide et adaptée aux situations d’urgence.

Les Hauts-de-France pionnières en la matière

Bien qu’avant-gardiste, cette volonté de la municipalité de Menton n’est pas unique en France. Ce type de structure a été créé pour la première fois en 2008, à Arras, dans le département du Pas-de-Calais.

À l'image de "La maison des Rosati", qui héberge en permanence huit hommes pour des séjours de trois semaines à plusieurs mois.

Une des chambres du Centre d’accompagnement et de prévention, situé à Lille. © Frederik GILTAY/FTV

Poursuivant cette idée, le 21 mars 2022, un autre centre d'hébergement pour conjoints violents a été inauguré à Lille sous l’impulsion de Lille Métropole Habitat, du parquet de Lille et du service de contrôle judiciaire et d’enquêtes. Une équipe de 8 personnes, avec 2 psychologues, 3 travailleurs sociaux et 3 contrôleurs judiciaires, y assure un suivi psychologique et judiciaire et un accompagnement social durant une période d’au moins 6 semaines.

Ce Centre d'accompagnement et de prévention (CAP) ne concerne pas les auteurs de violences condamnés, mais des personnes sous le coup d’une éviction du domicile dans l'attente de leur jugement. Elles sont placées dans ce centre par le juge des libertés et de la détention quand elles sont dans l’incapacité d’être logées par de la famille ou un tiers.

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