Un an après l'assassinat du professeur d'histoire-géographie dans les Yvelines, des hommages lui sont rendus dans toute la France. A Nice, Grasse ou encore Antibes, les élèves et les enseignants se sont mobilisés pour saluer la mémoire de Samuel Paty.
Un an après le drame, l'émotion est toujours aussi palpable. Le vendredi 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie dans un collège, a été assassiné près de son établissement après les cours, à Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines.
Quelques jours avant qu'il ne soit retrouvé décapité dans la rue, le professeur avait montré des caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo à une classe de 4e. C'est après avoir entendu parlé de cela et de la colère que ça avait provoqué chez un parent d'élève sur les réseaux sociaux qu'Abdoullakh Anzorov, un jeune homme d'origine tchétchène né en 2002 à Moscou, s'est fait conduire à Conflans-Sainte-Honorine et a commis cet assassinat. L'auteur du crime a ensuite été abattu par la police.
Les élèves impliqués dans les hommages
L'assassinat de Samuel Paty a provoqué un bouleversement manifeste au sein de l'ensemble des établissements scolaires en France, pour les professeurs comme pour les élèves. C'est pourquoi, un an après, ils se sont alliés pour rendre hommage à cet enseignant qu'ils n'ont pas connu.
Des élèves du collège Henri Matisse de Nice étaient présents à l'hommage rendu au rectorat ce vendredi matin. A leurs côtés, des élus locaux et différents représentants des cultes ont assisté à cette cérémonie animée par et pour les élèves du collège. Des élèves ont lu le poème Liberté de Paul Eluard et la "Lettre à mon instituteur" écrite par Albert Camus. Ils ont également chanté la Marseillaise.
Une plaque au nom de Samuel Paty a également été dévoilée. "Cet assassinat a été un électrochoc pour toute notre communauté éducative et il y a encore forcément énormément d'émotions parmi nos personnels", a déclaré Richard Laganier, recteur de l'académie de Nice, au micro de France 3 Côte d'Azur.
Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur, mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève.
Extrait de la "Lettre à mon instituteur" d'Albert Camus
Au collège de la Fontonne, à Antibes, est affichée une fresque peinte par le street artiste Jérémy Besset. Cette œuvre nommée "Liberté" montre une carte de la France sur laquelle figure en bleu, blanc et rouge les valeurs de la République, avec inscrit en gros caractère le mot "Liberté". Pendant cette journée d'hommage, les élèves du collège, comme partout en France, ont entendu la voix de Robert Badinter qui définit la laïcité :
La laïcité dans notre République, c'est d'abord l'expression de notre liberté, de pratiquer la religion de son choix ou de n'en pratiquer aucune, selon sa conviction.
Robert Badinter
Certains élèves ont fait ressortir leurs âmes d'artistes pour honorer le professeur. A Grasse, au lycée professionnel Léon Chiris, spécialisé dans les métiers du bâtiment, des élèves ont écrit un rap qui mêle émotion et rythme avec force. "C'était un professeur, un simple professeur / Qui aimait son métier, qui comptait pas ses heures / Un professeur dont le seul labeur / Était la transmission de nos simples valeurs...", débutent-ils. Pour terminer en chœur avec leurs camarades : "Pour un dessin, une vie bascule / Je suis Samuel Paty / On restera pas dans nos bulles / On gagnera cette partie".
Dans le Var, au collège Geneviève De Gaulle-Antohonioz, les élèves ont imaginé une pièce de monnaie à l'effigie de Samuel Paty avec l'aide de Nadine Amate, une artiste de Cogolin. Du côté du collège Roland-Garros à Nice, on a opté pour un hommage visuel aussi, avec une belle photo sur laquelle est écrit "Liberté".
Une minute de silence pour ouvrir un dialogue
Au lycée Carnot à Cannes, celui du Golfe de Saint-Tropez ou encore au lycée Paul Valéry à Menton, l'hommage était plus solennel avec des discours, des applaudissements et une minute de silence.
Même dans les écoles primaire, une minute de silence a pu être observée. C'était notamment le cas à l'école Rothschild 2 à Nice. Pour Geoffrey Hughes, directeur de l'école, ces hommages sont un moyen, en plus de faire honneur au professeur défunt, de permettre aux élèves et aux professeurs d'ouvrir un dialogue sur la question de cet assassinat, de la laïcité, des valeurs de la République transmises par l'école.
"On a des élèves qui ont réalisé que leur enseignant était quelqu'un de potentiellement fragile, qui pouvait être atteint simplement pour des valeurs qu'il transmet. C'est quelque chose qu'ils sont capables de réaliser, de comprendre, explique-t-il à France 3 Côte d'Azur. C'est à nous aussi de les accompagner dans cette démarche pour mettre un peu de distance et qu'ils puissent ne pas en être traumatisés."
Pour le professeur Hassan El Jazouli, qui enseigne l'histoire-géographie au collège de la Fontonne à Antibes, ces hommages permettent "d'expliquer les faits aux élèves". Il poursuit : "Cela nous permet aussi de revenir sur notre métier, à quoi sert l'école. Le sens de l'école, c'est important."
Pour participer à cet effort des professeurs, la ville de Nice propose désormais un catalogue d'activités pour découvrir la vie de la cité et créer du lien. Pierre Fiori, conseiller municipal, subdélégué à la citoyenneté à l'école précise : "C'est avec la mobilisation de tous ceux qui entourent les enfants, que l'on arrivera à essayer d'éviter que ce type de tragédie se reproduise."