Pour cette transaction, elle avait touché 3 millions de francs (457.347 euros), une somme versée sur un compte joint à son nom et à celui de son amant, Maurice Agnelet, à Genève. Après la disparition d'Agnès, le week-end de la Toussaint 1977, l'argent avait été retrouvé sur un compte au seul nom de Maurice Agnelet, détournement pour lequel il a été condamné.
"Jean-Dominique Fratoni voulait arriver à ses fins, se constituer un empire de casinos", a témoigné à la barre Jean-Paul Lambert, qui a enquêté sur l'aspect financier du dossier et rappelé un événement "un baronnage" arrivé au casino de Menton, sur la Côte d'Azur.
En 1975, "il y a eu un baronnage à Menton, c'est-à-dire que trois personnes ont joué avec la complicité de croupiers", raconte à la barre M. Lambert. "Ils ont joué jusqu'à ce que le casino engage son fond de roulement. Un proche de Jean-Dominique Fratoni a alors téléphoné au directeur, pour dire +je vous apporte la somme+" en contrepartie "du transfert immédiat" de la propriété du casino. C'est comme ça qu'il (Fratoni, NDLR) est a pris le contrôle du casino de Menton".
Quelque temps plus tard, "les trois personnes ont été exécutées", poursuit M. Lambert.
Me François Saint-Pierre, avocat de Maurice Agnelet, saisit la perche : "Au cours des débats, la guerre des casinos a été évoquée". M. Lambert lui répond que dans le milieu financier, "la brutalité est forte, y' a pas de cadeau". Mais "je ne dis pas que Fratoni est le commanditaire de l'opération de baronnage","je ne dis pas que Fratoni est à l'origine des meurtres", précise bien M. Lambert.
- Agnès Le Roux a mystérieusement disparu le week-end de la Toussaint 1977. Elle n'a jamais été revue depuis et le véhicule à bord duquel elle devait se rendre dans l'arrière-pays niçois n'a jamais été retrouvé.
'C'est pas drôle'
"C'est la troisième fois que je t'appelle, tu charries un peu", dit son frère Jean-Charles; "c'est encore Colombe, je m'épuise à t'appeler, sois gentille téléphone-moi", "tu n'as pas le doit de me laisser sans nouvelles" lance une femme; "c'est pas drôle du tout, j'aimerais beaucoup que tu me donnes juste un petit signe de vie", insiste encore Jean-Charles.
Les jurés ont aussi pu entendre la voix, presqu'enfantine, de la jeune femme, lors de brefs échanges avec son amant.
Plus glaçant, l'enregistrement, réalisé par Agnelet lui-même, de son appel aux urgences début octobre 1977, à la deuxième tentative de suicide d'Agnès. Alors qu'on entend les cris de la jeune femme, qui subit un lavage d'estomac, Agnelet constate froidement : "c'est elle qu'on entend".
Un étonnant sang-froid que ne manque pas de relever le président de la cour d'assises, tandis que l'accusé, invité à réagir, a la voix cassée.
"Vous manifestez aujourd'hui de l'émotion. Sur l'enregistrement il n'y a pas beaucoup d'émotion dans votre voix", note le président.
- Maurice Agnelet, acquitté en 2006, a été condamné en appel en 2007 à 20 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de sa maîtresse. Son troisième procès intervient après une décision de la justice européenne qui a estimé qu'il n'avait pas bénéficié d'un procès équitable.