Rodéo sauvage à Nice : on vous raconte la ruse des gendarmes pour intercepter 51 motards

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Ils étaient organisés et pensaient avoir été suffisamment discrets. Venus de toute la France, et même d'Europe, des dizaines de "super motards", adeptes de rodéos sur l'autoroute, se sont pourtant retrouvés pris au piège à Nice, le 18 mai dernier, interceptés par les gendarmes qui avaient élaboré toute une stratégie pour les mettre en échec.

Au jeu des gendarmes et des stunters, cette fois-ci, ce sont les gendarmes qui ont gagné. Les stunters, ce sont ces adeptes de "super moto". D'habitude la discipline se pratique sur circuit fermé, mêlant terre et bitume. Mais certains ne résistent pas à l'envie de s'aventurer sur des routes ouvertes, pour le plus grand danger des autres conducteurs. Ils équipent leur moto-cross de pneus route, "des engins qui n'ont rien à faire sur la route", nous a expliqué le Lieutenant-colonel Renaud Benne, commandant l'escadron départemental de sécurité routière des Alpes-Maritimes. 

Le point de départ de l'enquête : un simple contrôle routier

C'est lui qui a coordonné un plan finement ficelé pour mettre un coup d'arrêt à ce qui devait être 4 jours de course folle sur les routes des Alpes-Maritimes.

Le point de départ de leurs investigations, c'est un simple contrôle routier. Les gendarmes interceptent un jeune homme à bord d'une super moto, un mois avant le grand coup de filet. Manquant sans doute de discrétion, il en dit trop devant les enquêteurs, qui comprennent que quelque chose de gros se prépare. Mais où et quand ? Ils ne le savent pas encore.

Alors une partie de l'équipe va se mettre à éplucher les réseaux sociaux. C'est que les vidéos de supers motos ne manquent pas, certains youtubeurs n'hésitant pas à se vanter de sorties organisées, comme ici, dans les alentours de Fréjus :

 

Dans cette vidéo, l'organisateur propose à ses jeunes adeptes de rouler tranquille, "à la chill", et pourtant déjà, les images donnent des sueurs froides : les conducteurs s'amusent à réaliser quelques acrobaties, cabrant leur moto, et roulent vite, sur des routes ouvertes.

Ils fouillent les réseaux sociaux et contrôlent les camionnettes

En fouillant bien, en interrogeant aussi la population locale, qui n'a pas très envie de voir arriver un rassemblement de super motards, les gendarmes affinent leurs investigations.

Le 17 mai, ils sont en poste dans le secteur de Contes et Peillon, prêts à contrôler les premiers véhicules. Ils savent qu'ils ne verront personne arriver sur une moto. Ce qu'ils cherchent, ce sont des fourgonnettes, qui transportent ces motos. Et ils les trouvent.

A ce moment-là, on comprend que c'est le week-end de l'Ascension qui a été retenu

Lieutenant-colonel Renaud Benne, Commandant l’escadron départemental de sécurité routière des Alpes-Maritimes

Autrement dit, il ne leur reste plus que 24h pour faire avorter ce grand rendez-vous. 

Leur arme fatale : des voitures banalisées

Ils usent d'abord de la voie diplomatique. Chaque personne arrêtée ce 17 mai est informée que les gendarmes sont au courant de leur projet, et qu'ils interviendront sur les routes le lendemain. Mais visiblement, ça n'en décourage pas certains.

Le lendemain midi, l'escadron départemental de sécurité routière détecte à l'entrée de Nice une cinquantaine de motos, sur le point d'entrer sur l'autoroute A8, à Nice-Est.

" A ce moment-là, on met en place un dispositif, car on ne peut pas les intercepter sur l'autoroute. On se poste à la sortie Saint-Isidore. Mais ils sortent pus tôt, alors on réarticule tout le dispositif".

Le groupe se retrouve finalement à Lingostière. Pour retrouver d'autres motards ? Aller manger ? En attendant, les gendarmes prépositionnent deux postes d'interception, un au nord et l'autre au sud de la Manda, sur la 202. Leur arme fatale : des véhicules banalisés.

Une vingtaine de motards interceptés, une trentaine en fuite

À 14h, le groupe démarre, en direction de la Manda : les gendarmes arrivent à en intercepter une vingtaine. Mais une trentaine d'autres prennent la fuite à travers la zone commerciale de Saint-Isidore, refusant le contrôle. Ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'ils sont suivis par une voiture banalisée qui va les suivre " à grande distance".

"On va demander à la population, au gré des itinéraires qui sont pris, s'ils sont passés par là. Les gens nous renseignent très facilement : 30 motards en moto-cross, ça se repère vite"

Lieutenant-colonel Renaud Benne, commandant l'escadron départemental de sécurité routière des Alpes-Maritimes

C'est là que la ruse des gendarmes fera toute la différence : arrivés au Mont-Chauve, les motards s'apprêtent à faire un nouveau rodéo. En voiture banalisée, les gendarmes bloquent la sortie.

Les motards pris au piège du Mont-Chauve

"Une trentaine de gendarmes sont positionnés au pied du Mont-Chauve, c'est une impasse : on les tient"

Lieutenant-colonel Renaud Benne, Commandant l’escadron départemental de sécurité routière des Alpes-Maritimes

Et alors là, les gendarmes ne laissent rien passer : équipement de la moto illégal, circulation dans une zone naturelle protégée, plaques d'immatriculation manquantes ou cachées (750 euros d'amendes), conduite malgré l'annulation du permis, permis non valide.  4 véhicules seront mis en fourrière immédiatement. Au total, 150 infractions sont relevées, et 51 motos font l'objet d'une immobilisation administrative. "Personne n'est reparti sur sa moto" conclut fièrement le Lieutenant-colonel Benne.

Surtout, les gendarmes relèvent tous les éléments d'identification, car l'enquête commence à peine.

"Les deux tiers des participants sont repartis le soir même. Parmi eux, il y avait une vingtaine de Suisses, d'Allemands et d'Italiens". 

Lieutenant-colonel Renaud Benne, Commandant l’escadron départemental de sécurité routière des Alpes-Maritimes

Les gendarmes ont réussi leur coup : le lendemain, il n'y aura pas de rodéo. 

"On a maintenu le dispositif de jour et de nuit, on a mis en alerte toutes les caméras sur les réseaux routiers, en mobilisant la police municipale de Nice et la police nationale".

Lieutenant-colonel Renaud Benne, Commandant l’escadron départemental de sécurité routière des Alpes-Maritimes

Surtout "il n'y a eu aucun accrochage, aucun incident, aucune course-poursuite" conclut fièrement le gendarme. 

Le jeune homme suspecté d'être l'organisateur de ce rodéo sauvage, qui devait réunir près de 100 personnes, a été placé en détention provisoire, il est poursuivi pour organisation et participation à un rodéo, et refus d'obtempérer aggravé. Il sera jugé le 12 juillet prochain.

D'autres interpellations pourraient avoir lieu dans les semaines à venir.

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