Le Fonds pour les victimes du terrorisme a dévoilé les modalités de nouvelles indemnisations, ce qui a suscité la colère des avocats de victimes.
Alors que Nicole Belloubet, ministre de la justice et garde des Sceaux était en visite ce lundi à Nice, le conseil d'administration du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) était réuni pour décider des modalités de mise en oeuvre et d'éligibilité de deux nouveaux préjudices spécifiques aux victimes du terrorisme, reconnus en mars par le Fonds.
Jusqu'à 30.000 euros pour les victimes "d'angoisse de mort imminente"
Le "préjudice d'angoisse de mort imminente" vise à "prendre en compte l'angoisse intense des victimes qui ont vu venir la mort", a expliqué le directeur général du Fonds, Julien Rencki.
Ce préjudice sera présumé pour les victimes décédées, et établi par un expert médical indépendant pour les blessés, physiquement ou psychologiquement. Il sera compris entre 5.000 et 30.000 euros.
Le second préjudice concerne les proches des victimes décédées: "On indemnise l'attente et l'inquiétude que les proches des personnes décédées ont ressenties", précise Julien Rencki. Ils pourront bénéficier d'une indemnisation comprise entre 2.000 et 5.000 euros.
Aide aux victimes d'attentats : les conditions d’indemnisation des préjudices d’angoisse et d’attente sont fixées par le FGTI pic.twitter.com/cpPwDeaZVT
— Laurence Garnerie (@lgarnerie) 26 septembre 2017
Le Fonds a par ailleurs décidé de modifier les modalités d'une indemnisation existante, le "préjudice exceptionnel spécifique aux victimes du terrorisme" (PESVT) qui ne concernera dans le futur que les victimes directes des attentats. "C'est une mesure qui ne concerne pas les dossiers en cours : pour les attentats passés, le PESVT
continuera à être versé", a insisté le directeur du Fonds.
Une avancée majeure pour le ministère
Le ministère de la Justice a salué lundi dans un communiqué une "avancée majeure" qui garantit une "réparation effective et intégrale" aux victimes d'attentats, "en particulier pour celles qui sont les plus gravement atteintes".
"Il y a une volonté d'approfondir l'indemnisation des victimes les plus gravement touchées et de leurs proches, plutôt que d'élargir le périmètre des personnes indemnisées", a confirmé Julien Rencki.
Une décision qui scandalise les familles des victimes selon leur avocat
"C'est un recul, ce n'est absolument pas une avancée", s'est pour sa part insurgé Eric Morain, avocat de familles de victimes de l'attentat de Nice, qui dénonce un préjudice aux familles des blessés "considérablement diminué".
On essaie de faire rentrer avec un chausse-pied le nombre de victimes dans des cases, par rapport à un budget
a-t-il estimé, parlant d'une décision qui "va multiplier les contentieux et les colères", et "scandaliser" les familles des victimes.
"Ce n'est pas du tout une victoire", a abondé Gérard Chemla, avocat de victimes des attentats du 13 novembre et de Nice. Il a lui dénoncé "un message assez malsain de mépris au titre de la prise en considération des préjudices
des victimes d'attentats qui manifestement cède devant les contraintes budgétaires".
Fascinant grand écart d’un pouvoir qui installe un état d’urgence permanent tout en limitant l’indemnisation des victimes d’attentat. #FGTI
— Eric Morain (@EricMorain) 25 septembre 2017
Préjudices d'angoisse et d'attente: très grande déception, la délibération du FGTI n'est pas acceptable:https://t.co/x1SqevIw83
— Cabinet Bibal (@CabinetBibal) 25 septembre 2017
Selon les estimations encore provisoires du Fonds, 3.000 à 3.500 personnes environ pourraient bénéficier de ces nouvelles dispositions, qui devraient être mises en place dans les prochaines semaines. Le coût total est "très difficile à évaluer" mais pourrait atteindre 20 millions d'euros, selon Julien Rencki.
Des milliers des dossiers
Quelque 2.800 personnes ont été reconnues victimes dans les attaques de Paris et de Saint-Denis le 13 novembre 2015, qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés. Plus de 2.100 demandes d'indemnisation ont été adressées au FGTI pour l'attentat de Nice le 14 juillet 2016, qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés.