Hôtesses, cuisiniers, maîtres d'hôtel, pour les extras nombreux en Paca, tout s'est arrêté en mars dernier. Ces journaliers de l'événementiel ne redémarrent pas. Fabrice Bérard et Thierry Le Gall nous racontent leur galère et la mobilisation qui s'organise pour sauver leur profession.
"Il y a une forme de précarité dans notre choix de vie, mais en période normale le travail ne manque pas".
Fabrice Bérard, maître d'hôtel extra, a choisi un métier difficile : "On est à la fois chef d'équipe, serveur et manutentionnaire. C'est très physique et il faut savoir s'adapter."
Dans une région où l'événementiel fait partie intégrante de l'économie, le maître d'hôtel apprécie la variété de ces contrats à la journée qui l'ont mené du festival d'art lyrique à Aix-en-Provence, au Grand Prix du Castellet, sans parler des congrès, mariages ou salons divers.
Autant d'événements totalement annulés depuis le mois de mars. "Ma dernière vacation date du dernier match de l'OM au stade Vélodrome, le 6 mars dernier", précise Fabrice Bérard.
Samedi 21 septembre 2019 Orange Vélodrome OM vs Montpellier Salon Club 1899
Publiée par Fabrice Bérard sur Jeudi 26 septembre 2019
La reprise ? Pas dans notre métier !
Pas de contrat, pas de salaire. Et pas de cotisations versées à Pôle Emploi non plus.
"J'ai épuisé la moitié de mes droits, ça va encore, mais pour d'autres, c'est terminé, plus de revenus. Et si certains toucheront le RSA d'autres ne peuvent même pas y prétendre", explique le maître d'hôtel.
La profession disposait d'un statut particulier avant 2014. Les "vacataires" ou "intermittents de la restauration" comme ils se nomment, ont depuis rejoint le régime général.
"Sans parler du mode de calcul qui a changé en 2017 en notre défaveur", indique Thierry Le Gall.
Des contrats à la journée
Ce cuisinier-pâtissier, extra depuis 16 ans, traverse de grandes difficultés depuis le Covid : "Je veux bien comprendre qu'on doit faire des efforts. Mais si on m'empêche de travailler ça ne va plus."
"Je suis en train de changer d'appartement, je ne peux plus payer ce niveau de loyer", explique-t-il. "Ma fille dormira dans la chambre et moi, sur le canapé".
Cet extra voit les restaurants ouvrir progressivement, les écoles, les cinémas. "Moi on ne m'appelle pas. Il n'y a rien", constate Thierry Le Gall .
"Dans la maison Lenôtre pour laquelle je travaille en extra, 80 % des salariés sont toujours en chômage partiel encore en ce moment. Alors nous..." Le Grand Prix de Formule 1 annulé, le festival de Cannes annulé, les mariages annulés, le cuisinier pâtissier liste les occasions de travail perdues.
"Tout cela ne reviendra pas. Jusqu'à la fin de l'année on est sûrs de ne pas avoir le travail à taux plein", estime-t-il.
Prendre exemple sur les intermittents du spectacle
"Nous sommes concurrents sur le marché de l'emploi, mais il faut nous unir". Fabrice Bérard en est certain. L'avenir de la profession doit passer par la mobilisation.
La solution se trouve du côté des intermittents "qui ont su se défendre". "Ce serait bien qu'il y ait un gel des droits comme pour les intermittents qui permettrait de recréditer les jours perdus".
Frappée de plein fouet par la crise sanitaire, les professionnels, habitués à avancer en ordre dispersé en raison de leur concurrence sur le marché du travail, commencent à s'organiser.
Dans le sillage du mouvement LPPM (luttons pour ne pas mourir), deux collectifs ont été créés en plein coeur de la crise : le CPHRE, Collectif des précaires de l'hôtellerie, restauration et événementiel, et l'OPRE, Organisation du personnel de la restauration dans l'événementiel.
Ces extras réclament, sur le modèle des intermittents, une année blanche pour les extras dans le secteur de l'événementiel avec prolongation des droits ainsi qu'une annexe spécifique à la profession lors de la prochaine réforme du chômage.
Dans une étude de l'Union française des métiers de l'événement publiée le 30 avril, l'impact des interdictions dans le secteur de l'événementiel a été évalué à 15 milliards d'euros de retombées socio-économiques.
L'appel du 18 juin au Stade Vélodrome : un symbole
Une mobilisation s'organise pour la première fois à Marseille. Après Cannes, Rouen, Bordeaux, Paris, un rassemblement est organisé sur le parvis du stade Vélodrome, le 18 juin.
En tenue de service, des extras ont prévu de réaliser un "tableau vivant" de leurs métiers.
"Il faut savoir que 80 à 90 % des personnes qui travaillent lors des grands événements du stade Vélodrome, concerts, matchs, sont des extras, notre choix est symbolique".
Bonjour à tous, La Crise liée au COVID 19 a impacté, impacte, et impactera notre activité pour encore de longues...
Publiée par Extr'eam sur Samedi 6 juin 2020
"Dans les salons VIP, les meetings politiques, les congrès, nous cotoyons les décideurs, mais parfois nous nous sentons invisibles", estime Fabrice Bérard.
Les extras attendent maintenant, au delà d'un "merci, le service était impeccable", une vraie reconnaissance, une protection de leur statut et du métier qu'ils ont choisi.