Pierre-Edouard Colliex, préfet de police des Bouches-du-Rhône, et Nicole Bessone, procureur de la République de Marseille, ont tenu ce mardi 21 janvier un point presse pour présenter le bilan de l'année 2024 de l’action contre le narco banditisme à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône.
Pendant près d'une heure 30, Pierre-Edouard Colliex, préfet de police des Bouches-du-Rhône, et Nicole Bessone, procureur de la République de Marseille ont détaillé leurs actions de 2024 ainsi que les résultats liés à ces opérations et ont annoncé les grandes lignes de leurs objectifs de 2025 avec notamment des renforts de moyens humains et financiers de l'État. C'est une "union sacrée" qu'ils ont affiché durant cette conférence de presse, " dans la lutte du crime organisée et contre la trafic de drogue et le blanchiment d'argent". À revoir, leur conférence de presse ci-dessus en vidéo avec France 3 Provence Alpes.
La stratégie du pilonnage et ses effets
La préfecture de police assure que concrètement "la présence policière a été accrue sur la voie publique avec 14% d'hommes en uniforme dans les rues et plus de 1000 CRS déployés dans les quartiers concernés par le trafic".
"Cette année, en 2024 on a interpellé 3400 individus liés au trafic de stupéfiants dans le département des Bouches-du-Rhône, c'est 40% de plus qu'en 2023", affirme Pierre-Edouard Colliex, préfet de police des Bouches-du-Rhône. "4 000 tonnes d'encombrants ont été enlevés pour mettre à mal les points de deal dans les cités concernées. C'est un travail de harcèlement, des points de deal. " En 2025, "un travail doit se faire sur les consommateurs."
Le trafic continue de pourrir la vie des habitants, 58 policiers et 42 gendarmes ont été blessés en 2024 dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic.
Pierre-Edouard Colliex, préfet de police des Bouches-du-RhôneConférence de presse
Pour rendre aussi, "les halls d'immeuble, fermer les points de deal, assécher les narcotrafiquants et restaurer le cadre de vue normalisé pour les habitants, la lutte continue et se voit avec l'effacement de 5 620 mètres carrés de tags" indiquant notamment les lieux de trafic et les prix de vente des produits.
29 points de deal en moins et des règlements de compte divisés par deux
Malgré une année riche en évènements, comme la sécurisation de l'arrivée de la flamme Olympique, la sécurisation des jeux Olympiques à Marseille, le maintien de l'ordre et la poursuite des opérations place nettes, le Préfet de police et le procureur de la République se félicitent des résultats obtenus. Avec notamment "une hausse de plus de 40% d'interpellations par rapport à 2023, soit 3400 trafiquants interpellés", indique Pierre-Edouard Colliex, préfet de police des Bouches-du-Rhône.
Au niveau des saisies, cela représente plus de "10 tonnes de cannabis, et près de 500 kg de cocaïne et plus d'un millier d'armes saisies".
"29 points de deal ont été démantelés, soit une division par deux en trois ans passant de 222 en 2021 à 111 actuellement dans les Bouches-du-Rhône, et passant de 161 à Marseille à 84 actuellement", précise le préfet de police.
Autre aspect de satisfaction pour les forces de l'ordre, le nombre des narcomicides divisé par deux en 2024, soit 24 personnes tuées en 2024 dont quatre mineurs, contre 49 tués en 2023, 31 en 2022 et 31 en 2021. "Même si c'est encore trop", affirme Nicolas Bessone.
Les consommateurs ont été aussi plus sévèrement punis, " le consommateur est le complice de ce financement qui menace et perturbe la vie des habitants, ils sont complices des plus grands criminels de ce pays", assure Pierre-Edouard Colliex. Ce que confirme Nicolas Bessone, avec le renforcement des "amendes forfaitaires délictuelles, comme réponses rapides et efficaces, et la mise en place de traitements contre l'addiction pour les toxicomanes lourds".
Selon le préfet de Police, "le pilonnage et la suppression des points de deal vont de pair avec la répression des consommateurs avec près de 20 000 délits notifiés sur l'année". Rappelant que "cela représente une hausse de 12% en un an et cela rapporte de l'argent dans les caisses de l'État".
Féminisation du phénomène d'Ubershit"
Avec le démantèlement des points de deal physiques, le trafic s'est déporté sur la livraison à domicile et la tentative d'installation dans d'autres quartiers, quittant les traditionnels quartiers nord pour le centre et les quartiers sud de la drogue. "Un phénomène que nous avions anticipé, la division centre et sud de sécurité publique de Marseille sont passées de 500 garde à vue chacune à 1000 concernant les stupéfiants, et donc cela a eu un effet de baisser les points de deal dans ces secteurs aussi", détaille le procureur de la République.
Concernant le phénomène Ubershit, "une féminisation inquiétante est constatée", selon le procureur de la République. Avant, les femmes endossaient "le rôle de nourrices", elles deviennent à présent livreurs pour le Ubershit, comme le montre la dernière opération à Arles, "où le chef était un homme et trois femmes étaient de livreurs", confie Nicolas Bessone.
Selon Pierre-Edouard Colliex, "121 affaires ont été réalisées dans la lutte contre le Ubershit, entraînant notamment l'interpellation de 180 personnes".
Selon le préfet de police, "les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans le "ubershit" avec le recrutement d'employés pour la livraison, mais aussi pour la proposition de lieux de vente éphémères également".
Il ne faut pas rendre Marseille attractive pour les jobbers. 2700 personnes majeures et mineures ont été déférées en 2024 pour des affaires liées aux stupéfiants. Nous avons à faire face à Marseille à un phénomène massif.
Nicolas Bessone, procureur de la République à MarseilleConférence de presse
Pas d'impunité pour les chefs de réseau
Après les arrestations en 2023 de Mohamed Djeha en Algérie, patron de la Castellane, de Kamel Nabti, dit "marteau" qui œuvrait pour le réseau de Bassens, en Belgique et en mars dernier, l'arrestation de Félix Bengui dit "le chat" au Maroc qui doit justement arriver en France ce mardi ou mercredi, "il s'agit du 20e narcotrafiquant d'envergure sur les 21 arrêtés à l'étranger depuis 2021", indique la préfecture de police. Selon les chiffres transmis par la préfecture de police, 282 trafiquants de grande envergure ont été incarcérés en 2024, parmi eux 168 seraient directement liés à la DZ Mafia.
Il y a aussi une volonté affichée de travailler en partenariat avec la société civile, "que les gens s'emparent aussi du problème", souffle Nicolas Bessone. "On a reçu les familles des victimes, on est à leur écoute".
Poursuite des opérations "Place nette"
"Chacun doit savoir qu’à la fin, c'est la police qui gagne", C'était la phrase de Pierre-Edouard Colliex, préfet de police des Bouches-du-Rhône, lors de son discours d'arrivée, le 7 février 2024. Les saisies de cocaïne ont atteint un niveau record en 2024. Bruno Retailleau a annoncé le 13 janvier, 47 tonnes de cocaïne saisies sur les 11 premiers mois de l'année, soit deux fois plus que l'année précédente.
Le ministre nous a demandé un bilan de ces opérations places nettes [mise en place en mars 2024, Ndlr] et la poursuite sous formes différentes. Cela se traduit par de nombreuses interpellations et incarcérations. La présence est continue aussi, notamment à la Castellane avec l'exemple du policier qui a reçu un coup à la mâchoire. C'est la preuve que la situation reste fragile, mais nous restons sur place", précise Pierre-Edouard Colliex.
L'inquiétant rajeunissement des trafiquants et des chefs de réseaux
Depuis deux ou trois ans, les auteurs d'assassinats dans le narcotrafic sont de plus en plus jeunes. À Marseille, le phénomène des jeunes tueurs à gages se développe. Le 2 octobre dernier, un adolescent de 15 ans a été lardé de 50 coups de couteau avant d’être brûlé vif. Deux jours plus tard, un chauffeur VTC âgé d’une trentaine d’années a été abattu de plusieurs balles au volant de sa voiture à Marseille. Le suspect est un jeune de 14 ans. Nicolas Bessone, procureur de Marseille, qualifiait ces meurtres d’une "sauvagerie inédite" et dénonçait un "ultra rajeunissement" de ces tueurs.
Le rajeunissement ne se constate pas que dans les petites mains du trafic, "mais ce qui est plus inquiétant c'est qu'il y a de plus en plus de mineurs"dans le haut de la hiérarchie des trafiquants. À ce titre, Nicolas Bessone annonce que pour la première fois en France, en 2025, un mineur de moins de 16 ans (à l'époque des faits) va être jugé devant un tribunal criminel pour enfant, et dans l'année deux autres mineurs vont l'être également.
C'est toujours un échec pour la société d'enfermer un de ses enfants mais notre main ne tremble pas quand il faut le faire dans des cas de multirécidivistes. Il n'y a pas d'impunité pour les mineurs.
Nicolas Bessone, procureur de la République de MarseilleConférence de Presse
Les grands reporters du Parisien, Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê, n’espéraient pas une telle promotion pour leur ouvrage Tueurs à gages. Enquête sur le nouveau phénomène des shooters, disponible en librairie depuis octobre dernier. Dans leur livre, ils scannent les profils de ces jeunes tueurs, âgés de 16 à 20 ans.
"C'est une fausse idée, de croire que les mineurs ne sont pas punis", déclare Nicolas Bessone, rappelant "les 121 mandats de dépôt pour mineurs" en cours en 2025.
Pour le procureur, il faut "également travailler avec la ville et les chefs d'établissements pour veiller à ce que les jeunes restent à l'école. Il faut proposer des alternatives a fort contenu, avec des stages de réinsertion, des mesures de réparations".
Résurgence du phénomène des extorsions de fonds
Après le trafic de drogue, les organisations se sont diversifiées. Des individus se réclamant parfois à tort de la DZ Mafia, n'hésitent plus à menacer des patrons de bar, de discothèques et de magasins d'alimentations de nuit, de bureau de tabac.