Les équipes soignantes des hôpitaux de Marseille ont expliqué ce lundi devant la presse les conditions du succès de cette rémission du VIH pour une patiente suivie dans leur service. Une première en France et le huitième cas dans le monde.
Avant cette sexagénaire de Marseille, ils sont sept patients dans le monde à avoir été déclarés guéris du VIH après une greffe de moelle osseuse depuis 2008. Trois en Allemagne, deux aux Etats-Unis, un en Angleterre, et le dernier en date, en Suisse, en 2023. Suivie à l'hôpital Sainte-Marguerite de Marseille et l’Institut Paoli-Calmettes (IPC), elle a été déclarée en rémission après une allogreffe, réalisée il y a cinq ans. Les équipes qui ont contribué au succès de ce nouveau cas, le premier en France, ont détaillé ce traitement lors d’une conférence de presse ce lundi 20 janvier. France 3 Provence-Alpes vous résume ce qu’il faut retenir de cette présentation.
Séropositive atteinte d'une leucémie aigüe
Cette patiente soignée à Marseille est originaire de la région Paca et souhaite rester anonyme. Elle n'a pas assisté à la présentation de son dossier à la presse, aucune précision n’a été donnée sur son âge et sa localisation pour empêcher son identification.
Elle va très bien, elle est très heureuse et d’avoir guéri de sa leucémie et d’avoir potentiellement guéri de son infection par le VIH.
Dr Sylvie Bregigeon, cheffe de service du CISIH – AP-HM
Diagnostiquée séropositive en 1999, la sexagénaire a développé en 2020 une leucémie myéloïde aiguë, pour laquelle elle a été soignée à l’Institut Paoli-Calmettes (IPC) de Marseille. Elle a reçu un traitement très lourd "qui ne s’applique pas à tout le monde", selon la Dr Sylvie Bregigeon, qui dirige le Centre d'information et de soins de l'Immuno-déficience Humaine et des hépatites virales (CISIH), où cette patiente est suivie.
L'équipe de soignants est revenue dans le détail sur le protocole suivi par cette patiente, non pas pour soigner le VIH, mais pour traiter la leucémie aigüe qui menaçait sa vie. "On a vu cette patiente pour lui proposer une greffe de moelle osseuse, on ne lui a pas proposé pour traiter le VIH, on lui a proposé une greffe de moelle pour traiter sa leucémie aigüe, il se trouve que par la même occasion, on a réussi à traiter le VIH ”, souligne le Pr Raynier Devillier, chef de service Hématologie et greffe de moelle osseuse - Institut Paoli Calmette (IPC).
Cette patiente a d'abord subi une chimiothérapie très lourde "qui détruit toutes les cellules de la moelle osseuse, isolée en chambre stérile, elle a eu des complications avec une hospitalisation assez longue, et suite à ça elle a eu l’allogreffe", a détaillé le Dr Olivia Zaegel-Faucher, de l'AP-HM
Un traitement qui n’est pas généralisable aux patients VIH
"Il est important de se rendre compte que ce n’est pas un traitement à large échelle qui va être applicable à l’ensemble des patients atteints de VIH", parce qu’il les expose à de nombreuses complications", insiste le professeur Devillier.
Ce traitement ne peut s’appliquer qu’à des situations bien précises où un patient atteint du VIH développe une autre pathologie, un cancer nécessitant une greffe de moelle osseuse, a-t-il expliqué. Les patients déclarés guéris du VIH souffraient d’hémopathies malignes, essentiellement des leucémies aigües, comme la patiente soignée à Marseille.
Pour ce traitement, cette dernière a bénéficié de la moelle osseuse d’un donneur volontaire issu du fichier international des donneurs. L’équipe de l’IPC a cherché le meilleur donneur pour traiter sa leucémie, en se donnant la possibilité de guérir aussi son VIH avec un donneur qui présentait une mutation génétique rare (Delta 32) sur le gène CCR5, dans les autres cas de guérison au VIH précédemment publiés.
“On a sélectionné un donneur à la fois compatible avec la patiente et qui en plus avait cette caractéristique génétique qui était la mutation du CCR5, qui a permis de remplacer la moelle osseuse malade par une moelle saine et qui en plus était résistante à l’infection par le VIH”, a expliqué le Pr Raynier Devillier.
Une chance sur un million de trouver le bon donneur
Il est très rare de réunir les conditions spécifiques pour que le traitement fonctionne. "Ce qui est rare, c’est qu’il faut que le patient soit atteint d’une hémopathie maligne, c’est-à-dire que sa vie est en jeu, il faut trouver un donneur compatible et trouver quelqu’un qui a muté pour le corécepteur CCR5", a précisé le Dr Olivia Zaegel-Faucher du CISIH. C’est pourquoi il n’y a que huit cas de guérison à ce jour dans le monde.
"On a une chance sur un million de trouver un donneur 100% identique sur le fichier international, a précisé le Dr Faezeh Legrand, praticienne hospitalière en hématologie - IPC, et la prévalence de la mutation est de 10% chez les Caucasiens". Elle est plus élevée, de l’ordre de 15% chez les Finlandais et Russes”. D'où seulement huit cas de rémission à ce jour dans le monde. La proportion de ces donneurs spécifiques est estimée à 5 % en France.
"Et ça ne marche pas à tous les coups, même avec un donneur muté", prévient par ailleurs le professeur Sylvie Bregigeon.
Un message d’espoir pour tous les malades
Très émue, la Dr Faezeh Legrand, qui l'a prise en charge pour sa greffe, a lu un message que la patiente soignée à Marseille a adressé aux patients, aux chercheurs et à toute l'équipe médicale.
Après 26 ans de maladie, je n'aurais jamais pensé qu'un jour, je puisse entendre une telle nouvelle, c'est un tel soulagement et un tel message d'espoir pour toutes les personnes qui sont dans le même cas.
Patiente déclarée guérie du VIH à Marseille
"J'ai une pensée toute particulière pour la personne qui a réalisé ce don de moelle osseuse, qui a permis non seulement une guérison totale de la leucémie, mais plus encore d'arriver à ce que je croyais l'impossible, vaincre le VIH".
"Je voudrais dire à tous les malades que la route est longue et semée d'embûches, mais que bien entourés et pris en charge, on peut y croire encore, voir l'aube de la guérison", conclut-elle.
Ce cas de guérison exceptionnelle avec des critères très particuliers est important pour les recherches futures pour les patients atteints du VIH, mais aussi parce qu'il montre "qu'on peut traiter ces patients vivant avec le VH par des traitements optimaux comme une allogreffe dans le cas d'une hémopathie maligne", a estimé la Dr Sylvie Bregigeon.