Guerre en Ukraine : Marseille accueille 47 réfugiés dans un gymnase

Après deux jours de trajet, un nouveau convoi humanitaire vient d’arriver à Marseille ce dimanche soir. À l’intérieur du bus : 47 réfugiés, des chauffeurs routiers professionnels et l’organisateur de ce périple de 4.500 kilomètres, un dentiste marseillais.

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Le mistral souffle, quelques gouttes de pluie viennent arroser le bitume. Devant le gymnase Ruffi, dans le 3e arrondissement de Marseille, plusieurs familles s’impatientent. Les dernières minutes avant de retrouver leurs proches sont les plus longues.  

Yevhenii Loiko tient son fils d’un an dans les bras, Andrii, une cagoule rayée sur la tête. Cet ukrainien d’une trentaine d’années a quitté précipitamment son pays le 24 février dernier, avec sa femme Yuliia. "Nous sommes des échappés de la guerre. Réveillés par les bombes, nous avons sauté dans la voiture. Direction le Var, en France, chez des amis prêts à nous accueillir" confie-t-il.  

Son immeuble situé à Gostomel, dans la banlieue de Kiev, est aujourd’hui presque détruit. Il nous montre les vidéos prises depuis la fenêtre d'un appartement voisin : des nuages imposants de fumée qui s’échappent après des explosions à répétitions.

Des réfugiés attendus 

Ce dimanche soir, ils doivent récupérer le reste de la famille : "Ma belle-sœur et ma nièce sont parties il y a 4 jours, elles ont traversé la frontière à pied et ont rejoint les bénévoles à Jaroslaw, en Pologne." 

Le bus fait son apparition au bout de la rue avec près d’une heure de retard. À son bord : 47 réfugiés ukrainiens escortés par des chauffeurs routiers. Yevgen Ilyitchov, lui, attend plusieurs personnes dont son filleul et les voisines de ses parents restés là-bas, à Mykolaïv, situé à une centaine de kilomètres d’Odessa.

Le car ouvre ses portes et c’est l’une de ses proches, une jeune fille de 12 ans, bonnet rouge assorti au manteau, qui descend la première. Sa mère, qui la suit, explose en sanglot avant de tomber dans les bras de Yevgen. 

"Elles sont contentes, elles sont là, c’est terminé. Je leur ai dit qu’elles sont désormais en sécurité et qu’elles peuvent venir chez moi, à Marseille" nous explique-t-il, ému de les retrouver.

Cet ukrainien, cheveux poivre et sel, a organisé leur venue à l’aide d’un réseau créé sur Viber (un logiciel multiplateforme de messagerie instantanée) par les ukrainiens d’ici, quand la guerre a commencé. "On s’échangeait nos informations sur les différents départs de bus et c’est comme ça que je suis tombé sur ce convoi" ajoute-t-il.

C’est Paul Amas, un sweatshirt gris à l’effigie de Tigrou, qui est à l’origine de cette expédition. Et à l’image du personnage de dessins animés de Walt Disney, ce dentiste marseillais ne tient pas en place. "J’ai en projet de rapatrier le double ou le triple de réfugiés" nous dit-il alors qu’il vient à peine de poser un pied sur le sol marseillais.

"Un périple de 4.500 kilomètres, ça ne s’improvise pas donc il a fallu fédérer tout ça et prendre des chauffeurs professionnels pour assurer la sécurité avant tout. On est parti à bloc avec près de 80.000 euros de médicaments, des défibrillateurs, un dialyseur" poursuit le dentiste.  

Angélique, l’une des conductrices, se lève de son siège et serre dans ses bras chaque réfugié, un par an, sans en oublier aucun. Des femmes et des enfants auxquels elle s’est attachée en 48 heures. C’est donc un dernier au revoir "rempli d’émotions, d’amour. Ce sont des gens formidables, avec tout ce qu’ils viennent de vivre. Je n’ai même plus les mots. Juste de voir le car arriver et leurs sourires s’afficher, c’est le bonheur" déclare-t-elle, la voix nouée.  

Des réfugiés accompagnés 

À l’intérieur du gymnase, les services de la mairie (protection des populations et gestion des risques) et l’association Sara Logisol prennent en charge les ukrainiens. Priorité à l’enregistrement : Visa, passeport biométrique, sécurité sociale. Pas de démarches administratives mais de l’information sur les logements et la scolarisation.

"On espère que nos proches ne vont pas mourir pendant que nous sommes là" traduit Yevgen au milieu de la foule après le discours d’une ukrainienne. Les applaudissements résonnent alors dans la salle, suivis des rires des enfants qui, en toute innocence, jouent dans l’espace d’à côté.

Un coin rempli de peluches et de voitures leur a été spécialement aménagé. Après des heures de convoi, ils ont besoin de se défouler. Une petite fille, les cheveux blond clair attachés, et un petit garçon en survêtement défient au ballon un jeune fonctionnaire marseillais d’une vingtaine d’années, placé dans la cage de football. À quelques mètres, les plus petits s’amusent, eux, avec des ballons sauteurs sur les tatamis au sol.  

Des réfugiés engagés 

Plusieurs femmes prennent la parole, à tour de rôle, pour faire part de leur combat. "No passaran" affirme l’une d’entre elle, affichant son hostilité aux russes. Les cheveux courts teintés auburn recouverts d’un bonnet gris, Zinaida est âgée d’une cinquantaine d’année et semble engagée. Nous décidons de l’interviewer.

Son fils Sacha est un ancien légionnaire d’Aubagne aujourd’hui marié à une marseillaise. Là-bas, l’armée ukrainienne et la défense territoriale ont déjà beaucoup de renforts bénévoles. Alors il a décidé de rester en France pour s’occuper de sa famille. Le jeune homme vient s’assoir aux côtés de sa mère pour traduire son témoignage.

"Je suis venue avec ma fille, ma belle-fille et mes trois petits-enfants. C’est très dur car on a tout laissé là-bas : nos amis, nos proches, nos écoles, nos chats. La Russie sème la terreur en bombardant les crèches, les hôpitaux et en s’attaquant directement aux civils. C’est injuste, ils ne respectent aucune morale. Mais on a trop bon esprit pour nous défendre. L’Ukraine, c’est notre patrie, notre mère et on restera jusqu’au bout comme un bouclier" déclare-t-elle, les yeux emplis d’espoir pendant que son petit-fils joue avec un crocodile en bois.  

Le gymnase Ruffi, ouvert depuis le 2 mars, accueille entre 15 et 30 ukrainiens chaque jour. Ces derniers qui arrivent en France peuvent alors bénéficier d’un visa de 90 jours et de logements débloqués par les mairies ou l’Etat en raison de leur statut de réfugié.

Ce dimanche soir, les dizaines de lit de camp dépliés dans les allées resteront cependant vides. Les femmes et les enfants préférant partir dans leurs familles d’accueil ou se reposer dans des chambres d'hôtel, après cet immense périple.  

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