"Il veut tout faire, avec rien", ce qu'il faut savoir sur la prison pour les narcotrafiquants voulue par Gérald Darmanin

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin veut vider une prison d'ici à cet été pour y placer les "cent plus gros narcotrafiquants". À Marseille, la rapidité d'exécution et le coût du projet font réagir, au niveau police, mais surtout au niveau des syndicats pénitentiaires.

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Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a dévoilé ce dimanche 12 janvier un projet visant à créer une prison de haute sécurité spécialement dédiée aux 100 narcotrafiquants les plus dangereux incarcérés en France. Cette initiative répond à la nécessité de mieux lutter contre la poursuite des activités criminelles depuis les cellules de prison, un phénomène largement répandu selon les autorités judiciaires.

La méthode proposée

Le projet consiste à isoler ces individus dans un établissement spécialement équipé pour empêcher toute communication avec l’extérieur, notamment grâce à des dispositifs de brouillage des télécommunications et des contrôles renforcés. Actuellement, plus de 17 000 personnes sont détenues en France pour des infractions liées au trafic de stupéfiants, dont une partie continue à opérer malgré leur emprisonnement. L’objectif est de priver ces détenus de la possibilité de coordonner leurs réseaux criminels depuis leur incarcération. " Nous allons prendre une prison française, on va la vider et on y mettra, puisqu'on l'aura totalement isolée, totalement sécurisée, avec des agents pénitentiaires particulièrement formés, anonymisés", les "100 plus gros narcotrafiquants", les "pires", a déclaré Gérald Darmanin sur LCI.

"Cette idée est ridicule, de s'occuper de seulement 100 détenus plutôt que des 80 000 en surpopulation, pour 62 000 places disponibles seulement", s'insurge Cyril Huet-Lambing, secrétaire général national adjoint du SPS (Syndicat pénitentiaire des surveillants).

Le syndicaliste dénonce "une mesure avant tout symbolique" et pointe "les problèmes logistiques", notamment" la saturation des quartiers d’isolement actuels". Cette mesure rappelle les anciens quartiers de haute sécurité, supprimés en 1982 car jugés inhumains.

 Pour Cyril Huet-Lambing , "cela ressemble à de la démagogie pour se refaire une santé politique. Il sait qu'il ne va rester que deux ou trois mois, que le projet ne verra jamais le jour, c'est pour cela que le calendrier annoncé est aussi serré".

Trouver le lieu idéal

Gérald Darmanin a précisé dimanche avoir "deux prisons en tête", sans préciser lesquelles. Selon Bruno Bartocetti du Syndicat Unité Police, "il faudrait un lieu éloigné géographiquement de la zone Sud, où les narcotrafiquants sont les plus nombreux", cela permettrait, selon lui " avec les systèmes de brouillage de les éloigner de leu terrain de jeu, et de communiquer avec leur réseau". 

Une idée que Cyril Huet-Lambing réfute, "cela voudrait dire que les détenus de la prison qui va être vidée, où les détenus sont proches de leurs familles et qui ne sont pas parmi les 100, devront être arbitrairement éloignés de leurs proches".

Gérald Darmanin est venu récemment à Marseille,  a visité la prison des Baumettes et a rencontré le procureur de la république Nicolas Bessone.

"Il va les mettre où ?, réagit Catherine Forzi, délégué de FO Pénitentiaire à Marseille, toutes les prisons sont surpeuplées". Aux Baumettes, où sont incarcérés plusieurs membres de la DZ Mafia, dont l'un de ses chefs, il y a 700 places pour un millier de détenus.  "Les Baumettes 3 sont en cours de construction mais n'absorberont pas tout", indique Catherine Forzi.

Derrière les barreaux, les chefs de clan sont tout aussi puissants et dangereux qu'à l'extérieur. Plusieurs contrats ont été passés depuis la prison. Intimidation, menaces de mort, guet-apens. L'affaire du rappeur SCH et celle du contrat lancé à l'encontre de la directrice de la prison et de l'un de ses adjoints impliquent toutes les deux des caïds de la DZ Mafia. 

Avec quels effectifs

La question de l'isolement des grands narcotrafiquants se heurte à un problème de moyens. Aux Baumettes, comme dans toutes les prisons françaises. Pas assez de places, pas assez d'effectifs selon Force Ouvrière. 

Selon le syndicat, rien qu'à Marseille et Aix, "il manque près de 100 gardiens de prisons, 53 aux Baumettes et 46 à Luynes près d'Aix-en-Provence".

Pour Bruno Bartocetti, le projet se heurte aussi à un problème de taille " avec autant d'individus dangereux regroupés au même endroit, il va falloir rassurer la population, les riverains. Et puis mobiliser de nombreuses forces de l'ordre pour empêcher l'accès, à l'établissement, cela va demander un budget énorme au ministre". Selon lui, "le calendrier annoncé au début de l'été pour la mise en place de cet établissement paraît très optimiste".

"Une mesure qui demanderait moins de budget serait de supprimer l'article 57 de 2009 qui nous empêche de fouiller les détenus dès lors qu'ils ont un contact avec l'extérieur", explique Cyril Huet-Lambing, secrétaire général national adjoint du SPS. Selon lui, cela réduirait considérablement tout ce qui entre de façon illégale dans les prisons. 

Avec quel budget 

Le ministre envisage de mettre en place cette "prison de haute sécurité" à l'été. "Je n'ai pas besoin de loi pour ça, j'ai besoin de la volonté et on va en avoir, un petit peu d'argent et j'en aurai", a-t-il assuré sur LCI, sans détailler ce qu'il sous-entendait dans ces déclarations.

Selon Catherine Forzi, " il faut un budget colossal pour mettre en place son projet, pour réaliser les travaux dans la prison existante qui sera choisie, car aucune prison n'a autant de cellules individuelles. Il faut des gardiens de prisons supplémentaires, et pour trouver des volontaires, il faudra les encourager financièrement à prendre ce risque, les protéger ainsi que leur famille". Mais la syndicaliste garde espoir, " s'il y arrive et qu'on peut mieux travailler, nous, cela fait des années que l'on demande la classification des établissements par délits, et qu'on arrête avec les brigades spécifiques, ne plus mélanger tous les détenus."

Les syndicats sont unanimes sur l'inefficacité jusqu'à maintenant "des différentes unités spécifiques sans apport de personnel supplémentaire, sans structure adéquate".

Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus globale visant à résoudre les défis du système pénitentiaire français, notamment la surpopulation carcérale et les retards judiciaires. En novembre 2024, les prisons françaises accueillaient plus de 80 000 détenus pour une capacité théorique de 62 000 places. Pour accompagner ces initiatives, Darmanin prévoit aussi la création de petites prisons locales pour les peines courtes.

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