Depuis 2022, le port de Marseille, entreprise publique appartenant à l'Etat, souhaite développer un port pour petites croisières de luxe. Mais après le retrait des armateurs qui portaient financièrement le projet en décembre, et avec l'écho de l'interdiction des croisières à Nice par Christian Estrosi, le projet est plus questionné que jamais.
C'est un sujet inflammable, qui a déjà provoqué plusieurs manifestations dans le port de Marseille. La question de l'accueil des croisières dans le port de Marseille fait de nouveau débat, quelques jours après l'annonce de Christian Estrosi à Nice, qui souhaite interdire les gros bateaux de croisières dans toute sa métropole.
Car à Marseille, les gros bateaux font toujours partie du paysage, et en parralèle, le Grand Port Maritime de Marseille-Fos (GPMM) développe depuis 2022 un projet d'aménagement de terminal de petite croisière. Cette nouvelle gare maritime, prévue sur l'esplanade du quai J4 en face du Mucem, devait initialement voir le jour d'ici fin 2025 ou début 2026, mené par la compagnie marseillaise Ponant et les armateurs américains Viking Cruises et RCL Cruises qui avaient obtenu le marché.
Sauf que RCL Cruises a finalement décidé, en décembre 2024, de se retirer du projet pour des raisons économiques, comme le rapportaient en décembre nos confrères d'ici Provence. En conséquence, Ponant et Viking Cruises ont également abandonné le dossier, ne pouvant pas assumer la charge économique d'une telle infrastructure.
"On ne peut pas accueillir des clients de croisières de luxe dans des baraquements qui ont 25 ans"
Le GPMM ne veut compte pas abandonner son projet, et souhaite relancer une "procédure" à ce sujet en 2025, comme l'a assuré le directeur général adjoint du port Rémi Costantino, dans des propos rapportés par Made in Marseille. La question de "la place que le port prendrait dans le projet" a aussi été remise sur la table.
Une nouvelle relativement bien accueillie par Jean-François Suhas, président de l'association Marseille Provence Croisières, mais aussi président du conseil de développement du Grand Port Maritime. Il salue une "remise à plat de projet", accompagné d'une "économie plus réaliste". Car selon lui, il y a urgence à améliorer l'accueil des croisiéristes à Marseille, et notamment les plus luxueux d'entre eux : "le nœud du problème c’est quand même la gare maritime, on ne peut pas accueillir des clients de croisières de luxe dans des baraquements qui ont 25 ans".
Actuellement, on a des Aljeco pour accueillir des gens qui ont payé leur billet au minimum 1000€.
Jean-François Suhas,Président de l'association Marseille Provence Croisières
Jean-François Suhas est également convaincu que "le projet est là, et va aboutir avec le port", rejetant l'idée que le retour du débat sur les croisières, provoqué par la décision de Christiant Estrosi à Nice, puisse avoir un écho à Marseille. "Je ne suis pas très très inquiet pour la suite", déclare-t-il, estimant que la décision d'interdiction à Nice est "très locale" et ne "pourrait que renforcer le port de Marseille".
Les croisières de luxe, "ce sont les pires"
Une ligne directrice que les militants du collectif Stop Croisières déplorent évidemment, qui a appris "par la presse" l'arrêt puis la relance du projet marseillais. Romain et Julie, deux des membres du collectif, estiment justement que le port de Marseille "suit la même lignée que Nice", dans le sens où l'industrie de la croisière préfère miser sur le luxe plutôt que de simplement interdire l'activité.
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Selon eux, avec la poursuite de ce projet sur le quai J4, "la direction du port", qui est une entreprise publique détenue par l'Etat, "continue de promouvoir des croisières de luxe, qui sont les pires, au détriment du climat". Le tout, "sans aucune concertation", "ni aucune pensée pour les marseillais et les familles qui vivent à côté du port".
On aspire à un projet respectueux du vivant et de l’environnement, ce que la direction du port n'a pas intégré.
Collectif Stop Croisières,à France 3 Provence-Alpes.
Pourtant, Stop Croisières assure qu'il est possible de bannir les croisières sans affecter massivement l'économie du port, et qu'il existe des "alternatives viables" pour maintenir l'emploi. Le collectif a ainsi rencontré la CGT des employés du port en fin d'année, et "aspire à les revoir" pour continuer à travailler sur "l'après-croisières". Les militants soulignent en effet qu'il existe des projets alternatifs à mener, rappelant par exemple qu'il "manque des écoles sur le secteur maritime à Marseille".
La municipalité opposée au projet ?
Pourtant, tout ça reste relativement utopique pour le moment, au vu de la visible détermination du port à mener à bout son projet. La mairie de Marseille, qui n'a que peu de pouvoir sur le dossier, s'est peu exprimée sur le dossier, en dehors du soutien régulier de Sébastien Barles, adjoint au maire (EELV) à la transition écologique.
Ce dernier estimait en décembre, après le retrait des armateurs du projet pour les croisières de luxe, que "Marseille, ce n’est pas Saint-Tropez". "Il faut en faire un lieu qui montre la mutation du port vers des moyens de transports moins polluants, notamment la voile", avait-il affirmé, refusant de fait cette idée de "privatisation" du port.
Le jeudi 5 décembre, se tiendra la 3eme édition du Blue Maritime Summit organisé par le lobby de la croisière.
— Sébastien Barles (@sebbarles) November 29, 2024
Vous êtes conviés à un rassemblement pour dénoncer cette supercherie et évoquer nos solutions pour en finir avec les nuisances du transport maritime et des croisières. pic.twitter.com/BX28PwmiMq
À ce jour pourtant, Romain et Julie de Stop Croisières disent ne pas savoir "si la position d’interdire les croisières en 2030 est toujours unilatéralement soutenue à la mairie". Quand Jean-François Suhas, qui défend le projet, rappelle que "ce n'est pas les compétences de la mairie de dire ce qu’il faut faire sur ce port", soulignant que le maire a "souvent raconté n'importe quoi sur les croisières".
Le feuilleton est donc loin d'être terminé, d'autant que le port d'accueil pour les croisières de luxe a pris beaucoup de retard suite à sa remise à plat : il ne devrait pas voir le jour avant fin 2026, au plus tôt.