La directrice de la prison des Baumettes à Marseille et un de ses adjoints ont été temporairement éloignés de leurs fonctions et font l'objet de mesures de protection, après que leurs têtes ont été mises à prix par la DZ Mafia sur les réseaux sociaux. Une nouvelle directrice a été nommée à titre temporaire.
Menacés de mort, la directrice de la prison des Baumettes à Marseille et un de ses adjoints ont été temporairement éloignés de leurs fonctions et font l'objet de mesures de protection, ont indiqué des sources concordantes, confirmant une information du quotidien La Marseillaise. Le parquet de Marseille a ouvert une enquête à la suite de manœuvres d’intimidation et de menaces à l’encontre du personnel pénitentiaire de la maison d’arrêt des Baumettes, le 1ᵉʳ décembre dernier.
Deux mises en examens
Dans la nuit du 1er au 2 décembre, "les services de la brigade anti-criminalité ont procédé à l’interpellation de deux individus âgés de 17 et 21 ans aux abords de l’établissement pénitentiaire après une course poursuite au cours de laquelle les mis en cause se sont débarrassés d’un sac contenant une arme de catégorie B", indique le parquet de Marseille. A l’issue de leur garde à vue ils ont été, tous les deux, déférés et mis en examen des chefs de tentative d’homicide volontaire avec préméditation ou guet-apens, participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation d’un crime commis en bande organisé en l’espèce un assassinat en bande organisée, menaces, violences, ou tout autre acte d’intimidation en vue d’obtenir de personnes dépositaires de l’autorité publique, qu’ils accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un crime ou d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, en l’espèce le délit d’acte d’intimidation sur personne dépositaire de l’autorité publique. Mais aussi de transport d’une arme, munition, ou élément essentiel de catégorie B, port sans motif légitime une arme blanche ou incapacitante de catégorie D, recel de vol et refus d’obtempérer. Ils ont été placés en détention provisoire.
Un contrat à 120 000 euros
Dans la nuit du dimanche 1ᵉʳ au lundi 2 décembre, deux " jeunes individus" ont été interpellés à proximité de la prison des Baumettes à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône. Les suspects se trouvaient également non loin de l'habitation d'un cadre de l'établissement pénitentiaire qui subit depuis plusieurs jours des menaces de mort. Les deux jeunes hommes, âgés d'une vingtaine d'années, qui se trouvaient à bord d'une voiture, ont été interpellés dans la nuit par la brigade anticriminalité. "Ils ne se sont pas arrêtés, ils ont foncé et se sont enfuis. Ils étaient cagoulés et avaient une arme de poing et un grand couteau", précise à France 3 Provence-Alpes, Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance Police Nationale. Lorsqu'ils ont été retrouvés, les deux individus se trouvaient aussi non loin de l'habitation d'un agent pénitentiaire. Ce dernier serait victime de menaces de mort depuis quelques jours selon Le Parisien. Un contrat sur sa tête, de 120 000 euros, circulait sur les réseaux sociaux récemment. Une enquête a été ouverte par la brigade criminelle en début de week-end, après cet appel au meurtre qui diffusait aussi l'adresse de l'agent, précise le média. "On est face à des individus qui avaient la volonté d'aller au bout, l'arme de poing était armée, la cartouche était engagée dedans. Il était prêt à être utilisé", ajoute Bruno Bartocetti, responsable du syndicat SGP Police.
"Gaby" de la DZ Mafia, commanditaire présumé
Toujours selon les sources du Parisien, cet appel au meurtre a débuté après que Gabriel O, considéré comme l'une des têtes de l'un des plus gros gangs de trafiquants de Marseille, la DZ mafia, s'en est pris à la directrice de la prison des Baumettes. Il aurait contesté ses conditions de détention. Le vendredi précédant le week-end de l'interpellation des individus, il est aussi passé devant une commission, dont faisait partie le cadre pénitentiaire qui a été menacé de mort. Son placement à l'isolement a alors été décidé.
Aussi surnommé "Gaby", l'homme de 29 ans, est un ex-tueur à gages chargé du recrutement des petites mains, incarcéré aux Baumettes. Présentés comme les nouveaux chefs de la DZ Mafia, Gabriel O., Amine O. et Mahdi Z dirigent leurs opérations depuis leur cellule respectives, via leurs téléphones portables.
"Gaby" est également mis en cause dans l'affaire d'extorsions de fonds et les menaces de mort sur des messageries cryptes qui vise le rappeur marseillais SCH, dont un proche a été abattu par un commando en août dernier à La Grande-Motte.
Plusieurs affaires d'actions très violentes leur sont imputées. Le trio a instauré une nouvelle méthode d'expansion, basée sur les assassinats, avec de jeunes tueurs à gages recrutés grâce à des messageries cryptées sur les réseaux sociaux. L'enquête en cours doit établir ou non le lien entre les menaces de mort à l'encontre de l'agent pénitentiaire, Gabriel O et la DZ mafia. Même si de nombreux éléments "semblent s'orienter vers la DZ mafia", selon des sources policières interrogées.
Un nouveau coup de filet a d'ailleurs été mené ce lundi 2 décembre par la police judiciaire de Marseille et par les gendarmes à l'encontre de la DZ Mafia. Vingt et-une personnes ont été placées en garde à vue, dont six déjà détenues. Cette opération a eu lieu trois mois après la mort d'un proche du rappeur marseillais SCH, dans une fusillade devant une discothèque de la Grande-Motte dans l'Hérault.
Une escalade dans la "mexicanisation" de l'organisation mafieuse
Dans un communiqué, FO-Justice, déplore un "seuil inédit", franchi avec ce "contrat pour assassinat" visant un cadre des Baumettes, posté sur les réseaux sociaux. Le syndicat, majoritaire en région Paca, pointe un incident "d'une gravité exceptionnelle", qui constitue "une véritable déclaration de guerre contre le personnel pénitentiaire". A fortiori à la prison des Baumettes, déjà sous l’emprise de narcotrafiquants qui font la loi.
Le ministère de la Justice a qualifié la situation d'"exceptionnellement grave et sérieuse", indiquant que le garde des Sceaux Didier Migaud s'est personnellement entretenu avec les agents pénitentiaires concernés "et les a assurés de sa protection et de son soutien". Le ministre a jugé "inadmissible que des personnels de justice soient ainsi menacés dans l'exercice de leurs fonctions". Outre ces phénomènes de menaces et d'intimidations auprès des fonctionnaires, les violences liées aux trafics de drogue dans la région marseillaise ont fait 23 morts depuis janvier, selon un bilan de l'AFP. En 2023, le narcobanditisme avait coûté la vie à 49 personnes à Marseille, sur fond de bataille de territoires entre deux gangs, la DZ Mafia et Yoda, le premier ayant finalement pris le dessus.