Avec l'évolution des pratiques, et particulièrement la place grandissante des réseaux sociaux dans le narco banditisme et le narcotrafic, les forces de l'ordre souhaiteraient avoir plus de latitude pour infiltrer ces réseaux.
Parmi les différents points abordés pendant près d'une heure 30 de conférence de presse ce mardi 21 janvier, Pierre-Edouard Colliex, préfet des Bouches-du-Rhône et le procureur de la République Nicolas Bessone ont reconnu l'expansion du trafic de drogue dématérialisé, suite aux opérations de pilonnage pour déstabiliser les points de deal physiques. Ubershit, la livraison de drogue à domicile, a explosé, notamment depuis le covid, et avec la multiplication des opérations place nette XXL lancées en mars 2024.
"On n’a pas de baguette magique pour faire disparaître le narcotrafic"
À la veille du début de l'examen d'une proposition de loi sur le narcotrafic, MM. Bessone et Colliex ont souligné ce mardi 21 janvier les résultats "considérables" de la lutte policière et judiciaire contre le narcobanditisme à Marseille, avec plus de 2.000 personnes mises en examen par les magistrats marseillais, dont 200 pour "narchomicides", ces homicides sur fond de trafics de stupéfiants.
Parmi eux, toujours plus de mineurs, "et ce à tous les niveaux du spectre", a insisté M. Bessone, en soulignant le sort peu enviable de ces "jobbers" venant de toute la France, attirés à Marseille par le mirage de l'argent facile. "Pour ce que j'appellerais des narcotouristes, la réalité est beaucoup plus sombre que ce qu'elle peut paraître", a poursuivi le magistrat, en évoquant des cas de "traite d'êtres humains", avec séquestrations et tortures.
Snapchat, Telegram : les réseaux sociaux en pleine expansion
Avec quelque 500 adolescents concernés en 2024, "plus de la moitié de la délinquance des mineurs" est liée aux stupéfiants à Marseille", a expliqué le procureur, soulignant que pour la première fois en France le tribunal pour enfants de Marseille va juger un assassinat commis par un mineur de moins de 16 ans avec le procès attendu de la mort de Socayna, jeune étudiante qui avait pris une balle perdue dans sa chambre.
Alors certes, la deuxième ville de France ne compte plus que 84 points de deal, 29 de moins en un an. Mais "ce n'est pas parce qu'on a supprimé les points de deal à la cité de la Castellane (dans les quartiers Nord) que la drogue a disparu, qu'on a résolu le problème", a affirmé de son côté le préfet de police, évoquant le développement des livraisons de stupéfiants à domicile, le "ubershit". Ce qui est sûr, c'est que les habitants sont moins ennuyés par le trafic quand celui-ci se fait en ligne.
Avec les messageries cryptées, "les trafiquants de drogue arrivent à donner rendez-vous aux consommateurs sur des sortes des points de deal éphémères de deux heures", explique Pierre-Edouard Colliex, ce qui rend la tâche des policiers plus compliquée pour agir. " Il faudrait plus de moyens pour travailler les informations, travailler sur les livraisons, mais pour cela, il faudrait une plus grande capacité d'infiltration", ajoute le préfet, expliquant que "le coût d'achat est encore trop encadré".
Vers un arsenal législatif renforcé
Pour autant, malgré ce volontarisme affiché, "nous rencontrons d'importantes difficultés à juguler, à maîtriser le phénomène. Donc il faut à la fois des moyens, un choc législatif, pour être à la hauteur des enjeux et de la menace en face de nous", a insisté Nicolas Bessone plaidant notamment pour l'élargissement du statut de repenti aux crimes de sang, la création de cour d'assises composées de magistrats professionnels et la création d'un nouvel outil, l'association de malfaiteurs criminelle. Le préfet et le procureur appellent de leurs vœux une simplification " pour mieux travailler" et plus de moyens.