Procès des prêts toxiques de la BNP PPF : "ils m'ont dit de ne pas m'inquiéter"

BNP Paribas Personal Finance comparaît à partir de ce mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour être jugée du délit de "pratiques commerciales trompeuses". 2.200 personnes se sont portées partie civile. À Marseille, témoignage d'une victime qui vit un cauchemar depuis dix ans.

C'est un procès hors normes qui s'ouvre ce mardi 12 novembre, devant le tribunal correctionnel de Paris. La société BNP Parisbas Personal Finance (BNP PPF), filiale du groupe bancaire, comparaît pour "pratique commerciale trompeuse". Elle est accusée d'avoir proposé à ses clients des prêts qui se sont révélés toxiques.

Cette affaire concerne 4.655 personnes, ayant contracté, entre 2008 et 2009, un emprunt Helvet Immo. Ce dispositif permettait aux particuliers qui achetaient des logements en vue de les louer, d’obtenir des dégrèvements d’impôts.

Ces prêts étaient commercialisés par l’intermédiaire de conseillers en gestion de patrimoine dans le cadre d’investissements immobiliers loi Robien ou loi Scellier, pour le compte de la BNP PPF, selon Charles Constantin-Vallet, avocat de 1.200 plaignants.

Un emprunt toxique

La spécificité de cet emprunt Helvet Immo était d'être souscrit en franc suisse et remboursable en euro. Seul problème, sur le marché des devises, la monnaie suisse s'est envolée face à la devise européenne. En clair, plus le franc suisse augmentait et plus le capital de l'emprunt à rembourser en euro grimpait. C'est ainsi que 4.655 victimes d'Helvet Immo ont été piégées. BNP PPF a stoppé la commercialisation de ce prêt, fin 2009.

"La banque savait qu’elle exposait ses clients à des risques inconsidérés", selon Me Charles Constantin-Vallet. "Nous avons versé dans le dossier pénal des éléments démontrant que BNP Personal Finance avait anticipé une hausse du franc suisse au moment même de la commercialisation d’Helvet Immo en raison de la crise des subprimes qui frappait à l’époque".

Depuis, les victimes de cet emprunt vivent un cauchemar.

"Ils ont dit ne vous inquiétez pas, on s'occupe de tout"

Madame Abel était policière à Marseille. Elle avait le projet de transmettre un patrimoine à ses enfants. Lorsqu'un démarcheur lui propose d'acheter un appartement de type T2 et de souscrire un emprunt auprès de la BNP, elle est séduite et ne s'inquiète pas. "Pour moi, la BNP c'était une banque fiable", raconte-t-elle.

Le 3 mars 2009, elle emprunte 163.300 euros, avec un remboursement fixe de 1.084 euros par mois. "Lorsque j'ai demandé pourquoi c'était en francs suisses, ils m'ont répondu que c'était juste parce que c'était la BNP en Suisse".

Pour le contrat, ils m'ont dit "ne vous inquiétez pas, on s'occupe de tout". Elle ajoute , "si j'avais demandé à mon notaire, il m'aurait sûrement alerté qu'il y avait un risque".

Je veux voir, en face, les responsables de nos cauchemars

Au début pourtant, tout se passe bien, Madame Abel rembourse son prêt chaque mois. C'est en 2011 que tout a basculé, "quand j'ai reçu le bulletin de situation, j'ai vu que le montant à rembourser était plus important que ce que j'avais emprunté".

Affolée, elle cherche à comprendre, "ils m'ont dit de ne pas m'inquiéter, de ne pas tenir compte de ces montants". Mais les mois suivants, c'est le même problème. Mme Abel contacte un avocat et s'aperçoit qu'elle n'est pas la seule.

Le couple Abel voulait transmettre un patrimoine à leurs enfants, "on va leur transmettre des dettes, la banque ne nous a pas proposé de nous aider. Je suis tombée malade, j'ai fait une dépression".

Ils ont emprunté 163 300 euros en 2009. Dix ans après, ils ont remboursé 118 716 euros et pourtant en juin dernier, le bulletin de situation indiquait un capital restant dû de 175 084 euros.

Le couple Abel s'est rendu à Paris pour l'ouverture du procès. "C'est important pour moi de rencontrer d'autres victimes, de pouvoir parler de ce que l'on vit depuis dix ans. Je veux voir, en face, les responsables de nos cauchemars".

BNP PPF conteste les accusations de tromperies

La société BNP PPF conteste toute pratique commerciale trompeuse et indique qu'elle le "fera savoir en temps voulu". Pour renforcer sa position, elle évoque qu'en parallèle à la procédure au pénal, des actions engagées devant les juridictions civiles fondées sur le caractère abusif de certaines clauses du contrat Helvet Immo, ont rendues "des décisions favorables à la banque".

Pour Me Constantin-Vallet, "les juges du civil n'avaient pas tous les éléments pour rendre leurs décisions, ce qui ne sera pas le cas pour le procès au pénal". L'avocat des victimes avance trois arguments majeurs révélés par l'enquête menée par deux juges d'instruction.

"BNP PPF a conçu ce produit au moment de la crise des subprimes. Elle était consciente des risques et avait pris la décision de les cacher", affirme l'avocat.

Il indique également que les conseillers en gestion de patrimoine étaient formés pour ne jamais parler du risque, mais au contraire, d'évoquer une valeur refuge, de la stabilité de la Suisse.

Me Constantin-Vallet évoque le contrat en lui-même. "Dans les 40 pages de l'offre de prêt, le mot "risque" n'est jamais évoqué".

Selon lui, en 2015, Nathalie Chevalier, une ancienne cadre de BNP PPF, aurait confirmé ces trois points aux juges d'instruction chargés de l'enquête.

Devant le tribunal correctionnel de Paris, "les victimes ne demandent pas grand-chose", explique leur avocat, "elles demandent simplement la réparation du préjudice, c'est-à-dire de payer leur emprunt, comme si elles n'avaient jamais été trompées par BNP PPF".

Le procès pénal qui s'ouvre mardi 12 novembre doit durer trois semaines. 2.200 victimes se sont portées partie civile pour le moment.

Un chiffre qui pourrait encore grossir selon Me Constantin-Vallet . Toute personne s'estimant victime de l'emprunt Helvet Immo peut se porter partie civile, jusqu'à la date des plaidoiries.
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