Deux jours après la mort d'un homme de 37 ans dans le métro de Marseille à la station Joliette, une enquête est en cours. Un témoin encore sous le choc raconte la scène à laquelle il a assisté. La famille du défunt présenté comme déficient mental porte plainte.
"Vers 17h, mes enfants et moi descendions les escaliers de la station Joliette, et nous tombons sur une dizaine de contrôleurs assez énervés qui se ruent sur un homme, il est plaqué au sol".
Sous couvert d'anonymat, un témoin raconte le déroulement de l'interpellation de l'homme de 37 ans qui est mort lors d'un contrôle de son titre de transport, ce mercredi à Marseille.
L'autopsie a révélé que la victime est morte asphyxiée, selon le parquet.
"L'homme était au sol, il y avait des cris", indique le témoin.
Tout s'est déroulé très rapidement selon lui. L'action aurait duré "environ 30 secondes". Cette personne se souvient du mouvement de foule et des cris provoqués par l'intervention des agents.
"Ensuite une partie des contrôleurs s'est relevée, en bougonnant, tandis que l'autre moitié, ils étaient six environ, à faire pression sur son corps", détaille ce témoin, qui précise que l'homme au sol était "bloqué entre le mur et la paroi vitrée de la cage d'escalier qui descend sur le quai".
Un de ses enfants lui rapportera avec ses mots, un peu plus tard, avoir vu "un homme qu'il a pris pour un policier, frapper à plusieurs reprises l'homme à terre avec un bâton noir et une bouteille d'eau".
"Vous n'avez que ça à faire de regarder"?
Près de deux minutes plus tard, un des contrôleurs va "demander de façon énervée" aux autres usagers de quitter les lieux, "vous n'avez que ça à faire que de regarder"?
Avec deux enfants en bas âge, le témoin décide alors de quitter les lieux. Il précise n'avoir pas assisté au début du contrôle, seulement à l'interpellation.
Bouleversée par ce qu'elle vient de voir, la famille est loin d'imaginer que la victime est en train d'étouffer.
En parler pour évacuer
De retour à la maison, la famille a commencé à parler de ce qu'il s'est passé.
"J'ai dû expliquer à mes enfants, que non, ce ne sont pas des policiers qui sont intervenus et des contrôleurs n'ont pas à agir de la sorte, car l'usage de la force était disproportionné et en défaveur de la victime".
"Le lendemain en me levant, je lis dans la presse que cet homme est mort, cela me bouleverse et toutes les images de la veille me reviennent", se souvient ce témoin.
" Je ressens que je dois en parler, raconter"
La famille encore sous le choc s'est présentée à l'Hôtel de police pour témoigner. "C'était éprouvant pour moi de témoigner, tout comme maintenant, car je fais appel à des images assez choquantes, j'évoque des faits assez douloureux, j'aimerais les évacuer rapidement".
D'ailleurs, en sortant de sa déposition, cette personne qui se dit croyante non pratiquante a "ressenti le besoin de se recueillir à la cathédrale de la Major en face, pour parler de cet homme que j'ai vu mourir".
Une enquête a été confiée à la Sûreté Départementale pour les chefs de "violences volontaires ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner" .
"Déficient mental et en bonne santé"
La famille du trentenaire décédé a porté plainte. "On veut comprendre", dit dans un souffle la soeur, anéantie par la nouvelle. Elle veut apporter son témoignage sur la personnalité de son frère.
"Saïd était gentil, très gentil". Elle décrit son frère comme grand, corpulent et souffrant de déficience mentale. "Il ne sait ni lire ni écrire, il ne sait pas prendre un ticket, il n'a pas d'argent sur lui, que ses clés," souligne-t-elle.
"Il a du avoir peur, il a réagi comme un enfant, il a voulu s'échapper et ils l'ont retenu", essaie-t-elle d'imaginer. Le soir du drame, inquiète de ne pas le voir rentrer, elle a signalé sa disparition au commissariat de la Capelette.
"On va rechercher la vérité, annonce l'avocat de la famille, on veut savoir très précisément ce qu'il s'est passé, pourquoi ce jeune homme déficient mental - d'un âge mental de 7 ans - en bonne santé est décédé."
La famille attend des réponses des investigations en cours. Elle espère beaucoup en apprendre davantage sur les circonstances du décès grâce aux images des caméras de surveillance.