L'État a suspendu les signatures des contrats de services civiques à compter du 1ᵉʳ février et jusqu'à nouvel ordre, parce que le budget du gouvernement n'a pas été voté. À Marseille, les jeunes et les associations sont particulièrement inquiets.
Il est l'entraîneur des moins de 10 ans, au FC Nueve, un club de foot du 9e arrondissement de Marseille. Sofiane, 17 ans, devait signer son contrat de service civique en ce début d'année 2025. Pour l'instant, c'est impossible. Le gouvernement suspend tous les nouveaux contrats depuis le 1er février 2025. En cause : le budget de l'Etat, qui n'a pas encore été voté.
Je devais payer mon permis pour l'année prochaine et mettre de l'argent de côté pour payer mes études de médecine parce que je voulais faire une école à Paris, l'aide de mes parents ne suffira pas.
Sofiane, en attente de son contrat en service civiqueFrance 3 Provence-Alpes
Sofiane est lui-même membre du club où il joue en U18. Depuis le mois de septembre, il entraîne déjà les enfants bénévolement. "Je lui avais promis qu'il aurait son service civique, et je ne peux pas tenir ma promesse", se désole Yohan Haidar Bacar, président du club. Sofiane espère que la situation se débloque le plus rapidement possible, "parce que l'année prochaine, après le lycée, je n'aurais pas le temps de faire un service civique à côté de mes études supérieures".
L'embauche des jeunes découragée
Yohan tient à préciser que ces contrats "font vivre les clubs en ce moment". Le FC Nueve est passé de 90 à 250 licenciés en un an. Pour lui, c'est évident, cette croissance est due aux quatre services civiques qui ont effectué leurs missions au sein de son club l'année dernière. Alors en 2025, il voulait doubler le nombre de ces contrats. "Sans eux, ces jeunes qui maîtrisent les réseaux sociaux par exemple, j'aurais moins de licenciés, c'est une certitude", rapporte le président du club.
Pour Steve Van Rysselberghe, coordinateur d'insertion professionnelle par le sport, cette "pause" des contrats de services civiques s'inscrit dans la lignée d'une politique gouvernementale qui diminue toujours plus les moyens des associations.
Les contrats aidés ont déjà été suspendus. Un contrat d'insertion coûte environ 40 000 euros à l'entreprise ou l'association. L'Etat aidait, à hauteur de 8 000 euros il y a encore quelques années. Puis ils ont diminué à 6 000. Et maintenant, il n'aide plus du tout.
Steve Van Rysselberghe, coordinateur d'insertion professionnelle par le sportFrance 3 Provence-Alpes
Sur le site internet du Sénat, est précisé que "le décret n° 2024-392 du 27 avril 2024 a supprimé l'aide exceptionnelle de 6 000 euros versée aux employeurs de salariés, âgés de moins de 30 ans, en contrat de professionnalisation pour les contrats conclus après le 1er mai 2024, ceci alors que l'échéance était initialement fixée au 31 décembre 2024".
Pour Steve, les contrats sous forme de service civique sont menacés au long terme.
Un mail, du jour au lendemain
Ce qui a surpris Ayakan Dükü, médiatrice socioculturelle au sein de l'association Méta 2 (pôle de créations d'arts urbains), c'est de recevoir un mail le jour pour le lendemain. Les associations et tuteurs de services civiques ont appris jeudi 30 voire vendredi 31 janvier 2025, au soir, qu'ils ne pouvaient pas faire signer de contrats à partir du 1er février.
"Chères, chers partenaires, un nouvel arbitrage gouvernemental a été rendu, ce jour, 31 janvier, concernant les mesures de suspension du Service Civique : (...) à compter du 1er février 2025, et jusqu’à l’adoption de la loi de finances pour 2025, aucun nouveau contrat ne pourra être signé", indique l'agence du service civique.
Les contrats en service civique que voulait employer Méta 2 pour 2025 sont donc bloqués.
Des rémunérations en attente
Héloïse et Rose, viennent tout juste de signer leur contrat de service civique à la ville de Marseille, in extremis. Leur mission pour Méta 2 et le musée Cantini a commencé en janvier 2025. En revanche, une inquiétude demeure : celle de la rémunération. "Il manquait un papier à une des filles, elle n'a donc pas perçu sa rémunération de janvier, sauf que la plateforme Elisa est bloquée pour le moment, elle ne recevra pas d'indemnités jusqu'à nouvel ordre", déplore Ayakan Dükü, médiatrice socioculturelle.
Dès que j'ai fini mes étude, j'ai trouvé un travail alimentaire parce que je ne trouvais rien dans mon domaine : la culture. J'ai dû démissionner pour entamer ce service civique. Sans cette rémunération, je ne perçois ni chômage, ni rien.
Héloïse, en service civiqueFrance 3 Provence-Alpes
D'autant plus qu'Héloïse a démissionné pour ce service civique. "C'est difficile de trouver un travail dans la culture alors j'ai commencé par ce système qui me permet aussi de prendre confiance en mes capacités", explique-t-elle. Le "poste" qu'elle occupe, avec Rose, fonctionne grâce à des jeunes en services civiques depuis plusieurs années.
Rose, elle, est venue de Bertagne pour ce contrat de service civique à Marseille. "C'est plus simple d'être prise en service civique dans le domaine de la culture" rapporte celle qui assure que les associations culturelles vivent en grande partie, grâce à ce type de contrats.
5 578 jeunes en Paca, dont des athlètes
Depuis jeudi, "nous sommes sous l'eau, chaque partenaire s'inquiète, c'est difficile, mais on continue les projets qu'on a commencé" promet Ayakan. Et pour cause, les Bouches-du-Rhône sont l'un des seuls départements de France qui accueille des services civiques au sein de la collectivité : 150 en 2024. Ces contrats de services civiques sont de plus en plus nombreux : 23% de croissance au niveau national entre 2020 et 2023. En moyenne, un jeune sur huit s’engage dans un service civique, autour de 21 ans, d'après le rapport d'activité 2023 de l'agence du service civique. Au total, en 2023, 5 578 jeunes étaient volontaires en mission de service civique en Paca.
Aya Gouzmir, elle, a signé son contrat en octobre dans le club de taekwondo des South Winners, à l'entrée du quartier de la Castelanne, dans le 15e arrondissement de Marseille. Vivant à Nîmes, elle fait le déplacement jusqu'à Marseille presque chaque jour pour aller entraîner les plus petits. Aya est surtout athlète de haut niveau, reconnue par le ministère des Sports et elle compte bien accéder aux JO de 2028. Pour elle, donner des cours est une passion. Mais elle reconnaît que la rémunération qu'elle perçoit grâce à son contrat de service civique lui permet de financer ses compétitions. En déplacement dans les quatre coins du monde, "vivre sans cette rémunération m'handicaperait beaucoup" précise-t-elle.
Aya est actuellement en formation à l'Apels, l'agence pour l’éducation par le sport, pour devenir conseillère en banque, en attendant de devenir championne olympique. Le service civique permet à certaines associations culturelles, à certains athlètes de haut niveau et à certains jeunes tout court de vivre. Tous attendent le vote du budget et espèrent le dégel des nouveaux contrats.