En 2024, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille a déposé 204 plaintes pour violence envers les soignants. Les syndicats demandent pour leur part des moyens supplémentaires contre cette violence devenue quotidienne et qui n'épargne aucun service.
Les plaintes pour violence envers les soignants ont fortement augmenté à l'AP-HM, 204 dépôts en 2024, contre 89 en 2022. Selon la direction des hôpitaux marseillais, les violences physiques sont en baisse par rapport à l'an dernier (120 en 2024, contre 133 en 2023) mais les violences verbales explosent (751 cas enregistrés en 2024, contre 558 en 2022).
"Plus aucun service, ni aucun hôpital n'est épargné, et on voit de la violence quasi tous les jours, réagit Audrey Jolibois, du syndicat FO de l'AP-HM, elle est verbale mais aussi physique, sur un hôpital comme la Timone, c'est un soignant frappé par semaine".
"L'hôpital est à l'image de la société, qui est de plus en plus violente, de plus en exigeante et frustrée par les limitations du système de santé et elle se décharge sur les personnels qui sont accessibles, c'est-à-dire les agents qui sont en première ligne", confirme Anissa Zerdoum, déléguée syndicale Sud Santé AP-HM.
"Il n'y a plus aucune limite"
Les syndicats constatent que la violence se banalise. "On a de la violence en cardiologie, même dans les services pédiatriques, les familles s'en prennent directement aux soignants s'ils demandent de parler moins fort dans la chambre, il n'y a plus aucune limite", constate Audrey Jolibois.
La violence qu'on retrouve dans la rue, elle est à l'hôpital, ce n'est plus un lieu sacralisé, avant la violence n'était qu'aux portes des urgences, maintenant elle est partout.
Audrey Jolivois, syndicat FO AP-HMFrance 3 Provence-Alpes
Anissa Zerdoum a constaté un avant/après covid. "Il y a beaucoup de ressentiment des familles envers le personnel, parce qu'ils ont été interdits de visite, on est passé de héros, où on était applaudis à zéro, le lendemain, on était vecteurs de maladie, parce qu'on refusait la vaccination".
Selon FO, les soignants sont confrontés à la violence aussi bien dans les services de cardiologie, de pédiatrie, qu'en dermatologie...
Audrey Jolibois rapporte une autre scène à la maternité de La Conception. Un véhicule est stationné avec la musique à fond, les agents de la sécurité privés demandent aux occupants de baisser le volume. "Ils sont partis et sont revenus en nombre, et ont pris à coups de barre de fer les agents de sécurité, ce sont des scènes surréalistes dans un hôpital".
Des vols dans les chambres
La déléguée FO reconnaît que la direction a simplifié la procédure de dépôts de plainte pour les professionnels de santé, mais elle estime que ce n'est pas suffisant. FO demande le renforcement des équipes de sécurité, des caméras de surveillance, une voiture de police municipale devant les urgences "ça ne réglera pas les problèmes, mais ça peut être dissuasif", estime-t-elle. Pour la sécurité des personnels comme des patients.
"On demande aussi de sécuriser les points d'accès, aujourd'hui, on entre comme dans un moulin, ils déambulent dans les services, ils rentrent dans les chambres de patients qui sont endormis ou pas en capacité de réagir, ils volent les téléphones portables, les portefeuilles...", souligne Audrey Jolibois.
Des soignants à bout
Le syndicat Sud Santé demande lui aussi plus des moyens pour que les rondes des agents de sécurité soient quotidiennes, notamment les dimanches et jours fériés, pour protéger les infirmières et aides-soignantes qui se retrouvent seules dans les services. "Ce sont des professions très féminines et quand vous vous retrouvez le week-end avec deux infirmières et deux aides-soignantes dans un couloir face à des familles qui sont parfois à dix personnes, qui cherchent à intimider, vous êtes en difficulté", témoigne encore Anissa Zerdoum, qui est infirmière depuis 10 ans.
Elle constate aussi que face à ces conditions de travail de plus en plus difficiles beaucoup de ses collègues jettent l'éponge. "Je vois énormément de jeunes infirmières quitter l'institution au bout d'un an, certaines n'attendent même pas leur titularisation, avant, c'était inenvisageable de quitter l'AP-HM sans être titulaire de son poste".