En janvier 2025, les prix des courses médicales des taxis pourraient bien augmenter, au point que certaines entreprises pourraient mettre la clé sous la porte. Les chauffeurs s'inquiètent pour leur chiffre d’affaires, mais aussi pour leurs clients qui ne pourront plus se rendre à leurs rendez-vous médicaux.
Il est huit heures, Stéphane Anselme attend devant chez lui qu’un taxi vienne le chercher. Comme tous les matins, cet habitant de Romette bénéficie d'une assistance remboursée par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) lui permettant de se rendre à la clinique de Gap.
“Je n’ai qu’un bras”, explique le patient, son deuxième bras dans le foulard à la suite de deux opérations de l’épaule. “Et là où on est, il n’y a pas de transports en commun”, renchérit Stéphane qui a donc besoin d’un taxi “à chaque fois qu’il a rendez-vous médical”.
Sur place, il peut ainsi suivre sa séance de kinésithérapie, suivie d’un petit moment dans le centre de balnéothérapie situé au même endroit. Problème : ce petit confort pourrait bien lui être enlevé à la rentrée 2025. Au 1ᵉʳ janvier, la CPAM prévoit d’augmenter le tarif des courses médicales.
Un risque de faillite pour certaines entreprises
“On accorde à la caisse 25% de nos remises par rapport à nos tarifs qui sont fixés par le ministère de l’Économie”, explique Romain Butera, chauffeur de taxi dans les Hautes-Alpes.
"À partir de janvier, ils vont nous demander jusqu’à 40% de remise sur ces tarifs. Or la marge d’un taxi est de 30 %. Ce qui veut dire que cela entraînerait la faillite de plusieurs milliers d’entreprises en France”, renchérit le représentant du personnel, membre du syndicat départemental des artisans taxi (SDAT05).
Le département recense 130 entreprises de taxi. Pour la plupart d’entre elles, les trajets médicaux représentent 70 à 95% de leur chiffre d’affaires.
Ils sont toujours là quand on a besoin de discuter avec eux, dans les bons moments comme dans les mauvais moments. Ne plus les avoir parce que le tarif change, c’est une très mauvaise idée
Julien, patientFrance 3 Provence-Alpes
Un report des taxis vers les gares, les ports et les aéroports
“Les petites courses comme celle de Stéphane ne seront plus rentables et personne n’accepte de travailler à perte. Les taxis qui font du médical vont se rabattre sur les ports, les gares TGV, les aéroports et n’iront plus chercher les patients”, souligne Romain Butera.
L'année dernière, dans les Hautes-Alpes, les trajets médicaux en taxi ont coûté 10 millions d'euros. Afin d’opérer des économies, les organismes médicaux ont petit à petit, ces dix dernières années, décidé de concentrer les activités autour de grands pôles. Certains centres hospitaliers de campagne ont dû être fermés. En échange, la CPAM a mis en place des services de transports en taxi.
Si on ajoute à cette problématique le vieillissement de la population et la hausse des maladies chroniques, une question se pose : comment vont faire les patients pour se rendre dans les établissements médicaux loin de chez eux ?
“Ils sont toujours là quand on a besoin d'eux"
Stéphane s'interroge : “les kinésithérapeutes ne se déplacent pas tous les jours. Et la balnéothérapie au quotidien, après les exercices, qui me calme, je ne l’aurai pas à la maison”. L'ouvrier d’entretien en Ehpad est pourtant convaincu que sans cette combinaison kinésithérapie et balnéothérapie, il n’aurait pas récupéré aussi facilement.
“Ils sont indispensables à notre moral”, renchérit Julien, le second client de la journée pour Romain. Ce dernier avait un rendez-vous à 11 h 30 au centre médical de Gap pour traiter un cancer. Cet homme a eu de nombreuses séances de chimiothérapies et de chirurgies. Il a dû se rendre à l’Institut Paoli-calmettes de Marseille, mais aussi à Grenoble, et les chauffeurs de taxi lui ont été d’un grand soutien.
Des discussions au niveau national sont en cours. Elles doivent définir de nouveaux tarifs pour 2025. Le tarif sera forcément réévalué à la baisse, mais dans les zones rurales peu pourvues en centres médicaux, dont les Hautes-Alpes font partie, les taxis espèrent obtenir une marge manœuvre pour permettre à leurs services de perdurer.